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From "nath" <nath@samizdat.net>
Date Wed, 15 Mar 2000 12:31:05 +0100
Subject globe_l: "Femmes en noir" de Belgrade

"Femmes en noir" de Belgrade
13 mars 2000
(traduit par Emmanuelle Riviere)

Les "Femmes en noir", organisation non gouvernementale de Belgrade travaillant
a la promotion de la paix, notamment par les femmes, ont fait parvenir ce
communique au Courrier des Balkans.

"Des que le printemps arrive, nous prenons peur. (.) Nous avons passe ces
dernieres annees a nous demander quand la prochaine guerre allait commencer.
Les periodes de "paix" ou de "post-paix" sont pour nous si courtes qu'elles ne
representent finalement que des preparations d'une nouvelle guerre. Nous avons
appris a reconnaitre les signes annonÁant la guerre, nous les entendons depuis
longtemps, nous en avons desormais l'experience. Mais nous n'osons pas
prononcer le terme meme de "guerre"; pourtant a chaque printemps, nous avons
peur.

NOUVELLE GUERRE IMMINENTE DANS LES BALKANS - MOBILISATIONS DANS LE SUD DE LA
SERBIE

C'est toujours le printemps qui annonce la guerre dans les Balkans. On
mobilise. On en parle, les journaux l'annoncent.

Comme l'an passe, on a commence a mobiliser au sud-est de la Serbie. Cette
region se trouve a la frontiere du Kosovo, pres de la Kfor. Au centre de cette
region, a Nis, ville dirigee par l'opposition, on parle de la mobilisation
depuis 10 jours. Ce sont des employes de la poste, des civils, qui apportent
aux hommes leurs notifications d'incorporation - pas des militaires, pas des
policiers. Et cette fois-ci, nul besoin de signer les notifications (.); selon
un homme de Nis, "les facteurs m'ont dit:"Soit tu acceptes ta mobilisation,
soit je la depose dans ta boite aux lettres ou je la punaise a ta porte.""

En fait, c'est la meme procedure que lors des autres guerres. "D'abord, on
reÁoit les appels a mobilisation par la poste. Ensuite, la police militaire en
apporte un autre, puis finalement la police vient vous chercher en personne",
raconte un jeune homme de Nis. La mobilisation a commence a Leskovac et dans
toute la region de Jablanicka. Au printemps dernier, 4000 hommes avaient ete
envoyes a la guerre au Kosovo. (.) Parmi les hommes qui avaient ete mobilises
au printemps dernier, certains repetent sans arret: "Je n'irai par faire une
nouvelle guerre, je n'irai plus au front, meme si je dois en mourir."

Le nord de la region, pres de Subotica, n'est pas epargne. On y reÁoit des
ordres de mobilisation. Le Mouvement serbe du renouveau (SPO, d'opposition,
mene par Vuk Draskovic, ndlr) a fait part de son mecontentement: "On aimerait
savoir au nom de qui, et pour quelle raison on mobilise? Nous exigeons que le
QG militaire de l'armee yougoslave donne des explications a la population."

Avec quelques variations regionales, la situation est quasiment la meme dans
toutes les regions de la Serbie. A l'heure actuelle, toutefois, il semble que
la plupart des mobilisations sont lancees dans la zone de la Troisieme armee
yougoslave, comme au printemps dernier.

Au Montenegro, la tension avait commence a monter en fevrier, lorsque quelques
deserteurs avaient ete arretes - pourtant le parlement montenegrin avait bien
vote une loi d'amnistie en novembre 1999. (.) Selon les informations des
journaux et les temoignages, aucune mobilisation n'aurait aujourd'hui ete
lancee au Montenegro. L'armee, bien sšr, realise que personne n'y obeirait, que
depuis bien longtemps, les jeunes Montenegrins n'estiment plus devoir prouver
leur patriotisme de cette maniere, et que les desertions de l'armee yougoslave
sont un fait accepte dans la societe montenegrine. Seuls les partis pro-serbes
refusent de les accepter.

