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"nath" <nath@samizdat.net>
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Date
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Fri, 26 May 2000 22:19:38 +0200
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Subject
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globe_l: Dix ans de confiscation de la liberte de la presse en Birmanie
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"Secretariat International
Bureau Asie-Pacifique
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Paris, le 25 mai 2000
Communique de presse
Mai 1990 - Mai 2000
Dix ans de confiscation de la liberte de la presse
en Birmanie
Le 27 mai 2000, la Ligue nationale pour la democratie (LND) remportait plus
de 80 % des suffrages lors des elections legislatives. La junte militaire,
au pouvoir depuis 1988, n'a jamais reconnu la victoire du parti de Aung San
Suu Kyi.
Reporters sans frontieres (RSF) denonce ces dix annees de confiscation de la
liberte d'expression en Birmanie. La junte militaire a prive la population
de toute information libre et viole les droits des journalistes birmans et
etrangers a exercer librement leur profession. Tortures, lourdes peines de
prison, assassinats, menaces, censures : aujourd'hui encore, la Birmanie est
le pays du monde o˜ le plus grand nombre de journalistes sont emprisonnes.
Quatre journalistes morts en detention
Au cours des dix dernieres annees, quatre journalistes sont morts alors
qu'ils etaient aux mains des services de securite. Les methodes des
militaires et de la police ont maintes fois ete denoncees par les
organisations de defense des droits de l'homme. Sevices, tortures physiques
et psychologiques, viols et executions extrajudiciaires sont des pratiques
courantes contre les dissidents ou les combattants des mouvements rebelles.
Les journalistes n'ont pas ete epargnes par ces atteintes tres graves aux
principes humanitaires. En 1991, Ne Win et U Ba Thaw meurent en prison.
Malgre les denegations des autorites, les tortures et les conditions
deplorables de detention sont sans nul doute a l'origine de la mort de ces
deux journalistes. Le 14 mai 1991, les autorites de Rangoon annoncent, au
cours d'une conference de presse, la mort en detention, due a une "cyrrhose
du foie", de Ne Win, correspondant du quotidien japonais Asahi Shimbun.
Detenu depuis 24 octobre 1990, sans jamais avoir ete inculpe, les militaires
l'accusaient de sympathies envers l'opposition. Un mois plus tard, U Ba Thaw
(alias Maung Thaw Ka), dessinateur de presse et membre du comite central de
la LND, meurt en detention, "d'un arret cardiaque" selon les autorites.
Sept ans plus tard, en aošt 1998, U Saw Win, redacteur en chef du quotidien
Botahtaung, meurt d'une crise cardiaque dans la prison de Tharrawaddy. Selon
ses proches, il n'aurait pas beneficie des soins que son etat de sante
exigeait. U Saw Win avait ete condamne a dix ans de prison en 1990.
En septembre 1999, U Thar Win, un photographe du journal gouvernemental
Kyemon, meurt dans un centre de detention des services secrets. Arrete avec
une dizaine de ses collegues, il aurait ete passe a tabac. Le journal venait
de publier, par erreur selon des sources concordantes, une photo du general
Khin Nyunt, l'homme fort de la junte, illustrant un reportage intitule "Le
plus grand escroc du monde". Selon les autorites, U Thar Win serait mort,
lui aussi, d'une "cyrrhose du foie".
Les autorites n'ont jamais fourni aux familles de ces journalistes des
informations precises et credibles sur les circonstances de leur mort. Une
chose est sšre : dans plusieurs documents rendus publics, le rapporteur
special des Nations unies sur la Birmanie affirme que dans les prisons
d'Insein et de Tharawaddy, o˜ trois de ces quatre journalistes ont ete
detenus, la torture est une pratique courante.
Une vingtaine de journalistes emprisonnes
Le 17 octobre 1990, Ohn Kyaing, egalement connu sous le nom de Aung Wint,
journaliste a Hanthawathi et depute de la LND, est arrete par les militaires
pour avoir denonce dans des articles la repression sanglante des
manifestations de moines bouddhistes a Mandalay, en aošt 1988. Il est
condamne, le meme jour, a sept ans de prison pour "avoir redige et distribue
des pamphlets seditieux" et "ecrit un article antigouvernemental". Le 15 mai
1991, en vertu de l'article 5, sections (a), (b) et (j) de la loi d'urgence,
la Cour le condamne a dix annees d'emprisonnement supplementaires.
Comme Ohn Kyaing, au moins vingt journalistes birmans ont ete detenus depuis
le 27 mai 1990. La majorite d'entre eux ont ete condamnes a de lourdes
peines de prison pour avoir simplement exerce leur profession et soutenu la
LND. Arrestations, interrogatoires violents, conditions de detention
degradantes, tortures pour les hommes, humiliations, proces arbitraires :
telles sont les methodes utilisees par les services de securite et la
justice militaire pour museler les journalistes d'opposition. Ceux qui ont
tente de fournir des informations sur leurs conditions de detention, en les
adressant notamment au rapporteur special des Nations unies sur la Birmanie,
ont ete condamnes a des peines supplementaires. C'est le cas de Myo Myint
Nyein, qui s'est vu infliger sept annees de prison supplementaires en mars
1996 pour avoir transmis des documents au rapporteur special notamment sur
les mauvais traitements dans la prison d'Insein.
