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"abba lataule" <abbalataule@hotmail.com>
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Date
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Wed, 29 Mar 2000 14:33:55 GMT
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Subject
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globe_l: essai contre la prison
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Voici un texte a diffuser comme il vous semble opportun. Si publication, ou
reactions vous pouvez nous Ècrire...(mise en page word eventuelment ý
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Plus de bruit
Ou le tÈmoignage d'un libÈrÈ
par
Augustin Paillard
SystËme D-Èditions gratuites
SystËme D- Editions gratuites constitue une tentative de diffusion de textes
non conventionnels. Des Ècrits qui ne seraient jamais diffusÈs par les
rÈseaux "normaux". Nous ne sommes subventionnÈs sous aucune forme, et nos
moyens financiers personnels sont rÈduits. C'est donc par la dÈbrouille que
nous parvenons ý sortir ces textes. Il est, donc, bienvenus de poursuivre
leurs diffusions par le photocopillage, la reprise dans des revues, …
Leur mise en forme est pensÈe pour permettre la photocopie facile. Ne vous
gÍnez pas !
Le pillage, l'abandon de la propriÈtÈ privÈe, la communication dÈbridÈe sont
les outils dont nous disposons pour dÈsincarcÈrer nos esprits des messages
sur-rÈpÈtÈs de l'idÈologie dominante. Nous espÈrons, donc, Ítre "imitÈs" au
grËs des opportunitÈs de chacun.
Ce texte a ÈtÈ photocopiÈ le 27 mars 2000.
Pas de copyright.
100 exemplaires au premier tirage
Contact : SystD@infomaniak.ch
Plus de bruit
Ou le tÈmoignage d‘un libÈrÈ.
(1). (1bis).
Obsession ý tous les instants refoulÈe, je voudrais bannir de mes pensÈes
l’acier ý la sonoritÈ glaciale, la grisaille des tombeaux de
l’oubli, l’angoisse de la solitude forcÈe. La libertÈ
d’errer semble nous rendre l’enfermement invisible. Pourtant les
lignes de partage sont marquÈes, autant de signes qui ne trompent pas (2).
La prison est lý. PrÈsente dans la conception des b’timents nous encerclant
(3), prÈsente dans la rencontre inattendue d’un jeune inconnu sur le
chemin d’une visite ý sa mËre en taule et, toujours, prÈsente dans
l’omniprÈsence de ceux qui nous y envoient. Sans rÈpit l’ÈpÈe de
DamoclËs tournoie. On en entend qu’ý peine le mouvement tant le fil
est aiguisÈ. RÈguliËrement, mÈthodiquement, impitoyablement les corps
tombent derriËre les murs.
Il est frÈquent d’entendre des personnes relativiser la taule. " Ce
n’est pas si terrible. "(4) D’ex incarcÈrÈs eux- mÍme tenteront
de minimiser. " Si tu es assez fort, tu t’en tire "(5). L’animal
humain s’adapte ý toute situation, mÍme ý la privation des plaisirs.
Nous y sommes tous habituÈs (6). Les interdits sont lý, mais leurs nombres
et leur intensitÈ fluctuent au grÈ des murs. Murs HLM, murs vitrines, murs
usine, murs chics, …tant de murs sÈparent les gens. Mais lorsque le
mur s'appelle prison, les illusions fuient, l’univers se rÈsume ý 10
m2, la frustration devient souffrance (7). On prÈfËre se prÈmunir d’un
plastron pour protÈger ses cicatrices. Mais on ne ressort jamais indemne de
l’enfermement. A la fois traumatisme et approfondissement (8),
l’enfermement confËre ý sa victime les stigmates de la dÈchirure entre
recueillement et libertÈ niÈe. L’inversion de la perspective devient
une nÈcessitÈ de survie dans cette toile clair-obscur (9).
La prison a pour pratique de programmer la mort sociale. La personne
n'existe plus pour autrui, il n'existe plus par soi-mÍme (10), en dehors de
son rÙle mystifiÈ de condamnÈ. L’infantilisation par la nÈgation de
l'hÈtÈrosexualitÈ (11) et de l’autonomie engendre une rÈaction de
substitution chez tout dÈtenu. Tous les prisonniers s’en sortent,
d’une faÁon ou d’une autre. Du caÔdat (12) au suicide (13), en
passant par la folie(14), la rÈsignation, la mythomanie, la prÈparation de
rÈcidive ou un dÈpassement spirituel, chacun trouve un palliatif plus ou
moins douloureux en fonction des ses ressources. La plupart du temps, le
prisonnier trouve un Èquilibre tenable entre ces possibilitÈs et son
caractËre. La complicitÈ du vÈcu carcÈral, cette solidaritÈ de
l’angoisse(15) et les impulsifs Èclats de vie des prisonniers (16), ne
peuvent rÈpondre que tragiquement au viol de la conscience et au meurtre
social, lÈsions irrÈmÈdiables.
