Bonjour,
Je vais tenter de faire un resume de ce qui se passe en Equateur.
Tout d'abord, ce pays est dans un tres grave crise economique : forte
devaluation du sucre (monnaie) face au dollar et inflation des prix. En un
an, le sucre est passe de 7500 sucres pour un dollar a 25000 sucres/dollar.
Quant aux prix pour les produits de premiere necessite, ils ont augmente
entre 60 et 80%. Evidemment, c'est les populations les plus pauvres qui en
sont les premieres touchees.
Face a cette crise le gouvernement et son president Jamil Mahuad n'a eu
comme ressources que les "conseils" du FMI (on appelle ca des ajustements
structurels), a savoir privatisation des entreprises publiques,
dereglementations des marches (notamment autour des puits de petrole),
diminution des credits aux services publics... La derniere trouvaille fut
de remplacer le sucre par le dollar, accompagnee de la baisse des taux
d'interet quand les echanges se font en dollar, gel de l'epargne pour que
les banques aient des fonds, etc.. Avec comme argumentation, que cela
allait relancer la production et donc que tou-te-s les ecuatorien-ne-s en
profiteraient.
Les mouvement indiens ont fortement reagi : les indien-ne-s sont les
populations les plus pauvres donc ce sont celles-ci qui ont ete le plus
touchees par la crise, or la dollarisation ne favorise que la speculation
et non la production. Les reactions ont eu lieu aussi sur le fait que la
dolarisation ferait perdre sa souverainete a l'Equateur au benefice des
Etats-Unis, ce qui renforce l'emprise des Etats-Unis sur l'Amerique Latine.
AjoutÈe aux privatisations et au cassage du service publique, les
indien-ne-s ont decide qu'il fallait que ca change.
Face a cette crise, Mahuad a repondu par la mise en place de l'etat
d'urgence le 6 janvier dernier.
On peut noter que face aux revendications hostiles au FMI, Camdessus (le
nƒ1) a nie le fait que la dolarisation soit une directive du FMI, ce qui a
fait reagir Mahuad dans le genre "Ah ! Mais, si !".
Le 11 janvier les diverses forces un tantinet enervees (Indien-ne-s de la
Conaie, syndicalistes, membres de la Cooordination des mouvements sociaux,
mouvements de femmes, l'Eglise...), se sont constituees en un Parlement
Populaire des Peuples d'Equateur. Le tout en appelant au soulevement. Qui a
commence le samedi 15.
Des milliers de personnes ont d'abord occupÈes les routes et des batiments
symboliques puis un partie a converge vers Quito la capitale (ils et elles
se sont retrouve-e-s a environ 30000 au plus fort des evenements).
Il y a eu des affrontements parfois, avec l'armee (le soulevement se
voulait et s'est fait sans arme).
Les manifestant-e-s sont entrÈ-e-s a Quito le mardi accueilli-e-s par la
population (de nombreuses greves se sont declenchees et notamment en
ville). Ils/elles ont ete soutenu-e-s, ce qui n'etait pas evident puisque
la nourriture commencait a manquer a cause des routes bloquees (les
employÈ-e-s des compagnies petrolieres equatoriennes tentaient de bloquer
egalement l'acheminement du combustible, ce qui a du affaiblir les
ressources energetiques des grandes villes).
Les insurge-e-s se retrouvaient face aux militaires au fur et a mesure
qu'ils/elles s'approchaient du parlement, du palis presidentiel ou de la
cour supreme. Pour eviter un bain de sang, ils/elles appelaient les
militaires a se joindre a eux dans un sursaut patriotique (ils/elles
estimaient que les mesures de Mahuad allaient a l'encontre des interet des
peuples et de la nation).
Le vendredi matin (le 21) vers 10h, les militaires ont laisse entrer les
insurge-e-s dans le batiment du Congres. Ils obeissaient a un de leurs
chefs, le colonel Gutierrez qui avait decide de les rejoindre. Il faut
savoir que ce bonhomme semble plutot de nature progressiste (on lui
reproche d'etre manipule par la gauche). la Cour supreme sera occupee
elle-aussi.
A partir de ce moment, va se creer une "Junte de Salut national" composee
des diverses tendances du soulevement dont les militaires.
Mais jusque la ce n'est qu'une partie des militaires qui s'est soulevee,
les autres restant fidele a Mahuad, muet une partie de la journee. Quant au
parlement precedent il a fui a Guayaquil (2e ville) et enterinera la
deposition de Mahuad en elisant l'ex-vice president Gustavo Noboa comme
president successeur dans l'apres-midi du samedi.
Finalement, l'ensemble de l'armee, par l'intermediaire de un des chefs du
Commandement des Armees, le general Carlos Mendoza, decide de rejoindre les
insurge-e-s, pousse Mahuad a la fuite vers un aeroport militaire.
Dans la nuit, Mendoza rejoint le parlement occupe et compose un conseil de
gouvernement avec Solorzano (ancien juge de la cour supreme) et Vargas
(president de la Conaie, confederation de mouvements indiens).
Ce Conseil va durer 3 heures, le temps que Mendoza se decide a ne plus
reconnaitre ce conseil et a declarer obeir a Noboa. Dans le meme temps, un
autre chef (armee de terre) Telmo Sandoval semble joue a fond la carte
Noboa, sous pretexte de legalite constitutionnelle. Les insurge-e-s ont
quitte les batiments occupes par peur de repression militaire, neanmoins
Vargas a promis que les indien-ne-s ne se laisseront pas avoir.
Le lendemain Noboa sera intronise officiellemente et dans son premier
discours, il a declare qu'il continuerait la politique de Mahuad.
Evidemment, cela va s'accompagner d'une condamnation du soulevement et de
la menace de poursuite judiciaire contre les leaders. Menace bien entendue
par les militaires puisque Gutierrez est deja arrete, Vargas a un mandat
d'arret aux basques, Mendoza va etre juge par ses pairs, et il y a des
fortes chances que dans chaque localite il y ait des arrestations.
Pour le moment, les indien-ne-s sont retourne-e-s dans les villages, mais
la Conaie menace d'une guerre civile s'il n'y a aucun changement politique.
En conclusion, on pourrait se satisfaire que ce soient les indien-ne-s qui
se sont revolte-e-s et qui ont reussi a destabiliser le pouvoir. Ils/elles
ont pu monter ainsi qu'ils/elles avaient la force pour prendre ce pouvoir.
Ce soulevement risque de motiver d'autres mouvements puisque deja au
Honduras une organisation indienne a menace de se soulever.
Seb.
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