Le vendredi 16 fÈvrier a ÈtÈ une journÈe sombre pour la bourse de Wall
Street. L’index Nasdaq des actions a chutÈ de plus de 5%, atteignant un point
bas record. Mais les choses auraient pu Ítre plus graves. Les raids sur Bagdad
ont-ils protÈgÈ Wall Street d’un vÈritable effondrement? Ils ont mÍme fait plus.
Ils ont rapportÈ des milliards ý l’industrie de la dÈfense et aux compagnies
pÈtroliËres.
Michel Chossudovsky Le 16 fÈvrier ý 13 h,
quelques heures avant la fermeture de la bourse aux actions de New York, des
appareils de combat amÈricains ont bombardÈ Bagdad au cours d’une opÈration
dÈcrite par le Pentagone comme une ´mission routiniËre d’autodÈfenseª.
Routine? AutodÈfense? Les mÈdias amÈricains jubilent. Ce n’Ètait pas le
cas des courtiers de Wall Street, mais ils ont quand mÍme poussÈ un soupir de
soulagement, car, mÍme s’il s’agit d’une ironie cruelle, les bombes sur Bagdad
ont quelque peu redorÈ leur journÈe. Ou, comme le faisait remarquer cyniquement
une analyse boursiËre britannique: ´… le marchÈ amÈricain ne s’est pas effondrÈ.
Les actions ont ý peine baissÈ d’un pour-cent. Ce fut une journÈe de routine
comme les autres, sauf si, d’aventure, on habitait Bagdad.ª2
Au cours
des derniËres heures du marchÈ des parts du 16 fÈvrier, les actions des
entreprises de dÈfense ont commencÈ ý grimper. Celles des compagnies pÈtroliËres
et autres ont mÍme atteint des sommets lorsqu’on a fait savoir que l’industrie
pÈtroliËre irakienne avait peut-Ítre ÈtÈ touchÈe.3 Les actions d’Exxon, de
Chevron et de Texaco ont connu une forte hausse. A la fermeture, Harken Energy
Corporation – la sociÈtÈ o˜ George W. Bush Ètait encore directeur rÈcemment et
o˜, au cours d’une prÈcÈdente existence, il a mÍme travaillÈ comme consultant
d’entreprise – avait gagnÈ 5,4% par rapport au matin mÍme. Comme par hasard,
Harken Energy joue Ègalement un rÙle important dans la lutte pour le pÈtrole en
Colombie. Dans le cadre du Plan Columbia, ce pays reÁoit des milliards de
dollars d’aide de la part des Etats-Unis… afin de protÈger leurs investissements
pÈtroliers.
Des semaines durant, les fabricants d’armes ont exercÈ des
pressions sur le nouveau gouvernement. Le 12 fÈvrier, le prÈsident Bush
promettait ´de revoir de fond en comble la politique militaireª et d’augmenter
considÈrablement le budget de la dÈfense. Le 14 fÈvrier, il confirmait qu’il
´allait accroÓtre le budget du Pentagone de 115 milliards, sous forme de
´crÈditsª ý la recherche et au dÈveloppement de nouvelles armesª.4 Le
surlendemain, l’armÈe amÈricaine larguait dÈjý ses bombes sur Bagdad. Pour Wall
Street, ces raids constituaient la preuve claire que Bush Ètait sincËre dans sa
promesse de ´renforcer la dÈfense des Etats-Unisª.
Les analystes
boursiers de Wall Street en concluaient – aussi froidement qu’ý l’accoutumÈe –
que ´l’attention que le gouvernement Bush consacre ý la dÈfense rend l’industrie
optimiste et lui rend la confiance en elle-mÍme qui pourra remettre l’Èconomie
sur ses rails dËs cette annÈe.ª5
Guerre et globalisation vont main dans
la main. La militarisation fait partie intÈgrante de l’agenda nÈolibÈral.
L’accroissement du budget de la dÈfense contribue ý la consolidation des ´Big
Fiveª parmi les fabricants d’armes. Bien sšr, cela se traduira par une baisse
des subsides aux services publics, si importants pour le citoyen, tels les soins
de santÈ, l’Èducation, la sÈcuritÈ sociale ou – et ce n’est pas le moindre poste
– le rÈtablissement de l’infrastructure des grandes villes, qui s’en va ý
vau-l’eau.
La machine de guerre amÈricaine est engagÈe comme soutien de
la conquÍte de nouveaux marchÈs. Au Moyen-Orient, dans les Balkans et en Asie
centrale, l’armÈe amÈricaine conquiert de nouvelles positions par son action
directe ou via les interventions de l’Otan. Ce faisant, elle dÈfend les intÈrÍts
immÈdiats des multinationales pÈtroliËres britanniques et amÈricaines et des
fabricants d’armes avec qui ces multinationales constituent des joint-ventures
exceptionnellement lucratives. A un peu plus long terme, cette armÈe veut
Ègalement contribuer ý poursuivre la colonisation de l’ancienne Union soviÈtique
et de plusieurs pays asiatiques.
1 Professeur d’Èconomie ý l’UniversitÈ
d’Ottawa, [2-19-2001]. Ce texte est un rÈsumÈ. Le texte complet est disponible
sur
http://emperors-clothes.com/articles/choss/bombs.htm •
2
The Sunday Mail, Londres, 18 fÈvrier 2001 •
3 Reuters, 16 fÈvrier 2001. Y
ont participÈ environ 80 avions de combat, parmi lesquels 24 bombardiers. The
Financial Times, 17 fÈvrier 2001. •
4 ´Bush souhaite moderniser l’armÈe
aprËs avoir rÈvisÈ le Pentagoneª, The Bulletin’s Frontrunner, 14 fÈvrier 2001. •
5 The Nightly Business Report, NPR, 19 fÈvrier 2001.