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From Samizdat <samizdat@ecn.org>
Date Mon, 12 Feb 2001 11:56:51 +0100
Subject globe_l: Barcelone : la lutte des sans-papiers s'amplifie


Barcelone: la lutte des sans-papiers s'amplifie mais les nÈgociations ne
sont pas ý leur avantage. Urgence d'une solidaritÈ internationale.


Il y a trois semaines, le samedi 20 janvier, plus de 350 sans-papiers
iniciaient l'occupation de l'Eglise Santa Maria del Pi de Barcelone, et 328
d'entre-eux commenÁaient une grËve de la faim illimitÈe. Trois semaines
pendant lesquelles la lutte n'a cessÈ de s'amplifier. Mais Ègalement trois
semaines pendant lesquelles le gouvernement a fait, Èvidemment, tout pour
casser la lutte. Et s'il n'y a pas rÈussi, il a cependant fait en sorte que
les nÈgociations soient ý son avantage.

- La lutte s'amplifie ý Barcelone...

DÈbutÈe le 20 janvier avec l'occupation de l'Èglise del Pi, la lutte s'est
Ètendue, ý ce jour, ý neuf autres Èglises: Sant AugustÌ, Mare de Deu del
Carme, Sant Pere ApÚstol, Sagrat Cor, Sant Pere Claver, Sant Medir, Medalla
Miraculosa, Sant Pau del Camp (premiËre Èglise occupÈe par un groupe de
femmes et premiËre Èglise occupÈe ý la fois par des sans-papiers et des
soutiens) et Virgen del Pilar (situÈe ý la pÈriphÈrie de Barcelone, dans la
commune de Cornella) ; portant le nombre d'occupants ý environ 800.

- ...et dans le reste de l'Espagne.

Si Barcelone reprÈsente actuellement le plus gros foyer de lutte, il n'est
pas le seul. Des occupations se succËdent ý SÈville, Cadiz, Grenade, Madrid,
Valence, Murcia, Lepe ; dont certaines accompagnÈes de grËve de la faim.
Et l'idÈe d'une coordination nationale est en train de de se mettre en
place. Une rÈunion nationale a lieu ý Barcelone ce week-end (les 10 et 11
fÈvrier). Des reprÈsentants de collectifs de sans-papiers de plusieurs
villes sont venus pour discuter d'une stratÈgie commune de lutte face au
gouvernement, de mettre en place des actions au niveau national.
Bref, la lutte s'Ètend, commence ý se coordonner et pointe comme mot d'ordre
la gÈnÈralisation des "encierros".

- De la spÈcificitÈ des occupations d'Èglises en Espagne.

Quand je parle d'occupations d'Èglises, c'est en fait une simplification
face ý un terme intraduisible utilisÈ ici. On parle ici d'"encierro",
littÈralement "enfermement", ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce
que les "occupations" en question se font toujours aprËs un accord prÈalable
passÈ avec le curÈ responsable de l'Èglise ; ce qui permet de s'assurer de
son soutien et du fait qu'il ne demandera pas l'Èvacuation de l'Èglise.
Ensuite, parce que, matÈriellement les sans-papiers s'enferment dans les
Èglises. Ils se constituent en groupes correspondant aux capacitÈs d'accueil
de l'Èglise choisie et s'y enferment. Quand d'autres sans-papiers viennent
pour se joindre ý eux, les occupants refusent et appellent les nouveaux
arrivants ý constituer un nouvel encierro dans une autre Èglise. Et, ils
s'imposent, sauf rares exceptions, l'interdiction de sortir de l'Èglise, une
fois l'encierro constituÈ.

- NÈgociations : le gouvernement cherche l'usure.

