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Date Mon, 29 Nov 1999 00:44:58 +0100
Subject globe_l: Liberte pour Toni Negri

LibertÈ pour Toni Negri
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Je connais et suis l'ami de Toni Negri depuis plus de trente ans, lorsque
j'ai fait sa rencontre tout de suite aprËs Mai '68 (je vivais ý l'Èpoque ý
Paris) au moment de la crÈation de "Potere Operaio" et juste avant
l'"Autumno Caldo" em Italie. Tous ces ÈvËnements font partie de mon
existence et ont marquÈ, plus que ma "vison du monde", les conditions mÍmes
de mon attitude devant la vie jusqu'ý prÈsent, indÈpendemment de tout ce
que j'ai connu et vÈcu depuis lors, voire des comportements politiques que
j'ai ÈtÈ amenÈ ý prendre selon les circonstances de l'Èvolution historique
dans mon pays (le Portugal) et dans le monde.

Je n'ai aujourd'hui, alors que j'approche l'’ge de 60 ans (Toni aura
bientÙt 67), que des doutes et des perplexitÈs ý l'Ègard des motivations
qui m'ont amenÈ au "combat rÈvolutionnaire" depuis que j'avais 17 ans, et
surtout ý l'Ègard des rÈsultats pratiques
et mÍme symboliques des idÈes et l'action que j'ai partagÈes acec lui
pendant quelques annÈes. Le courant des ÈvËnements qui ont amenÈ Toni Negri
ý la situation o˜ il se trouve aujourd'hui, outre que j'en ignore beaucoup
de dÈtails importants, dÈpasse en quelque sorte ma comprÈhension. Ces
ÈvËnements provoquent en moi, surtout, uma angoisse profonde et un
sentiment aigu d'injustice.

L'envergure intellectuelle rare de Toni Negri, son intelligence fugurante,
son Èlan et sa gÈnÈrositÈ personnels, et surtout sa disponibilitÈ au
dialogue et ý la controverse, enfin, son ouverture devant mes doutes et mes
dÈsaccords avec lui (je me souviendrai toujours de la longue conversation
nocturne que nous avons eue, chez lui ý Milan, trËs peu de temps avant sa
premiËre arrestation), m'assurent eu tout cas de deux choses indiscutables.

D'abord, les idÈes philosophiques et les comportements politiques qu'il a
ÈtÈ amenÈ ý
soutenir relËvent, indÈpendemment de tout ce qu'on pourra penser de leurs
rÈsultats pratiques, de ce qui reste pour moi des "rÈvoltes logiques", pour
emprunter l'expression
de Rimbaud rendue cÈlËbre par je ne souviens plus quel groupuscule
gauchiste de ces "annÈes de feu" pendant lesquelles on a imaginÈ que l'on
pourrait "changer la vie". MÍme si l'on a ÈchouÈ dans ce projet; et mÍme si
les moyens que l'on a employÈs pour "changer la vie" soulËvent toutes
sortes de doutes (et je les ai soulevÈs depuis le congrËs de Petere Operaio
ý Florence tout au dÈbut des annÈes '70), il n'en reste pas moins que nos
motivations - celles de Toni et celles de dizaines milliers de jeunes gens
de bonne foi ý travers le monde entier - Ètaient et demeurent "logiques".
Peut-Ítre cette logique Ètait-elle unilatÈrale, mue davantage par la
rÈvolte que par un entendement "rÈaliste" de la politique et la sociÈtÈ
moderne elle-mÍme; mais devant les effets sociaux et humains dÈvastateurs
du rÈalisme politique qui s'est emparÈ du monde depuis la dÈfaite de notre
"rÈvolution", la dÈchirure entre tout sentiment de justice et le "rÈel"
dÈployÈ sous nos yeux n'est aujourd'hui que plus bÈante!

Ensuite, de tout cela dÈcoule que si nous devions payer un prix pour nos
"erreurs",
Toni Negri a dÈjý payÈ beaucoup plus que sa quote-part de ces "erreurs". En
disant cela, je ne suis pas de ceux qui appellent ý la bienveillance des
autoritÈs dÈmocratiques italiennes. Nous savons ce que nous devons penser
de l'honorabilitÈ des classes politiques - en Italie comme ailleurs - qui
ont monopolisÈ les rÈgimes reprÈsentatifs
depuis les annÈes '70. En ce qui me concerne, j'appelle uniquement ý la
justice, au contexte historique au cours duquel nos "erreurs" ont ÈtÈ
commises, et enfin ý la proportionnalitÈ entre ces "erreurs" et le prix que
Toni - et beaucoup d'autres - ont dÈjý payÈ. Il est donc grand temps que
l'on mette fin ý une punition qui ne relËve plus d'aucune justice mais de
la vengeance pure et simple.

Contre cette vengeance, je soutiens donc le droit de Toni Negri ý Ítre
rendu immÈdiatement ý la libertÈ inconditionnelle - ý son travail, ý sa
famille, ý ses amis
et ses admirateurs, enfin ý la vie qui lui reste ý vivre.

Manuel Villaverde Cabral, Lisbonne-Portugal
(entre autres choses que je suis devenu "aprËs la rÈvolution", je suis ý
prÈsent l'un des vice-recteurs de l'UniversitÈ de Lisbonne)








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