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Date Sat, 27 Nov 1999 10:27:17 +0100
Subject globe_l: Timor oriental: questions et reponses

[ZNet]

´Timor oriental: questions et rÈponsesª
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         par Stephen R. Shalom, Noam Chomsky, et Michael Albert

Si l'activisme populaire soulevÈ par ces politiques commence ý menacer le
calme ambiant et le courant habituel des affaires, si cet activisme menace
de croÓtre et de se rÈpandre, et ne touche pas uniquement le Timor mais
parvient avec le temps ý affecter les institutions de base derriËre de tels
ÈvÈnements - alors il y aura un cošt rÈel et dangereux auquel les Èlites
seront trËs sensibles.


1. Quelle Ètait la politique des Š.-U. envers l'IndonÈsie avant 1975?

¿ la suite de la DeuxiËme guerre mondiale, la politique des Š.-U. envers
les colonies asiatiques des pouvoirs europÈens a suivi un principe simple:
lý o˜, sur un territoire, les nationalistes Ètaient de gauche (comme au
ViÍtnam), Washington appuierait la rÈimposition de la loi coloniale
europÈenne, tandis que lý o˜ l'on Ètait sšr que le mouvement nationaliste
n'Ètait pas de gauche (comme en Inde), Washington appuierait l'indÈpendance
de ces colonies comme une faÁon de les soustraire ý l'influence exclusive
d'un pouvoir rival. Au dÈbut, les nationalistes indonÈsiens n'ont pas ÈtÈ
jugÈs suffisamment dociles; les troupes britanniques, armÈes par les Š.-U.
et assistÈes par des soldats japonais, se sont affrontÈes aux IndonÈsiens
pour prÈparer le retour des troupes nÈerlandaises, aussi armÈes par les
Š.-U. Toutefois, en 1948, les nationalistes indonÈsiens modÈrÈs, dirigÈs
par Sukarno, ont ÈcrasÈ une tentative de coup venue de la gauche, et
Washington a alors dÈcidÈ que les NÈerlandais devraient Ítre encouragÈs ý
s'entendre avec Sukarno et ý accepter l'indÈpendance indonÈsienne.

Toutefois, les Š.-U. n'ont pas mis beaucoup de temps ý conclure que Sukarno
Ètait d'une neutralitÈ dangereuse et, sous l'administration Eisenhower,
Washington a tentÈ de miner le fragile gouvernement dÈmocratique
indonÈsien. Ces efforts - la plus grande opÈration clandestine amÈricaine
depuis la DeuxiËme guerre mondiale - furent infructueux. Les Š.-U. ont donc
dÈviÈ leur stratÈgie vers la fortification de l'Institution militaire
indonÈsienne comme contrepoids au Parti communiste populaire indonÈsien. En
1965, cette approche porta fruit lorsqu'un coup militaire, accompagnÈ du
massacre d'entre un demi et un million de communistes, suspects de
gauchisme, ainsi que de paysans ordinaires, a dÈposÈ Sukarno et installÈ le
GÈnÈral Suharto ý sa place. Washington a applaudi ý ce coup, a dÈpÍchÈ des
armes ý Jakarta, et a mÍme fourni ý l'armÈe une liste de membres du Parti
communiste qu'elle a alors capturÈs puis massacrÈs. Selon une Ètude de la
CIA, "mesurÈs en nombre de tuÈs, les massacres indonÈsiens de 1965-66 se
classent parmi les plus grands meurtres de masse du XXe siËcle". Les Š.-U.
ont Ètabli des liens militaires, Èconomiques et politiques Ètroits avec le
rÈgime Suharto.

2. Qu'Ètait le Timor oriental avant que l'IndonÈsie ne l'envahisse?

¿ partir du XVIIe siËcle, les Pays-Bas et le Portugal se sont battus pour
le Timor, petite Óle du sud-ouest asiatique ý peine plus grande que l'Štat
du Maryland, situÈe ý 1000 miles au sud des Philippines et ý environ 400
miles au nord-ouest de l'Australie. Finalement, les deux pouvoirs coloniaux
ont divisÈ l'Óle, la moitiÈ occidentale allant aux Pays-Bas et devenant
partie des Indes orientales nÈerlandaises, et la moitiÈ orientale allant au
Portugal. Quand les Indes orientales nÈerlandaises sont devenues
indÈpendantes, ý la suite de la DeuxiËme guerre mondiale, sous le nom
d'IndonÈsie, le Timor occidental a fait partie de la nouvelle nation. Le
Timor oriental est toutefois demeurÈ sous la gouverne portugaise jusqu'au
milieu des annÈes 70, alors que le Portugal dÈmantelait finalement son
empire colonial. Le Timor oriental est diffÈrent de l'IndonÈsie quant ý la
religion, ý la langue, et quant ý plusieurs siËcles d'histoire coloniale.