AprËs deux refus de propositions de nÈgociation (l'une de mÈdiation avec le
gouvernement central effectuÈe par le gouvernement catalan, l'autre faite
directement par le gouvernement central), les sans-papiers ont ÈlaborÈ, la
derniËre semaine de janvier, leurs propres critËres de nÈgociation :
Refus de l'arrÍt des encierros et des grËves de la faim comme prÈalable aux
nÈgociations. Demande d'une nÈgociation directe avec le gouvernement
central. RÈgularisation de tous les sans-papiers participant aux encierros.
RÈouverture d'un processus de rÈgularisation avec des critËres le plus
amples possibles (rÈfÈrant en plus aux critËres lÈgaux nationaux ý des
critËres humanitaires). Demande que les sans-papiers ayant eu leur demande
dÈboutÈe pour utilisation de faux documents puissent la refaire sans que
soit pris en compte ce critËre. Demande d'arrÍt des expulsions. Demande de
garantie qu'il n'y aura aucune rÈpression contre les sans-papiers
participant aux encierros.

Le gouvernement avait donc dÈjý marquÈ un point : faire abandonner aux
sans-papiers leur revendication de rÈgularisation de tous les sans-papiers.
Et c'est logique. Car seuls dans un rapport de force avec le gouvernement,
les sans-papiers, en grËve de la faim pour la plupart, ont l’chÈ du lest lý
o˜ ils savaient ne pas pouvoir rÈussir seuls. Garantissant leur
rÈgularisation, laissant la porte ouverte aux autres, et les incitant ainsi
ý entrer en lutte. Car, pour tenir la revendication de rÈgularisation de
tous, il faut que le rapport de forces soit entre le gouvernement et un
mouvement de lutte plus large. D'o˜ l'importance d'une coordination ý
l'Èchelle nationale, ou mieux internationale.

Mais le gouvernement a continuÈ ý marteler que l'arrÍt de la grËve de la
faim Ètait un prÈalable aux nÈgociations, et les sans-papiers ont tenu bon.
Pendant cette phase de blocage des nÈgociations une personne, le "sÌndic de
Greuges" (le "dÈfenseur du peuple catalan"), s'est proposÈe de faire la
mÈdiation entre le gouvernement et les sans-papiers. La mÈdiation a ÈtÈ
acceptÈe des deux cÙtÈs. Les sans-papiers ont acceptÈ cette mÈdiation avec
les critËres suivants:
Le groupe chargÈ de faire la mÈdiation doit comprendre des reprÈsentants
sans-papiers. Le premier point des nÈgociations ý conclure, avant de
discuter des autres, est la revendication de rÈgularisation de tous les
sans-papiers en "encierro". La rÈouverture d'un processus de rÈgularisation
avec les critËres les plus amples possibles, et sans prendre en compte les
falsifications de papiers antÈrieures. La garantie qu'il n'y aura aucune
rÈpression. La grËve de la faim ne sera abandonnÈe que quand les prÈcÈdentes
revendications recevront une suite favorable.

Les sans-papiers ont alors abandonnÈ la revendication d'une nÈgociation
directe et les nÈgociations, sous mÈdiation, ont dÈbutÈe le 31 janvier...
Pour aboutir au prÈ-accord de nÈgociation suivant, signÈ le 03 fÈvrier :
Il n'y aura pas de rÈpression ni d'expulsion de sans-papiers sauf s'ils ont
commis des dÈlits ou s'ils ont un procËs pÈnal en cours. Ceci jusqu'ý ce que
soit conclu le processus de rÈgularisation. Les sans-papiers qui ont un
procËs en cours pour falsification de documents liÈs ý la demande de
rÈgularisation ne seront pas expulsÈs avant le verdict du procËs. La
rÈouverture d'un processus de rÈgularisation se fera avec les critËres de la
loi en vigueur, selon les critËres les plus amples (incluant les critËres
humanitaires, etc...).
Le mÈdiateur a de plus demandÈ aux sans-papiers qu'ils abandonnent la grËve
de la faim pour "normaliser les nÈgociations", et ý la dÈlÈgation du
gouvernement central ý Barcelone qu'elle s'engage ý donner une suite
favorable ý la majoritÈ des 35000 dÈboutÈs lors du processus de
rÈgularisation prÈcÈdent dans cette mÍme ville. Suite ý cette demande, les
sans-papiers arrÍtaient, le jour mÍme, la grËve de la faim (sauf certains
ayant dÈcidÈ, ý titre individuel de la continuer).

