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"samizdat.net" <samizdat@ecn.org>
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Date
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Mon, 27 Sep 1999 08:59:46 +0200
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Subject
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globe_l: Luttes sociales en Algerie
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L'Algerie est toujours en guerre. L'Armee, les Affairistes de la politique
et les Integristes de tout poil continuent de prendre la population en
otage, de pratiquer le meurtre et la terreur. Dans ce climat de peur et
d'oppression, des syndicalistes se battent pour defendre encore un espace de
liberte et des conditions de vie decentes. L'un a ecrit au C.S. pour parler
des luttes dans le domaine de l'education. Bien que nous ne partagions pas
toutes ces analyses sur le role du syndicalisme et ces modes d'action, nous
publions sa lettre car elle parle d'une Algerie inconnue des grands medias
et de luttes gardees sous silence...
La redaction du Combat Syndicaliste
CNT AIT
International Secretary
7 rue St Remesy
F-31000 TOULOUSE (FRANCE)
Tel / Fax : +33 561 52 86 48
cnt.ait@wanadoo.fr
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ALGERIE : LUTTES SOCIALES
Le conflit CNES (Conseil National des Enseignants du Superieur) - MESRS
(Ministere de l'Enseignement Superieur et de la Recherche Scientifique) dure
depuis 1991, toujours autour de revendications salariales principalement.
En novembre 1991 deja, les enseignants universitaires etaient sortis dans la
rue et avaient essaye de faire un rassemblement pacifique devant le siege du
gouvernement ; ils ont ete deloges a coups de matraques par les forces de
l'ordre.
Las de voir leur situation sociale se degrader, et ne pouvant plus de ce
fait assumer pleinement leur travail, les enseignants ont declenche fin 1996
un mouvement de greve a l'echelle nationale ; la greve s'imposait, en
l'absence d'ecoute des pouvoirs publics. Malgre la duree de la greve (3
mois en pleine annee universitaire), les responsables du secteur et les
autorites du pays ont utilise tous les moyens possibles et imaginables pour
casser le mouvement de greve et le syndicat autonome des enseignants :
intimidations, mises en demeure, blocage des salaires, tentatives de
division... Les enseignants ont arrete leur mouvement de greve a la
mi-janvier 1997 pour sauver ce qui restait de l'annee universitaire, sans
que leurs revendications ne soient reellement prises en charges ; seul
acquis arrache lors : une augmentation negligeable des salaires et la
promesse ferme des autorites de tutelle d'elaborer avant la fin de l'annee
universitaire le statut particulier de l'enseignant-chercheur universitaire.
En 1998, la situation sociale et les conditions de travail de l'enseignant
se sont encore degradees. Sur cette base, les delegues syndicaux
avertissent les autorites de tutelle qu'en absence d'une prise en charge
serieuse des doleances des enseignants, une greve nationale serait
declenchee a la rentree suivante (octobre 1998). La greve a donc demarre le
17 octobre 1998, avec comme principales revendications la revalorisation des
salaires et l'elaboration du statut particulier de l'enseignant-chercheur.
Pendant 3 mois, : silence radio de toutes les autorites du pays malgre les
appels repetes du CNES a des negociations, malgre des marches et des
manifestations des enseignants dans plusieurs villes universitaires, malgre
trois rassemblements pacifiques (reduits a cela a cause de l'interdiction, y
compris par la force, des marches prevues) des enseignants en plein centre
d'Alger. A signaler que les enseignants ont meme ete empeches par la force
d'acceder a leur ministere de tutelle le 11 decembre 1998, date de leur
premier rassemblement a Alger. Au cours des manifestations, des enseignants
et des enseignantes qui brandissaient leurs stylos pour signifier que
c'etait la seule arme dont ils disposaient, ont ete tabasses par les forces
de l'ordre. A signaler aussi que des bus emmenant des enseignants de
l'interieur du pays a ces rassemblements ont ete interceptes sur le
peripherique et empeches de rejoindre Alger et le lieu du rassemblement.