Au 25 mai 2000, douze journalistes sont emprisonnes en Birmanie : U Sein Hla
Oo, arrete en aošt 1994 et condamne a quatorze ans de prison, U Soe Thein,
arrete en mai 1996 en vertu de l'article 10 (a) de la State Protection Law,
U Thein Tan, arrete en 1990 et condamne a un total de dix ans de detention,
U Tha Ban, condamne a sept ans en mars 1997, U Win Tin, arrete en juillet
1989 et condamne depuis a vingt et un ans de prison, Sonny (Khin Maung Win),
arrete en juin 1997, Myo Myint Nyein et U Sein Hlaing, arretes en septembre
1990 et condamnes a un total de quatorze ans de prison chacun, U Ohn Kyaing,
emprisonne et condamne a dix-sept de prison en 1990, Daw San San Nweh,
arretee en aošt 1994 et condamnee a une peine de dix ans de prison, Cho
Seint, arrete et condamne a sept ans de prison en 1996, et Aung Zin Min,
arrete et condamne a sept ans de prison en 1996.
Des medias a la botte des militaires
En 1988, la presse birmane, a la pointe du combat pour une transition
democratique, a connu un veritable "printemps des libertes". A partir du
mois d'aošt, des centaines de publications font leur apparition dans les
rues de Rangoon. Les journalistes couvrent les activites de l'opposition,
les caricaturistes brocardent le regime militaire et, plus etonnant encore,
les medias etatiques evoquent les manifestations democratiques. La
propagande rigide s'effondre et la presse, souvent artisanale, s'emancipe.
Le 18 septembre, le coup d'Etat du Slorc (junte militaire) met fin a ce
"printemps de la presse birmane". Les journaux sont interdits et leurs
animateurs poursuivis. La propagande officielle s'impose, vantant la
noblesse de Tatmadaw, l'armee birmane.
La repression contre l'opposition, entamee en septembre 1988, fera plus de
trois mille morts. Et va s'accentuer encore apres mai 1990. La presse est,
elle aussi, victime de la brutalite du Slorc : publications interdites,
reporters licencies ou arretes, journalistes etrangers expulses, etc. Au
moins quatre quotidiens et deux magazines d'information sont fermes, sans
compter les nombreuses publications artisanales qui avaient fleuri au cours
du "printemps".
Seuls les programmes en langue birmane de la BBC, de Voice of America, de
Radio Free Asia et de Democratic Voice of Burma et quelques tres rares
journaux etrangers en provenance de Chine et de ThaÔlande, permettent aux
Birmans d'echapper a la propagande officielle. De rares publications
dissidentes, produites a l'etranger, circulent sous le manteau ou dans des
cercles tres restreints. Ecouter ou lire ces medias interdits peut cošter
tres cher : le 19 janvier 2000, U Than Chaum a ete condamne a deux ans de
prison pour avoir diffuse les programmes en birman de Voice of America dans
le salon de the dont il est proprietaire a She-boo (nord du pays). U Than
Chaum est ’ge de soixante-dix ans.
Des lois iniques contre la liberte d'expression
A partir de 1990, le Slorc va renforcer la legislation repressive sur la
presse. S'appuyant sur des lois adoptees durant la dictature du general Ne
Win, telle que la loi sur la presse de 1962 qui a mis sur pied le Press
Scrutiny Board (PSB), l'organisme officiel de censure, la junte militaire
impose une chape de plomb sur l'information. La legislation permet ainsi
d'infliger jusqu'a sept ans de prison a toute personne collaborant a une
publication contenant des "idees incorrectes".
L'entree en vigueur, en juin 1996, de la loi Nƒ 5/96, permet aux militaires
de condamner a de lourdes peines, jusqu'a vingt ans de prison, quiconque
ecrit ou distribue des informations qui "mettent en peril la stabilite de
l'Etat, la paix et la tranquillite sociale, et la superiorite de la loi et
l'ordre".
Toujours en 1996, la junte promulgue deux lois qui renforcent la censure :
la loi relative au "developpement de la science informatique" et la loi sur
"la television et la video". Toutes deux prevoient de lourdes peines pour
tout individu qui utilise les medias electroniques pour diffuser des
informations non autorisees. Il est notamment etabli qu'une autorisation est
necessaire pour posseder un ordinateur. En janvier 2000, les Postes et
Telecommunications de Birmanie (MPT, gouvernemental) mettent en place une
nouvelle reglementation pour l'utilisation d'Internet qui interdit la
diffusion sur la Toile de commentaires politiques ou d'informations
"nuisibles au gouvernement". Les contrevenants risquent jusqu'a quinze ans
de prison.