Au fur et ý mesure de la nÈgociation, les revendications initiales des
sans-papiers disparaissent ou s'Èdulcorent fortement. Cette fois, est
abandonnÈe la revendication de rÈgularisation de tous les sans-papiers en
"encierro", est abandonnÈe le maintien de la grËve de la faim jusqu'ý
obtention de papiers ou d'une garantie Ècrite, est acceptÈe le principe de
la double peine (la lutte contre la double peine fait vraiment dÈfaut en
Espagne) et est abandonnÈe, pour finir, la revendication que les
sans-papiers ayant eu un refus de rÈgularisation pour une histoire de
faux-papiers, puissent refaire la demande sans que soit pris en compte ce
fait.

Et dËs le lendemain le gouvernement remet la pression : aucun accord
dÈfinitif ne pourra Ítre signÈ tant que les sans-papiers maintiendront les
"encierros". Jusqu'ý ce jour les sans-papiers tiennent bon lý-dessus.
Le 06 fÈvrier, nouveau blocage : le gouvernement refuse que des
reprÈsentants de sans-papiers participent ý la "cellule technique" chargÈe
de mettre au point l'accord dÈfinitif, alors les sans-papiers le demandent.
Sur ce blocage le mÈdiateur dÈmissionne. DËs lors la nÈgociation se fera
sans mÈdiation.
DËs le lendemain les sans-papiers font la propostion suivante au
gouvernement : mandater des avocats en qui ils ont confiance pour les
reprÈsenter ý cette "cellule technique". Le gouvernement accepte, nouvelle
revendication abandonnÈe par les sans-papiers.

Le 08, la "cellule technique" (composÈe maintenant par des juristes mandatÈs
par les sans-papiers et des juristes dÈsignÈs par le gouvernement) se rÈunit
de nouveau pour prÈciser le prÈ-accord du 03 fÈvrier et ainsi  rÈdiger le
projet d'accord dÈfinitif. Il manque l'accord des sans-papiers ý ce projet,
ceux-ci ayant prÈvu de donner leur rÈponse le 12 fÈvrier. Si leur rÈponse
est positive, l'accord est signÈ. Sinon...

- Le soutien en Espagne...

Des manifestations de soutien arrivent de toute l'Espagne ; ce de simples
communiquÈs jusqu'ý des "enfermements" et des ješnes de solidaritÈ. Ainsi,
un exemple significatif est l'occupation de deux universitÈs de Barcelone
depuis le 08 fÈvrier par des Ètudiants rÈclamant des papiers pour tous et
toutes.
A Barcelone, le 04 fÈvrier, entre 40000 et 50000 personnes manifestaient
dans le cadre d'une manif unitaire, constituant de loin la plus grosse manif
jamais vue sur ce thËme.
La manif Ètait qualifiÈe d'unitaire car convoquÈe par les trois plateformes
de soutien existant ý l'heure actuelle :

1. La plateforme de soutien aux immigrÈ(e)s sans-papier(e)s.
Elle comprend l'association "Papers Por Tothom" ("Des Papiers Pour Tous"),
avec laquelle elle est souvent confondue, mais comprend Ègalement, de
nombreux individus. La base commune de la plateforme est la revendication
"des papiers pour tous" ainsi que le principe selon lequel les sans-papiers
sont maÓtres de leur lutte et que ce sont eux qui doivent prendre les
dÈcisions. C'est la plateforme initiale, la seule antÈrieure aux "encierros"
et la seule rÈellement prÈsente ý ceux-ci.

2. La plateforme de soutien aux sans-papiers en lutte.
Elle comprend diverses orgas comme par exemple : ATTAC, le Collectif de
SolidaritÈ avec la RÈbellion Zapatiste, la Commission de DÈfense des Droits
Humains du CollËge d'Avocats de Barcelone, les Verts, la CNT-AIT, la CGT (en
Espagne, anarcho-syndicaliste), la Marche Mondiale des Femmes, etc. Elle
fonctionne Ègalement sur la base de laisser les sans-papiers maÓtres de
leurs luttes. A noter que des membres de cette plateforme participent
Ègalement ý la premiËre.