3. Comment l'IndonÈsie en est venue ý se mÍler du Timor oriental?

Aussi longtemps que le Portugal a contrÙlÈ le Timor oriental, l'IndonÈsie
n'a pas envisagÈ de l'attaquer, mais une fois que Lisbonne ešt dÈclarÈ son
intention de se retirer, le rÈgime Suharto y a vu une occasion d'agrandir
son territoire et d'augmenter ses ressources. Le Timor oriental semblait
une cible facile, Ètant donnÈ qu'en 1975, l'IndonÈsie avait une population
de 136 millions d'habitants, comparÈe aux 700,000 habitants du Timor
oriental. L'IndonÈsie a d'abord tentÈ de bloquer l'indÈpendance timoraise
en soutenant un coup d'Štat sur le territoire, mais suite ý l'Èchec de
cette tentative, elle a lancÈ une invasion tous azimuts du Timor oriental
en dÈcembre 1975, sous le prÈtexte d'y maintenir l'ordre. Un mot d'ordre de
propagande forgÈ ý Jakarta -souvent rÈpÈtÈ par les mÈdias occidentaux -
veut que les combats au Timor oriental soient une "guerre civile". En fait,
il y a eu une trËs courte guerre civile avant que les IndonÈsiens
n'envahissent. Toutefois, durant les 25 derniËres annÈes, cela n'a ÈtÈ plus
une guerre civile que ne l'avaient ÈtÈ les conquÍtes nazies en Europe.

4. Quel a ÈtÈ le rÙle des Š.-U. dans l'invasion indonÈsienne de dÈcembre 1975?

La veille de l'invasion, le PrÈsident amÈricain Gerald Ford et son
SecrÈtaire d'Štat, Henry Kissinger, Ètaient ý Jakarta, en rÈunion avec
Suharto. Kissinger a plus tard prÈtendu que le Timor oriental n'a mÍme pas
ÈtÈ ý l'agenda des discussions, mais cette prÈtention s'est avÈrÈe un
mensonge. De fait, Washington a donnÈ ý Suharto le feu vert pour
l'invasion. 90% des armes utilisÈes par les forces armÈes aÈriennes
indonÈsiennes Ètaient amÈricaines (malgrÈ une loi amÈricaine interdisant
l'usage de son aide militaire ý des fins offensives), et l'envoi d'armes -
incluant de l'Èquipement contre-insurrectionnel - fut secrËtement augmentÈ
(un point qu'on devrait garder ý l'esprit pour interprÈter ce qui se passe
aujourd'hui). Les Š.-U. ont aussi apportÈ une assistance diplomatique aux
envahisseurs. Aux Nations Unies, l'ambassadeur amÈricain Daniel Patrick
Moynihan uvra avec succËs - comme il s'en vante dans ses mÈmoires - pour
s'assurer que l'Organisation internationale soit inefficace dans sa
tentative de contrer l'agression de Jakarta. Sous la prÈsidence de Jimmy
Carter, champion autoproclamÈ des droits de l'homme, il y eut encore un
accroissement de l'aide militaire amÈricaine ý l'IndonÈsie. Depuis 1975,
les Š.-U. ont vendu ý Jakarta pour plus d'un milliard $ en Èquipement
militaire.

5. Quel a ÈtÈ l'effet de l'invasion indonÈsienne?

L'invasion indonÈsienne et l'impitoyable "campagne de pacification" qui
s'ensuivit ont causÈ la mort - par massacres, famine, maladie - de quelque
200,000 Timorais orientaux, plus d'un quart de la population du territoire,
en provoquant l'un des plus grands bains de sang de l'histoire moderne, en
proportion de la population totale. De plus, les forces indonÈsiennes ont
perpÈtrÈ des tortures, des viols et des dÈplacements forcÈs sur une trËs
grande Èchelle.