Pendant trois mois donc, tout se passait du cote des pouvoirs publics et
meme des medias du secteur public, comme s'il ne se passait rien. La
quasi-totalite des etablissements universitaires du pays bloquee ou
fortement perturbee dans leur fonctionnement, pres de 10 000 enseignants
(sur 15 000 au total) en greve, la majorite des 500 000 etudiants de
l'universite prives de cours, tout cela etait apparemment negligeable, en
tout cas pas assez important pour amener les responsables du secteur a se
pencher serieusement sur les revendications des enseignants et a essayer de
trouver une issue au conflit. La seule initiative prise par le pouvoir
pendant ces 3 mois a ete le blocage, a partir de novembre, des salaires des
enseignants, et cela en totale contradiction avec les lois regissant les
conflits du travail. En effet, une circulaire ministerielle datant de 1991
prevoit dans ce type de conflit une ponction de 3 jours de salaire par mois
pendant toute la duree de la greve, si celle-ci est legale, ce qui etait le
cas. Il faut relever ici la legerete avec laquelle les premiers
responsables du pays bafouent les lois qu'ils ont eux-memes elaborees. Se
rendant compte de leur erreur, et en reponse a la plainte deposee par le
CNES aupres du tribunal, ils ont faconne dans la precipitation une autre
circulaire, datee du 25 novembre 1998, qui leur permet de suspendre
totalement les salaires.
Pendant cette periode, les enseignants se sont organises (au moins une
assemblee generale hebdomadaire dans chaque etablissement) pour subvenir a
leurs besoins et ceux de leurs familles. Des bons de solidarite ont ete
edites et distribues par les enseignants eux-memes dans leur entourage. Les
fonds ainsi collectes ont permis de parer au plus presse pour les plus
necessiteux d'entre eux (distribution selon les besoins). Sinon, les
circuits habituels de solidarite (amis, commercants, familles, connaissances
... ) ont permis a de nombreux enseignants de tenir le coup.
Un espoir de voir le conflit se terminer est ne fin janvier 1999, avec
nomination d'un nouveau premier ministre qui a donne instruction au ministre
de l'enseignement superieur de recevoir et ecouter les enseignants. Ce qui
fut fait, mais apres plusieurs reunions, il fallait se rendre a l'evidence :
les pouvoirs publics ne voulaient rien ceder et tenaient invariablement le
meme discours "reprenez le travail et on verra". Assez rapidement,
l'analyse suivante s'imposait ce qui derange les autorites, ce n'est pas
tant de repondre, au moins en partie (le CNES etait pret a faire des
concessions), aux doleances des enseignants, mais c'est surtout le fait de
satisfaire les revendications d'un syndicat autonome, un cadre
d'organisation erige par les enseignants en dehors des rouages du systeme ;
une "victoire" aurait donne a reflechir a d'autres travailleurs, d'autres
secteurs...
Apres l'echec des reunions CNES-MESRS, les responsables du secteur se sont
souvenus (apres 4 mois de greve !) de l'existence d'une legislation du
travail qui prevoit, dans ce type de conflit, un reglement reposant
soi-disant sur une mediation, en fait sur une procedure controlee par l'Etat
et son complice l'UGTA. La decision rendue par la CNA (Commission nationale
d'arbitrage) a ete la suivante : il etait ordonne, dans une premiere partie,
aux enseignants grevistes de reprendre immediatement le travail. Dans la
2eme partie, il etait ordonne a la tutelle la mise en application d'un
certain nombre de mesures en faveurs des enseignants. Le texte de cette
2eme partie reprend en fait mot a mot une serie de propositions - plutot
simulacres de propositions - faites par la tutelle aux delegues du CNES un
mois auparavant, lors des reunions MESRS-CNES, et rejetees alors en bloc par
les representants des enseignants.
Cette procedure n'etait en fait qu'un moyen pour les pouvoirs publics de
casser le syndicat autonome des enseignants universitaires ou tout autre
syndicat qui ne suit pas la voix de son maitre et de museler toute tentative
de mouvement de greve et de soulevement social dans les autres secteurs.
Les enseignants ont repris leurs cours le 28 fevrier 1999, prenant acte de
la decision de la CNA, mais resolus a continuer leur combat sous d'autres
formes, autour de leur syndicat, le CNES, et ce, jusqu'a l'aboutissement de
leurs revendications.
Nidal
UGTA = Union Generale des Travailleurs Algeriens (syndicat sous la botte
complete du pouvoir).
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