3. La plateforme pour la citoyennetÈ et la vie en commun.
Scission de la deuxiËme, elle est composÈe par des orgas "sattelites" des
"gros" partis de gauche (syndicats comme CCOO, Èquivalent de la CFDT, ou
UGT, Èquivalent de la CGT, et assos comme SOS Racisme...). Elle refuse
l'utilisation de la grËve de la faim et la revendication "des papiers pour
tous". Bref, elle prÈpare bien le terrain pour la candidature de Zapatero
(nouveau leader du P.S.) aux prochaines Èlections...

Si les trois plateformes ont convoquÈ ý la manif du 04 fÈvrier, seules les
deux premiËres l'ont fait avec un appel commun qui Ètait : "SolidaritÈ avec
les immigrants en lutte. Non ý la "ley d'extranjeria". Non aux expulsions".
La manif a ÈtÈ suivie par un concert de soutien dans le quartier du Raval
(le quartier o˜ vivent le plus d'immigrÈ) de plus de 8 heures, organisÈ par
la premiËre plateforme, auquel ont participÈ plus de 25 groupes (dont Manu
Chao et Color Humano...) et auquel ont assistÈ plusieurs milliers de
personnes.

-... et au niveau international.

Des actions de solidaritÈ commencent ý exister au niveau international :
manifs devant les ambassades espagnoles ý Paris et ý Londres. Solidarisation
des sans-papiers qui viennent d'occuper pour la deuxiËme fois l'Èglise de St
Bernard avec ceux de Barcelone...
Mais celle-ci doit s'intensifier, car seul un mouvement fort et
international permettra d'obtenir la rÈgularisation de TOUS les
sans-papiers,  chose qu'un collectif isolÈ face ý un gouvernement ne peut
obtenir seul.
Dans ce but les sans-papiers ont ÈlaborÈ les propositions suivantes (c'est
une base, rien n'interdit d'en faire plus...) :

1. Envoyer des dÈclarations de soutien aux sans-papiers au n† de fax et ý
l'e-mail  suivants :
(00 34) 93 4410 206
apoyosinpapeles@mail.com (pour les messages venant de la France, merci de
m'envoyer une copie ý kebab@altern.org )

2. Envoyer lettres/fax de protestation au Gouvernement Civil de Barcelone et
au Gouvernement Catalan (Generalitat).
CoordonnÈes:
Gobierno Civil de Barcelona
DelegaciÛn del Gobierno
Avda Marques de l'Argentera n†2
08003 Barcelona
fax: (00 34) 93 482 04 13
Generalitat de Catalunya
Pza St Jaume, 4
08002 Barcelona
fax: (00 34) 93 318 34 88

3. Envoyer lettres/fax de protestation aux ambassades et consulats espagnols
dans vos pays/villes.

4. Organiser des picketings et manifestations face aux ambassades et
consulats espagnols dans ces pays/villes.

5. Envoyer de l'argent aux personnes "enfermÈes" au compte bancaire:
La Caixa de Barcelone N† 2100 3001 65.210.822.2184

6. Soutenir un mouvement indÈpendant qui pour la premiËre fois est son
propre porte-voix et son propre nÈgociateur face ý l'administration et au
Gouvernement.

7. DÈnoncer les tentatives de briser la lutte des immigrants  "enfermÈs" et
le mouvement qui les appuie, qui infectent l'opinion publique avec de
fausses accusations selon lesquelles ils seraient manipulÈs et contrÙlÈs par
des mafias.

8. Parler avec des reprÈsentants religieux pour qu'ils soutiennent
publiquement les Èglises qui ont accueilli les personnes immigrÈes.

9. Diffuser l'information.

A Barcelone, le 11/02/2001
kebab@altern.org
Note: Ce texte est une analyse personnelle de la situation Ècrit par un
membre de la plateforme de soutien aux immigrÈ(e)s sans-papier(e)s, en aucun
cas une analyse collective faite par celle-ci  ni par l'assemblÈe des
sans-papiers.

Les coordonnÈes de la plateforme de soutien aux immigrÈ(e)s sans-papier(e)s
:
apoyosinpapeles@mail.com
http://www.sindominio.net/sinpapeles



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