6. Quelle a ÈtÈ la rÈaction de la communautÈ internationale ý l'invasion
indonÈsienne de 1975?

D'une part, l'agression indonÈsienne violait tellement la loi
internationale et le droit ý l'autodÈtermination que le Conseil de SÈcuritÈ
des Nations Unies condamna l'invasion, demandant ý l'IndonÈsie de retirer
ses forces armÈes du Timor oriental, et l'AssemblÈe gÈnÈrale rejeta
l'annexion du Timor oriental par l'IndonÈsie en tant que sa 27e province,
et demandant que la population du Timor oriental ait la possibilitÈ de
dÈterminer son propre avenir. Aucun pays - ý la seule exception de
l'Australie - n'a reconnu la souverainetÈ de l'IndonÈsie sur le Timor
oriental.

D'autre part, pour plusieurs pays, l'aspect de la moralitÈ et de la
convenance a trËs peu pesÈ dans la balance en comparaison des profits ý
tirer des liens Èconomiques Ètroits avec l'IndonÈsie et sa nombreuse
population ("Quand je pense ý l'IndonÈsie - un pays tropical de 180
millions de personnes, ý la moyenne d'’ge de 18 ans, avec une interdiction
de l'alcool par l'islamisme -, je pense m'imaginer ce ý quoi ressemble le
ciel" avait lancÈ le prÈsident de Coca-Cola en 1992), des possibilitÈs de
vendre des armes aux forces armÈes indonÈsiennes, et des avantages
gÈopolitiques qu'on retirerait ý s'allier ý la plus grande nation du
Sud-est asiatique plutÙt qu'ý l'une des plus petites. L'appui de Washington
ý Jakarta s'Ètait dÈjý fait remarquer. L'Australie -seul pays ý le faire -
avait fourni ý l'IndonÈsie une aide militaire et avait formellement reconnu
sa souverainetÈ sur le Timor oriental, espÈrant partager les ressources en
pÈtrole au large de la cÙte du Timor oriental. La Grande-Bretagne Ètait le
plus grand fournisseur d'armes de l'IndonÈsie; et le Japon, sa plus grande
source d'aide Èconomique et d'investissements Ètrangers. Le Canada avait
apportÈ ý Jakarta ý la fois son aide Èconomique et militaire, tandis que
les Pays-Bas et l'Allemagne avaient aussi ÈtÈ ses fournisseurs majeurs en
armements.

7. Comment les Timorais ont-ils rÈsistÈ au fil des ans?

Le peuple Timorais a menÈ un combat digne et courageux. Ils ont entrepris
une guÈrilla malgrÈ des forces contraires trËs supÈrieures, organisant des
protestations non-violentes, et menant une rÈsistance passive. Les
Ètudiants, tout comme l'Šglise catholique et plusieurs autres, ont, d'une
faÁon ou d'une autre, ÈtÈ impliquÈs dans la lutte: soit en prenant les
armes, soit en fournissant les vivres ý la guÈrilla, soit en participant ý
des dÈmonstrations ou en cachant les organisateurs. De maniËre remarquable,
malgrÈ l'horrible rÈpression et malgrÈ l'installation au Timor - par
Jakarta - d'un grand nombre de colons sur le territoire timorais, la
population du Timor oriental est restÈe passionnÈment engagÈe envers
l'autodÈtermination et la libertÈ.

8. Quelle solidaritÈ a ÈtÈ manifestÈe depuis l'Ètranger au cours des annÈes?

Durant quelque temps, seules quelques voix se sont ÈlevÈes. Arnold Kohen,
par exemple, a ÈtÈ au centre des proclamateurs depuis le dÈbut. Il y a eu,
en Australie en en Angleterre, des petits groupes qui ont tentÈ d'attirer
l'attention sur ce sujet. Durant les annÈes 80, le nombre des activistes
s'est accru. Un accroissement notable s'est produit suite au massacre de
Dili en 1991 -quand les troupes indonÈsiennes ont attaquÈ une paisible
procession funÈraire, massacrant plus de 270 personnes -, le massacre a ÈtÈ
publicisÈ par les journalistes indÈpendants Amy Goodman et Alan Nairn (qui
risquËrent la mort par les troupes indonÈsiennes), et par un
journaliste-photographe de la TV britannique qui a secrËtement filmÈ les
atrocitÈs. L'Šglise et les groupes des Droits de l'homme sont devenus
actifs, et Charlie Scheiner a organisÈ le RÈseau d'Action du Timor oriental.

