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From fb@samizdat.net
Date Thu, 1 Mar 2001 17:03:34 -0000
Subject globe_l: Bruxelles, NSA, et Big Brother


On se doutait que les services secrets amÈricains Ètaient comme des poissons 
dans l'eau ý Bruxelles. AprËs tout le siËge de l'Otan, o˜ ils sont chez eux, 
s'y trouve et tant qu'ý faire, pourquoi ne pas s'intÈresser aussi aux 
institutions communautaires? Mais, la National Security Agency (NSA) semble 
avoir rÈussi un gros coup: la Commission europÈenne lui a permis d'accÈder ý 
ses systËmes de cryptage des informations confidentielles. ParanoÔa 
anti-amÈricaine? Que nenni. C'est le chef du bureau chargÈ du cryptage des 
communications au sein de l'exÈcutif europÈen, le Britannique Desmond Perkins, 
qui l'a lui-mÍme reconnu: ´J'ai toujours eu de trËs bons contacts avec la NSA 
ý Washington. Elle vÈrifie rÈguliËrement nos systËmes (de cryptage) pour voir 
s'ils sont bien verrouillÈs et s'ils sont correctement utilisÈs.ª 

Deux semaines de tests. Une dÈclaration explosive: imaginons comment rÈagirait 
Washington si l'homologue de Perkins ý la Maison Blanche faisait vÈrifier ses 
ordinateurs par le FSB russe... Et ce n'est pas pour rien que ces machines 
sont protÈgÈes des regards indiscrets et ne sont accessibles qu'ý un personnel 
habilitÈ. C'est le 6 fÈvrier, devant la ´commission temporaire sur le systËme 
d'interception Echelonª (1) du Parlement europÈen, que ce fonctionnaire s'est 
laissÈ aller ý cette confidence sur ses liens privilÈgiÈs avec les services 
amÈricains. Perkins Ètait auditionnÈ pour exposer les systËmes de cryptage 
utilisÈs par la Commission pour communiquer avec ses bureaux extÈrieurs (une 
soixantaine, dont GenËve, auprËs de l'Organisation mondiale du commerce, 
Washington, Moscou, PÈkin, etc.). Et, devant quelques eurodÈputÈs ÈberluÈs, il 
s'est livrÈ ý ces digressions d'autant plus dÈsarmantes qu'on ne lui demandait 
rien. PressÈ de prÈciser ses liens avec la NSA, il s'Ètonne: ´J'ai de la 
famille qui (y) travaille!ª Mais il s'est voulu rassurant : ´En deux semaines, 
[les agents de la NSA] ne sont pas parvenus ý percer nos systËmes de cryptage, 
ce dont je suis trËs satisfait.ª Toute la question est de savoir si, dans le 
cas contraire, les agents amÈricains auraient gentiment averti Perkins de la 
permÈabilitÈ des systËmes de confidentialitÈ communautaire? 

L'affaire est trËs grave car Bruxelles ne s'occupe pas seulement d'agriculture 
ou de l'harmonisation de la taille des boÓtes de petits pois. Ses compÈtences 
touchent des domaines trËs sensibles o˜ le secret est fondamental, comme le 
commerce international ou la concurrence. Obtenir des informations 
privilÈgiÈes sur une position de nÈgociation dans le cadre de l'Organisation 
mondiale du commerce (OMC) ou sur une enquÍte concernant une entreprise 
amÈricaine est sans prix pour Washington. 

Le plus amusant dans cette pantalonnade est que gr’ce ý la dÈsinvolture de 
Desmond Perkins, la NSA n'a mÍme pas besoin d'avoir recours ý Echelon ou ý une 
technologie futuriste puisque tout indique qu'elle dispose de ses entrÈes ý la 
Commission... C'est cette supÈrioritÈ amÈricaine dans le domaine du 
renseignement qui sert de justification au chef du bureau de cryptage: ý quoi 
bon leur cacher quelque chose qu'ils sauront tÙt ou tard? ´Les AmÈricains 
lisent tout gr’ce ý leurs satellites, peu importe ce qui se passe iciª, a-t-il 
expliquÈ devant la commission d'enquÍte. Cette affaire est d'autant plus 
inquiÈtante que l'UE a dÈsormais des compÈtences dans le domaine militaire. On 
comprend mieux, au passage, les rÈticences des AmÈricains ý transmettre des 
renseignements aux EuropÈens, de crainte que le secret ne soit ÈventÈ. Ils 
sont bien placÈs pour savoir que Bruxelles est une tour de verre. 

Heureusement pour la Commission, son fonctionnaire a fait ses dÈclarations 
devant une salle quasiment vide, en fin d'audition. Si bien que l'affaire est 
restÈe jusqu'ý prÈsent secrËte. Mais conscient de la gravitÈ des faits, le 7 
fÈvrier, le rapporteur de la commission d'enquÍte, le socialiste allemand 
Gerhard Schmid, a pris sa plus belle plume pour Ècrire au supÈrieur 
hiÈrarchique de Perkins, le commissaire chargÈ des Relations extÈrieures, le 
Britannique Chris Patten, afin de l'avertir que ses dÈclarations avaient ÈtÈ 
faites durant une ´rÈunion publiqueª et risquaient d'attirer ý la Commission 
de ´sÈvËres critiquesª. Implicitement, il suggËre ý l'exÈcutif europÈen 
d'essayer de trouver une explication rationnelle ý la ´gaffeª de son 
fonctionnaire afin d'Èviter que l'affaire n'Èchappe ý tout contrÙle. Le chef 
de cabinet du commissaire, Anthony Cary, a jouÈ profil bas et a simplement 
envoyÈ ý Gerhard Schmid les laborieuses explications Ècrites de Perkins: il 
affirme qu'il n'a pas voulu dire que la NSA Ètait en possession des clefs de 
cryptage. 

RÈactions. En rÈalitÈ, ý l'intÈrieur de la maison, c'est la panique. DatÈe du 
6 fÈvrier, une note interne et confidentielle pose de bonnes questions: si le 
responsable du cryptage sait que les AmÈricains peuvent intercepter les 
communications de la Commission, ´pourquoi n'a-t-il rien fait pour y 
remÈdier?ª Ensuite, ´pourquoi nos Èquipements ont-ils ÈtÈ vÈrifiÈs (testÈs?) 
par la NSA au lieu d'agences europÈennes? Est-il appropriÈ que le chef du 
cryptage de la Commission ait des membres de sa famille ý la NSA? Enfin, 
l'interrogation la plus angoissante, ´comment les Etats membres vont-ils 
rÈagir?ª Mal, sans doute. 


(1) Echelon est un systËme d'Ècoutes mondial qui permet ý la NSA d'intercepter 
toutes les communications et de les trier gr’ce ý des mots-clefs. Cette 
commission, crÈÈe en juillet 2000, remettra son rapport en juin prochain. 


in LibÈ. 1/03/01


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