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From	"samizdat.net" <samizdat@ecn.org>
Date	Sun, 26 Dec 1999 12:51:05 +0100
Subject	globe_l: La manip du Kremlin a fonctionne

La manip du Kremlin a fonctionnÈ
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Peu de personnes, et sšrement pas votre serviteur, aurait pu imaginÈ il
y a trois mois les rÈsultats de ces Èlections lÈgislatives. Tout l'ÈtÈ
le Kremlin avait ÈtÈ impliquÈ dans des scandales de dÈtournement de
fonds, et de corruption. Le tout nouveau premier ministre Vladimir
Poutine Ètait moquÈ et crÈditÈ d'un 2% d'intentions de votes et les
partis favorables au Kremlin n'Ètaient mÍme pas sšr d'Ítre reprÈsentÈs ý
la Douma.

Une guerre et des dizaines de magouilles plus tard, la donne a
complËtement changÈ : le Kremlin est presque assurÈ d'avoir une majoritÈ
ý l'AssemblÈe et Poutine caracole en tÍte dans tous les sondages.
Personne ne le critique vraiment sur sa politique meurtriËre en
TchÈtchÈnie et il apparaÓt comme le sauveur de la Russie. En tout cas il
a au moins sauvÈ la famille Eltsine puisque les diffÈrents partis qui se
sont rÈclamÈs de Poutine ont gagnÈ les Èlections. Le regroupement UnitÈ
(ou l'Ours) menÈ par le ministre des situations d'urgence (cela ne
s'invente pas) et par un ancien champion de lutte a obtenu prËs de 25%
des voix ý moins d'un pour cent du parti communiste arrivÈ en tÍte. Or
UnitÈ n'a pas trois mois d'existence, regroupe des autocrates rÈgionaux
et n'a pas vraiment de programme ou d'idÈologie. Il promet de "dÈtruire
le systËme bureaucratique", de baisser les taxes et d'accroire le rÙle
de l'Štat dans l'Èconomie. En fait ils n'ont pas de programme Èconomique
mais ý la place une conception commune du pouvoir "un mÈlange de
pragmatisme et autoritarisme" selon Sergei Markov de l'Institut des
Ètudes politiques. Dans le mÍme groupe on trouve dans leurs liste un
fort contingent de reprÈsentants du show-bizness et des mÈdias souvent
liÈ aux ultra-libÈraux de GÈnÈration libre qui dÈfend entre autres les
droits des homosexuels et la lÈgalisation de la prostitution.

En plus du soutien de Poutine, UnitÈ a bÈnÈficiÈ de dizaines d'heures de
propagande dans les journaux tÈlÈvisÈs des deux principales chaÓnes
publiques de tÈlÈvision ORT et RTR, les deux seules chaÓnes reÁues dans
l'ensemble de la Russie. Selon l'Institut EuropÈen des MÈdias, ORT, une
chaÓne publique ý 51% mais contrÙlÈ par Berezovski un oligarque
pro-Eltsine, a consacrÈ 28% du temps d'Èmission ý UnitÈ, soit le double
du temps consacrÈ aux opposants de La Patrie-Toute la Russie. Alors que
la couverture mÈdiatique de UnitÈ Ètait toujours favorable, elle Ètait
systÈmatiquement nÈgative pour l'opposition.

L'autre vainqueur des Èlections est l'Union des Forces de Droite qui
obtient 8,7%. Ce parti utra-libÈral dans le domaine Èconomique a profitÈ
de la vague Poutine. Ses tracts Ètait sans ambiguÔtÈ : Dans un de leurs
derniers tracts tirÈs ý 500 000 exemplaires, sur 14 lignes de texte il y
avait 8 fois le nom du premier ministre
"Vladimir Poutine et l'Union des Forces de droite se soutiennent l'un
l'autre".
"Vladimir Poutine mËne la guerre contre les bandits jusqu'ý la victoire
finale. L'Union des force de droite est pour une telle politique".
"Vladimir Poutine est pour les jeunes, les gens instruits et
Ènergiques"...