Vers le milieu des annÈes 90, il y eut des organismes d'importance dans
plusieurs pays et ils ont commencÈ ý exercer de l'influence. Le sujet a
fini par Ítre traitÈ par les mÈdias officiels, quoique pas toujours de
faÁon adÈquate. Sous l'influence d'un lobby intense par des activistes du
Timor oriental, le CongrËs des Š.-U. a progressivement accru ses
restrictions ý l'aide militaire amÈricaine ý l'IndonÈsie, bien souvent
contournÈes toutefois par l'administration. En 1996, JosÈ Ramos Horta,
principal reprÈsentant du Timor oriental pour les Affaires ÈtrangËres,
ainsi que Mgr Carlos Felipe XÌmenes Belo, leader spirituel du Timor
oriental, se sont vu attribuer le Prix Nobel de la Paix, attirant
l'attention sur la situation.

9. Comment est-on arrivÈ au rÈcent rÈfÈrendum et quels en ont ÈtÈ les
rÈsultats?

Des dÈmonstrations de masse en IndonÈsie, la crise financiËre et une
corruption gÈnÈralisÈe ont conjointement rÈussi ý mener au remplacement de
Suharto. Son successeur, B.J. Habibie, a consenti ý convoquer des Èlections
en IndonÈsie et ý tenir un rÈfÈrendum sur l'avenir du Timor oriental.
L'Èlection indonÈsienne a ÈtÈ gagnÈe par Megawati Sukarnoputri, principale
leader de l'opposition, mais, mÍme s'il lui a ÈtÈ permis de devenir
prÈsidente en novembre, il est douteux qu'elle franchisse le pas de
dÈmanteler l'appareil de la sÈcuritÈ nationale qui domine l'Štat.

Dans les nÈgociations sur les conditions de la tenue du rÈfÈrendum sur
l'avenir du Timor oriental, la communautÈ internationale s'est
essentiellement contentÈe d'accepter les conditions posÈes par l'IndonÈsie.
Le rÈfÈrendum serait menÈ par l'IndonÈsie, le pouvoir d'occupation. On
permettait aux Nations Unies d'envoyer quelques centaines d'observateurs
non armÈs, mais qui n'auraient aucun moyen d'arrÍter les forces
paramilitaires ("milices") que l'ArmÈe indonÈsienne avait mises sur pied et
qui, sous sa direction et avec son implication directe - spÈcialement ý
travers ses forces spÈciales (Kopassus), entraÓnÈes par les Š.-U. et
l'Australie et renommÈes pour leur extrÍme violence et leur brutalitÈ -,
menaient une forte campagne de terreur. PlutÙt que d'insister pour avoir
une prÈsence plus nombreuse des forces de l'ONU, l'administration Clinton a
retardÈ l'envoi des observateurs. Le rÈfÈrendum a plusieurs fois ÈtÈ
retardÈ par l'ONU sous prÈtexte que la terreur continuait, celle-ci Ètant
clairement planifiÈe par l'armÈe pour induire, par l'intimidation, la
population ý voter en faveur de l'incorporation ý l'IndonÈsie. Le 30 aošt
1999, dans une dÈmonstration Ètonnante de courage, la population presque
entiËre du Timor oriental est allÈe aux urnes, presque 80% votant pour
l'indÈpendance. Ayant ÈchouÈ ý amener la population timoraise ý accepter
l'autoritÈ indonÈsienne, l'armÈe et ses milices ont alors dÈclenchÈ une
attaque fÈroce contre la population civile, dÈplaÁant des centaines de
milliers de personnes, tuant un nombre indÈterminÈ, mais certainement des
milliers de personnes, bršlant et pillant.

10. Quelles sont les motivations probables de l'IndonÈsie et des milices,
dans l'aprËs-rÈfÈrendum?

Pour l'armÈe indonÈsienne, les motifs probables sont de dÈmontrer aux
populations indonÈsiennes qui voudraient relever la tÍte que le cošt en
serait extrÍmement ÈlevÈ. L'armÈe en a fait la dÈmonstration durant les
massacres de 1965-66 au moment de l'arrivÈe de Suharto au pouvoir,
intimidant le pays durant des annÈes, et plusieurs fois par la suite - et
toujours avec l'appui enthousiaste des Š.-U. et de l'Occident en gÈnÈral.
Il y a maintenant des mouvements sÈcessionnistes dans plusieurs points de
l'IndonÈsie (bien qu'on nomme "sÈparatiste" le mouvement d'indÈpendance du
Timor oriental, ce terme ne convient pas plus que si l'on avait nommÈ
"sÈparatiste" la RÈsistance franÁaise au Nazisme), et l'armÈe craint
probablement que le fait de donner son indÈpendance au Timor encouragerait
d'autres mouvements sÈcessionnistes.