Comme les annees precedentes (jusqu'a l'intervention de l'Organisation du
traite de l'Atlantique nord (OTAN)), le regime serbe pretend que la Serbie
"n'est pas en guerre": selon les autorites militaires, les mobilisations ne
sont que des "entrainements et activites militaires de toute regularite". On
n'aurait ainsi "nullement affaire a une mobilisation. Il s'agit uniquement
d'appels ordinaires, qu'on fait en temps de paix, dans l'intention de faire
faire quelques manouvres militaires a un petit groupe d'hommes des formations
regulieres de l'armee yougoslave." Un tel cynisme ne peut qu'etre pris avec
dedain. Et les militaires n'ont pas apprecie que les autorites de Nis aient
prevenu leurs citoyens des mobilisations a venir. (.)

Le general V. Lazarevic, commandant de la Troisieme armee, a declare le 3 mars
que "la Troisieme armee prendrait des dispositions juridiques contre tous ceux
qui font circuler des mensonges destines a inquieter la population. Des
plaintes seront deposees contre les individus, les journalistes et les
publications qui diffusent ce type d'informations. Il n'y a aucune
mobilisation." Tout comme au printemps dernier, les autorites militaires
pretendent que l'armee fait ses "classes de mars", tentant ainsi de masquer la
mobilisation.

Quelques voix resistantes s'elevent contre la mobilisation. Nenad Canak,
president de la Ligue sociale-democratique, connu depuis 1991 pour ses luttes
contre la guerre et contre les nationalismes, a encourage les jeunes hommes
mobilises a ne pas se presenter a l'armee: "Ce type de declaration fait de moi
un hors-la-loi. Pourtant ce ne sont pas les lois de mon pays que j'appelle a
contourner, mais celles de Milosevic. C'est simple, il existe des lois qu'on ne
peut pas observer. L'armee yougoslave n'a defendu personne. Ses generaux sont
corrompus - et pas les pauvres jeunes gens qui ont ete mobilises." Debut mars,
60 militants de la Ligue sociale-democratique ont ete arretes par la police
lors d'une journee d'actions de protestations a Novi Sad.

(.) Tout le monde attend la fin de ce mois de mars, et surtout que la date du
24 mars, jour anniversaire du declenchement des bombardements de l'OTAN l'an
passe, soit derriere nous. Mais le regime a une affinite pathologique avec la
provocation de conflits, dans le but de conserver le pouvoir. Les incidents
recents semblent malheureusement indiquer un prochain conflit:

- assassinat enigmatique d'un personnage public et officiel haut place du
gouvernement (Pavle Bulatovic, ministre de la Defense, mort en janvier)
- arrestations continuelles et passages a tabac d'etudiants du mouvement
"Resistance"
- menaces et passages a tabac de journalistes
- penalisations financieres contre les quotidiens et chaines televisees
"desobeissantes"
- menaces et harcelement contre les medias electroniques independants
- apparition de nouveaux medias "pirates"
- diabolisation de l'opposition
- repetition constante du "retour imminent du pouvoir serbe au Kosovo"
- fermetures temporaires de l'espace aerien et des aeroports
- arret de tout echange economique avec le Montenegro
- installation de troupes militaires et policieres au sud de la Serbie, region
dans laquelle l'armee yougoslave est active depuis l'ete dernier.

Fin fevrier, les Femmes en noir de Belgrade ont organise avec des femmes du
Sandjak et du sud de la Serbie un atelier a Novi Pazar. Le theme en etait la
cooperation multiculturelle et interculturelle. Nous y avons decide de choisir
une vieille chanson populaire de Vranje pour en faire notre hymne pacifiste.
Elle s'intitule "ce que j'aimerais faire.": "chantons et jetons nos fusils".
Nous voulions demontrer que les Balkans avaient vecu de grands moments de
solidarite feminine et universelle; et dans le cas de cette chanson, avec les
hommes qui ne voulaient pas partir au front. Cette chanson melodique et
populaire n'a pas ete contaminee par les nationalistes parce que ses paroles ne
rentrent pas dans leurs rhetoriques politiciennes de haine envers les autres.

(.) Nous, militantes pacifistes, sommes fatiguees de devoir panser les plaies
de la guerre. Nous voulons travailler a la prevention des conflits. Nous ne
voulons plus devoir attenuer leurs effets."

Stasa Zajevic
"Femmes en noir" de Belgrade,
mars 2000
stasazen@EUnet.yu



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