Cette campagne a payÈ en particulier chez les jeunes, ils ont rÈussit ý
incarner le changement, la tÍte de liste l'ancien premier ministre
Kirienko a 37 ans, l'union prÈsentait une femme dans la troÔka des tÍtes
de liste. Ils ont mÍme rÈussit ý faire oublier qu'ils sont responsables
d'une partie des catastrophes Èconomiques de la Russie. Kirienko Ètait
premier ministre lors de la crise financiËre d'aošt 1998. Anatoly
ChoubaÔs, qui passe pour le parrain de ce parti est avec GaÔdar le
promoteur de la "thÈrapie de choc" ultra-libÈrale responsable des
privatisations-spoliations et de la baisse de niveau de vie de la
majoritÈ de la population russe au dÈbut des annÈes 1990. Alors que les
500 plus grosses entreprises de Russie avaient une valeur cumulÈe de 200
milliards d'euro avant la privatisation et elles ont ÈtÈ vendues pour 7
milliards d'euro soit 3,6% de leur valeur. Leur programme libÈral leur
assurÈ un rÈel succËs au sein des classes moyennes et des jeunes. Le
modËle Ètranger pour l'Union des Forces de Droite a de quoi faire froid
dans le dos, puisqu'il s'agit du gÈnÈral Pinochet, une alliance d'Štat
fort au niveau politique et de politique Èconomique ultra-libÈral.
Certains ont mÍme comparÈ Poutine au dictateur chilien et c'Ètait un
compliment.

Les grands perdants du scrutin sont le regroupement La Patrie-Toute la
Russie et les communistes. La Patrie-Toute la Russie Ètait une alliance
entre le parti du maire de Moscou la Patrie et un regroupement de
gouverneurs dont celui de St Petersbourg, celui de l'Ingouchie, le
prÈsident du Tatarstan. Cette alliance de circonstance visait ý se poser
en alternative au pouvoir eltsinien et mettre en orbite la candidature
de EugËne Primakov. Le moins que l'on puisse dire c'est que l'opÈration
a ratÈ, le regroupement obtenant 13% des voix pour les listes
nationales. MÍme si OVR (l'acronyme en Russie de ce regroupement)
obtient 32 des 225 siËges Èlus au scrutin majoritaire, le bloc risque de
se diviser entre les partisans d'une opposition au pouvoir et d'une
alliance tactique avec les communistes et les gouverneurs tentÈs de
rechercher les bonnes gr’ces du pouvoir. Les communistes du KPRF, mÍme
s'ils amÈliorent lÈgËrement leur score national obtenant 25% (contre
22,3% en 1995) reculent dans de nombreuses rÈgions et risquent de se
retrouver isolÈs ý la Douma, tout en Ètant le premier parti. En effet
leurs alliÈs traditionnels agrariens ont pratiquement disparu de la
circulation et ils ont perdus de nombreuses circonscriptions.

Les libÈraux de Iabloko font eux aussi figure de perdants avec 22
dÈputÈs contre 45 en 1995. Au niveau national ils perdent 1% des voix,
mais n'arrivent ý Èlire que 5 dÈputÈs dans les circonscriptions dont 2 ý
St Petersbourg. Ils ont Èvidemment souffert de la concurrence des
libÈraux de l'Union des Forces de Droite mais semble avoir payÈ leur
"moindre ardeur patriotique" dans la guerre en TchÈtchÈnie, mais surtout
ils apparaissent comme d'Èternels opposants incapables de prendre leurs
responsabilitÈs politiques.