D'autres motivations probables viseraient ý affaiblir l'autoritÈ civile de
Jakarta et ý favoriser l'institution militaire, lui donnant un poids
prÈpondÈrant dans la course ý la succession du rÈgime Suharto. Autre motif
possible: la vengeance pure et simple. Le Timor oriental a rÈsistÈ avec un
Ènorme courage et une grande intÈgritÈ depuis 25 ans et on les en punit par
le massacre et la destruction. Il est aussi bon de garder ý l'esprit que
les militaires et la famille de Suharto se sont emparÈs de la plupart des
ressources du Timor oriental et ne veulent pas les restituer. La toile de
fond comporte aussi l'importante question des richesses en pÈtrole de la
Fosse du Timor, et ceux qui, Èventuellement, les contrÙleront.

11. Quel est le rÙle des Nations Unies?

Parler du rÙle des Nations Unies prÍte quelque peu ý confusion. Les Nations
Unies sont pratiquement impuissantes en tant qu'entitÈ abstraite ou mÍme
que reprÈsentant l'ensemble des nations du monde. Elles peuvent agir
seulement dans la mesure o˜ l'y autorisent les Grandes puissances,
principalement les Š.-U.

Les Nations Unies n'ont pas de force propre de maintien de la paix et
dÈpendent donc de leur succËs ý trouver des pays qui consentiront ý fournir
des troupes pour n'importe quelle mission spÈcifique. L'Organisme souffre
aussi d'une restriction extrÍme de fonds ý cause du refus continuel des
Š.-U. de payer leur quote-part. Tout contingent de casques bleus envoyÈ au
Timor oriental ne sera probablement pas une force des Nations Unies parce
que le CongrËs amÈricain a exigÈ un dÈlai de 15 jours avant que le
Gouvernement amÈricain n'approuve toute opÈration de maintien de la paix
par les Nations Unies, et a interdit ý Washington de payer sa quote-part
des cošts de toute opÈration de ce genre. Les Š.-U. exercent la plus grande
influence au Conseil de SÈcuritÈ, mais quelques Organismes des Nations
Unies, tels que l'AssemblÈe gÈnÈrale ou les entitÈs traitant de questions
Èconomiques et sociales, ont, depuis l'Èpoque de la dÈcolonisation, une
majoritÈ composÈe de pays du Tiers-Monde. En consÈquence, la ligne de
conduite amÈricaine a ÈtÈ d'affaiblir ou de marginaliser les Nations Unies.
Les Nations Unies devraient jouer un rÙle important dans la conduite des
affaires mondiales, mais la politique amÈricaine et celles d'autres Štats
puissants limitent considÈrablement son influence. Du point de vue des
AmÈricains - les dÈcideurs - il y a toutefois un rÙle crucial que jouent
les Nations Unies: elles servent comme bouc Èmissaire facile lorsque
quelque chose va mal. Par exemple, la prÈsente catastrophe au Timor
oriental est directement attribuÈe au refus des Š.-U. et d'autres pouvoirs
occidentaux de dÈcourager les atrocitÈs qui s'y commettent depuis un quart
de siËcle; malgrÈ cela, ce sera l'ONU qui sera bl’mÈe.

12. Quels sont les motifs probables des Š.-U. dans l'aprËs-rÈfÈrendum?

Les motifs amÈricains actuels sont ceux de toujours: poursuivre ces
politiques qui accroÓtront le pouvoir et les profits Èconomiques des Èlites
corporatives et politiques amÈricaines avec le moins de danger possible de
perturber les relations de pouvoir, spÈcialement le moins possible d'effets
dÈrangeants consÈcutifs ý la conscientisation du public et ý son dÈsaccord.