Aucune critique a l'egard de l'armee ou de la junte n'est toleree. Le
pouvoir tient a maitriser jusqu'aux mots employes par les journalistes :
apres avoir change par decret, en 1989, le nom du pays et des villes, les
expressions "democratie" et "droits de l'homme" sont rayees du vocabulaire
officiel. Il est egalement interdit de citer les noms ou de publier les
textes d'ecrivains ou de journalistes en prison ou bannis. C'est le cas
notamment des ecrits de Daw San San Nweh qui sont mis a l'index depuis sa
premiere arrestation, en 1989.
Presse internationale : "ennemis de la Birmanie"
A la veille des elections du 27 mai 1990, les autorites birmanes accordent,
sous la pression internationale, soixante et un visas d'entree a des
journalistes etrangers voulant couvrir le processus electoral. Les reporters
des quotidiens americains The New York Times et The Washington Post, ainsi
que ceux de la BBC et de All India Radio se voient refuser leur visa.
Depuis, de nombreux journalistes etrangers ont ete qualifies par les
autorites de Rangoon d'etre des "ennemis de la Birmanie". Au moins quinze
reporters etrangers ont ete expulses depuis cette date. Recemment, en avril
2000, Jean-Claude Buhrer, journaliste du quotidien franÁais Le Monde, s'est
vu refuser un visa de tourisme par l'ambassade de Birmanie en ThaÔlande. Le
secretaire de l'ambassade lui a affirme que son nom figurait sur une "liste
noire" de reporters interdits de sejour dans le pays. Selon le fonctionnaire
birman, Jean Claude Buhrer a publie des "articles hostiles" notamment apres
la condamnation, quelques semaines auparavant, de la Birmanie par la
Commission des droits de l'homme des Nations unies. En 1990, ce journaliste
franÁais avait deja ete expulse de Rangoon.
Les correspondants birmans de medias etrangers sont egalement victimes de la
repression. Ainsi, Ne Min, avocat et collaborateur de la BBC, a ete
emprisonne pendant huit ans. La junte exerce aussi des pressions sur les
correspondants etrangers des agences de presse internationales. En juillet
1996, le general Aye Kyaw, ministre de l'Information, a convoque et menace
de sanctions les correspondants qui ne se montreraient pas "patriotes". A
cette epoque, le club des correspondants etrangers ne comptait plus qu'un
seul journaliste etranger : le representant chinois de l'agence officielle
Xinhua.
Certains responsables birmans n'hesitent pas a menacer de mort des
journalistes etrangers. C'est le cas de U Soe Nyunt, ministre de
l'Information, qui a menace de mort, dans un article paru dans une
publication gouvernementale en mai 1990, sous le pseudonyme de Bo Thanmani,
les reporters qui ne respectent pas "l'ethique journalistique et les regles
de souverainete". Il faisait allusion a Bertil Lintner, journaliste du
magazine Far Eastern Economic Review, coupable d'avoir enquete sur les
mouvements de guerilla.
Recommandations
Reporters sans frontieres demande instamment a la junte militaire birmane de
:
- liberer immediatement et sans conditions les douze journalistes
emprisonnes pour avoir exerce leur droit a la liberte d'expression, garanti
par l'article 19 de la Declaration universelle des droits de l'homme,
- interdire l'usage de la torture et des mauvais traitements dans les
prisons, centres d'interrogatoires et commissariats,
- cesser d'utiliser les aveux extorques sous la torture comme des "preuves"
lors des proces,
- respecter les normes internationales en matiere de proces justes et
equitables (presence d'un avocat, possibilite d'interjeter appel,
notification a l'accuse des chefs d'inculpation, etc.),
- abroger des lois contraires a la liberte de la presse : The Printers and
Publishers Registration Law de 1962, qui institutionnalise la censure, The
Television and Video Law et The Computer Science Development Law de 1996,
qui permettent une censure drastique de l'audiovisuel et des medias
electroniques, The Emergency Provisions Act de 1950, utilise pour condamner
des journalistes a de lourdes peines de prison, The Official Secrets Act de
1923 et The State Protection Law de 1975, des lois d'exception donnant aux
militaires les pleins pouvoirs,
- signer et ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, dont l'article 19 garantit la liberte d'expression,
- permettre a une delegation de Reporters sans frontieres de se rendre en
Birmanie.
Reporters sans frontieres demande aux pays membres de l'Association of South
East Asian Nations (ASEAN) de :
- reconsiderer l'appartenance de la Birmanie a l'organisation regionale tant
que son gouvernement ne respectera pas les libertes fondamentales, et
notamment la liberte de la presse,
- apporter une assistance materielle aux medias birmans en exil qui
defendent les valeurs democratiques.
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Pour tous renseignements complementaires, vous pouvez contacter : Philippe
Latour a Bangkok (rsfbkk@loxinfo.co.th), ou Vincent Brossel a Paris - Tel.
01 44 83 84 70
Vincent Brossel
Asia Pacific Desk
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