Les rÈsultats de l'extrÍme droite sont trËs contrastÈs, vu la difficultÈ
mÍme de dÈterminer les contours de celle-ci. Le parti de Jirinovski qui
effraye plus ý l'Ètranger qu'en Russie, obtient 6% des voix soit prËs de
la moitiÈ des voix qu'en 1995. Il continue son dÈclin la plupart de ses
Èlecteurs lui reprochant ses compromissions avec le pouvoir. En effet si
Jirinovski parle fort il vote systÈmatiquement pour le Kremlin dans les
moments cruciaux. Jirinovski obtenait ses meilleurs score en SibÈrie et
dans des rÈgions qui se sentaient dÈlaissÈes par Moscou. Par exemple
dans la RÈpublique des Komi (nord du pays) le parti de Jirinovski (LDPR)
avait obtenu 17% des voix en 1995, cette annÈe il n'en a reÁu que 7%,
l'Èlectorat protestataire semblant s'Ítre dirigÈ vers le parti
communiste.

Parmi les partis nationalistes qui n'ont pas obtenu les 5% nÈcessaires
pour obtenir des Èlus sur la liste nationale, certains ont rÈussi a
obtenir des Èlus gr’ce ý une implantation locale. Le Mouvement de
dÈfense de l'ArmÈe et du complexe militaro-industriel n'a obtenu que
0,6% des voix mais deux de ses candidats se sont fait Èlire dans leurs
circonscriptions. Ainsi Ilioukhin s'est fait rÈÈlire ý Penza, il Ètait
membre du KPRF ancien responsable du Conseil de SÈcuritÈ du parlement ,
c'est lui qui le 7 dÈcembre avait menacÈ d'un coup d'Štat la Russie. "Si
on ne laisse pas l'armÈe mettre de l'ordre dans le Nord Caucase, ils
iront ý Moscou et iront y mettre l'ordre". La tÍte de liste de ce
mouvement, le gÈnÈral Makashov, un antisÈmite notoire n'a pas pu se
prÈsenter dans la rÈgion de Samara, il a ÈtÈ invalidÈ juste avant le
scrutin. Ce qui n'a pas plu ý ses partisans puisque 26% du corps
Èlectoral (3,4% au niveau national) ont votÈ contre tous les candidats.
S'ils avaient ÈtÈ 2% de plus, ils auraient dÈpassÈ le score de la
candidate de l'Union des Droites arrivÈ en tÍte et son Èlection aurait
ÈtÈ annulÈe.
Le CongrËs des CommunautÈs Russes, l'ancien parti du gÈnÈral Lebed, n'a
plus qu'un seul dÈputÈ et n'a obtenu que 0,62% contre 4,31% et 5 dÈputÈs
en 1995. Le mouvement orthodoxe de l'HÈritage spirituel obtient un
dÈputÈ et le mouvement des forces patriotiques obtient 0,18% des voix.

Les deux partis staliniens Communistes, Travailleurs de Russie pour
l'Union soviÈtique et le Bloc stalinien pour l'URSS obtiennent moins de
3% des voix (2,2% pour le premier, 0,6 pour le second) contre 6% il y a
quatre ans.

D'autres figures de l'extrÍme droite nationaliste ne seront plus prÈsent
dans la nouvelle Douma ainsi SergeÔ Babourine qui a ÈtÈ battu ý Omsk et
le cÈlËbre journaliste Alexandre Nevzorov qui a ÈchouÈ ý St Petersbourg.
Le leader historique du parti antisÈmite Dimitri Vassiliev Pamiat
candidat ý la Mairie de Moscou obtient 1,1%.

Il semble, sous rÈserve d'inventaire les rÈsultats des Èlections ne
seront rendus publics que dÈbut janvier, que le camp
nationaliste-patriotique n'a pas obtenu les rÈsultats escomptÈs.
ConcurrencÈ par la quasi totalitÈ des autres mouvements sur le terrain
du nationalisme et du patriotisme ý cause de la guerre en TchÈtchÈnie,
l'extrÍme droite n'a pas trouvÈ un discours suffisamment diffÈrent pour
se faire entendre. On pourrait sans rÈjouir mais le poison du
nationalisme, du racisme et du militarisme s'est largement diffusÈ dans
le corps social malade de la Russie.

Jean Raymond (Reflex-No Pasaran) ý Moscou









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