Les Š.-U. ont une longue tradition d'entretenir dans le luxe les dictateurs
cruels, Ètant indiffÈrents - quand ils ne sont pas enthousiastes - envers
leurs atrocitÈs, et ne les laissant tomber que lorsque Washington en vient
ý la conclusion que le dictateur a causÈ tellement d'instabilitÈ et de
dissidence que les intÈrÍts amÈricains en sont menacÈs. Ainsi, le PrÈsident
Jimmy Carter a appuyÈ le Shah d'Iran jusqu'au moment o˜ l'armÈe aurait pu
disparaÓtre ý force d'essayer de supprimer les dÈmonstrations de masse; le
PrÈsident Reagan a ÈpousÈ la cause de Marcos aux Philippines jusqu'au
moment o˜ les intÈrÍts amÈricains soient mis en pÈril par la division au
sein des forces armÈes et par l'ampleur des foules dans les rues. De mÍme
en IndonÈsie, les Š.-U. ont appuyÈ Suharto jusqu'ý ce que le bouillonnement
populaire semble en venir ý mettre en pÈril les intÈrÍts Èconomiques et
gÈopolitiques amÈricains.

Et les Š.-U. ont appuyÈ la politique indonÈsienne au Timor oriental - avec
armes, entraÓnement et appui diplomatique - aussi longtemps que le faire
favorisait la poursuite des intÈrÍts amÈricains. Aussi longtemps que le
Timor oriental a pu Ítre ÈcartÈ de la une des journaux, Washington a ÈtÈ
heureux de laisser la voie libre ý Jakarta. Mais les nouvelles des
derniËres atrocitÈs n'ont pu Ítre tues. Quelques journalistes courageux,
des observateurs indÈpendants des Nations Unies, quelques employÈs des
Nations Unies ont refusÈ d'abandonner les Timorais, et les rÈseaux
d'activistes ont envahi le monde entier. Cela a fait en sorte qu'il en
cošte davantage aux Š.-U. de continuer de tolÈrer le terrorisme indonÈsien
au Timor oriental. Toutefois, Washington espËre encore protÈger ses enjeux
Èconomiques en IndonÈsie et maintenir des liens Ètroits avec les militaires
de ce pays.

13. Qu'est-ce que les Š.-U. pourraient faire de positif pour le Timor oriental?

Les Š.-U. et leurs principaux alliÈs exercent une trËs grande influence sur
le gouvernement indonÈsien. L'IndonÈsie n'a pas une grande industrie
militaire et dÈpend beaucoup de ses fournisseurs: les Š.-U., la
Grande-Bretagne, l'Australie, et d'autres. Les troupes indonÈsiennes
reÁoivent leur entraÓnement et participent ý des exercices conjoints avec
les troupes amÈricaines, les plus rÈcents remontant ý la semaine prÈcÈdant
le rÈfÈrendum du 30 aošt 1999. L'Èconomie indonÈsienne est Ègalement
totalement dÈpendante de l'aide financiËre des Š.-U. et d'autres nations
riches, ainsi que du Fonds MonÈtaire International dont les politiques sont
contrÙlÈs par ces mÍmes nations riches. Sans les fonds provenant de ces
sources, l'IndonÈsie verra se tarir ses investissements provenant de
l'Ètranger, et les capitaux domestiques fuiront aussi. Bref, l'IndonÈsie ne
peut agir sans l'approbation de Washington et des grandes nations
occidentales.

La mÍme pression qui a forcÈ ces derniers jours Jakarta ý accepter les
troupes internationales de maintien de la paix aurait pu Ítre utilisÈe - et
pourrait encore l'Ítre - pour forcer les IndonÈsiens ý stopper le massacre
et la destruction au Timor oriental, ce qui aurait sur les vies des
Timorais orientaux des effets bien plus importants et immÈdiats que l'envoi
de forces de maintien de la paix. (Il faudra du temps avant que les casques
bleus n'arrivent et, de toute maniËre, il est ý supposer qu'ils ne pourront
pas faire grand-chose pour ces Timorais qu'on a dÈplacÈs vers le Timor
occidental o˜ ils sont encore les cibles de la terreur indonÈsienne.) Les
casques bleus peuvent jouer un rÙle utile en facilitant la distribution
d'aide humanitaire (laquelle doit toutefois Ítre acheminÈe immÈdiatement
afin d'arriver aux centaines de milliers de gens en danger de famine
rÈfugiÈs dans les montagnes) et en contrÙlant tout membre des milices qui
refuserait un ordre indonÈsien de se retirer.

Švidemment, la mÍme pression qui a amenÈ Jakarta ý quitter le Timor
aujourd'hui aurait pu Ítre employÈe il y a une ou deux semaines pour
arrÍter les atrocitÈs. Et elle aurait pu Ítre utilisÈe il y a six mois pour
contraindre l'IndonÈsie ý dÈmanteler les milices et ý retirer les forces de
la terreur. Et elle aurait pu Ítre utilisÈe n'importe quand depuis un quart
de siËcle pour amener l'IndonÈsie ý se retirer du Timor oriental. Et elle
aurait pu Ítre utilisÈe en dÈcembre 1975 pour empÍcher, en tout premier
lieu, l'invasion indonÈsienne.

14. Les Š.-U. feront-ils quelque chose de positif en faveur du Timor oriental?

Le gouvernement amÈricain n'agit pas pour des motifs humanitaires. Les
Èlites politiques et Èconomiques des E.U. poursuivent leurs propres
intÈrÍts et tolËrent volontiers - et mÍme emploient - une incroyable
brutalitÈ dans la poursuite de ces intÈrÍts.

Toutefois, les Èlites amÈricaines peuvent parfois Ítre amenÈes ý suivre une
ligne positive d'action si les cošts sociaux de s'abstenir s'en trouvaient
considÈrablement accrus. Le gouvernement amÈricain n'a pas mis fin ý la
guerre du ViÍtnam suite ý un sursaut d'humanisme dont les dÈcideurs
politiques auraient tenu compte. Ils ont plutÙt mis fin ý cette guerre
parce que la rÈsistance des Vietnamiens et les rÈvoltes sociales aux Š.-U.
augmentaient trop les cošts d'une poursuite de la guerre.

Le gouvernement amÈricain n'interviendra positivement - plus prÈcisÈment:
il cessera de faire quelque chose de terriblement nÈgatif - envers le Timor
oriental que si l'opinion publique rend nÈcessaire cette ligne d'action en
Èlevant le cošt social de continuer l'appui au massacre.

Alors, la stratÈgie de ceux qui dÈsirent changer la politique amÈricaine
envers le Timor oriental est la mÍme que celle qu'adoptent ceux qui veulent
gÈnÈralement changer toute politique amÈricaine. Les Èlites amÈricaines ne
plient pas devant une pression morale, mais plutÙt devant un calcul de
leurs intÈrÍts. Si l'on veut influencer leur choix, il est donc nÈcessaire
d'influer sur les variables de leurs calculs. Le seul moyen d'y parvenir
est de conscientiser la population quant aux vraies conditions et
d'organiser une dissidence qui menacera ce qu'ils apprÈcient. Si poursuivre
ou appuyer une activitÈ gÈnocidaire au Timor fortifie la position des
Èlites et enrichit leur compte en banque, et si cela n'entraÓne aucun cošt
adverse, Áa continuera. Si l'activisme populaire soulevÈ par ces politiques
commence ý menacer le calme ambiant et le courant habituel des affaires, si
cet activisme menace de croÓtre et de se rÈpandre, et ne touche pas
uniquement le Timor mais parvient avec le temps ý affecter les institutions
de base derriËre de tels ÈvÈnements - alors il y aura un cošt rÈel et
dangereux auquel les Èlites seront trËs sensibles.

Dans ces circonstances, que fait une personne moralement sensible? Elle
essaie de s'informer, d'informer ses voisins, d'appuyer les efforts en vue
de rendre visible la dissidence - mÍme financiËre, en appuyant par des dons
des projets valables et des institutions, ou bien en donnant de son temps
et de ses efforts ý des groupes qui s'organisent. Ce n'est pas compliquÈ.
C'est la mÍme rÈponse pour le Timor que pour le Kosovo ou pour la Guerre du
Golfe, le Nicaragua ou le ViÍtnam. C'est la mÍme rÈponse que pour orienter
la politique ÈtrangËre, gagner des grËves contre des corporations,
renverser l'ALENA, maintenir l'action positive (ou l'instaurer tout
d'abord). Pour influencer les Èlites, il est nÈcessaire d'Èlever tellement
les cošts sociaux de celles de leurs actions auxquelles vous voulez mettre
un terme, que ces Èlites n'auront d'autre choix que de cÈder.

Septembre 1999

Texte original ý http://www.zmag.org/CrisesCurEvts/Timor/qanda.htm







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