Le trait commun ý ces rÈactions est l’impÈrieuse nÈcessitÈ de
rÈaffirmer "sa " personne. Ces stratÈgies de survie, le sont dans un cadre
profondÈment dÈshumanisÈ et impitoyablement aliÈnant. Si quelques-uns
arrivent ý se possÈder pour eux-mÍmes, l'enfermement est, avant tout,
propice ý l'adoption de rÙles friablement viables, et faussement adÈquates,
dans cet univers irrÈvocablement hostile ý l'individu, contraire ý la vie.
La brisure intÈrieure surgit, inexorable, sur les corps incarcÈrÈs. Au son
du craquement sourd de l'Ècrasement de l'Ítre, rÈpond le faible Ècho de
l'ouverture d'une dimension intrinsËque au prisonnier. L’introspection
et l'aguet enfantent, ainsi, une sorte de sixiËme sens du dÈtenu. Une marque
cachÈe, un m voilÈ, signe de reconnaissance infaillible, visible
physiquement, perceptible humainement.
Lorsque je dis ý une inconnue "j'ai fait de la prison. " (17), de suite
s’allume cette Ètincelle de peur dans son regard. Cette peur qui
provoque ce qu'elle redoute, cette peur qui justifie le contrÙle. Organe
intÈrieur omnipotent dÈpossÈdant chacun de soi, la morale normÈe est lý,
veillant ý ce que chacun s’enferme dans sa propre cage illusoirement
dorÈe (18). La peur, cet abandon de sa volontÈ, est le ciment d’une
sociÈtÈ se nourrissant de la nÈgation de l’Ítre (19). Et ces
scellements rigides figent maladivement la mÈfiance comme principe de
rapports humains, l'inscrivant ainsi dans nos chairs, nos esprits et nos
cœurs. Un prisonnier me dit "mis ý part que l’on ne peut pas
baiser, ici, c’est pas trËs diffÈrent du dehors. " La diffÈrence est
tout de mÍme de la taille de l’orgasme. Mais combien d’entre les
libres jouissent ? Qui peut croire aimer lorsque l'intolÈrable se produit en
son nom, par l'intermÈdiaire de sa complice passivitÈ ?
Que ce soit sur la sexualitÈ, l’enfermement ou la peur, le silence
rËgne en maÓtre (20). A force de se taire, le refoulement accompagne
l’oubli au plus profond de soi-mÍme. Peur d’Ítre violeur, peur
d’Ítre violÈe. Le silence que rÈclament les dirigeants (21)est le
garant de l’ordre mÈdiatisÈ (22). "Passer par" afin de "ne pas vivre
ce", c’est ce faire le complice tacite d’un jugement qui deviens
l’acceptation du sien (23). C’est intÈgrer son irresponsabilitÈ
chronique, son incapacitÈ ý comprendre, son inhumanitÈ dressÈe. Tout ce qui
est projetÈ sur l’autre est tout d’abord ressentie en soi.
Croire ainsi ý l’impossibilitÈ du dÈpassement, c’est avant tout
se rÈsigner ý sa propre mÈdiocritÈ. Refouler dans l'invisible de la taule et
le spectacle falsifiÈ des tribunaux, celui qui ne peut correspondre ý la
norme, c'est sentir sans vouloir le reconnaÓtre, un instinct brut de vie au
fond de soi, ý la fois inaliÈnable et irrÈductible au code pÈnal. C'est se
cacher ý soi-mÍme, aussi fortement que le nÈcessite ce refoulement,
l'Èvidence du mensonge de son innocence mise en relief par la culpabilitÈ de
l'autre (24).
Lorsque j’aborde le thËme de la prison, inÈvitable est la rÈplique
"qu'est ce que tu propose ý la place ? "(25). Triste rÈpartie, illustrant
l’aveuglement sur eux-mÍmes de ceux qui la professent. Poser cette
question est le symptÙme de l’inaptitude ý Ítre le plaisir de
l’autre, ý Ítre sa propre joie frissonnante, cette incapacitÈ ý n'Ítre
ni coupable, ni bourreau. Pauvres personnes, que celles qui ne savent Ítre
libres. Il n’y a aucune proposition ý faire si ce n’est se
dÈcouvrir pour voir, se connaÓtre pour entendre, s’abandonner ý la
sÈduction d’Ítre sÈduisant. Un retournement de la pensÈe dominante. Je
parle bien, ici, de rÈciprocitÈ, d’amour et de vie, de jouissances, de
libertÈs et de pouvoir et non pas de hiÈrarchie, de rËgle et
d’oppression (26). Il y a lý un paradoxe ý dÈsirer une transcendance
spirituelle (27), dans une sociÈtÈ ayant pervertie l’Ítre pour
l’avoir (28). Quand les deux pÙles de la vie normalisÈe sont la
marchandise attractive et l’incarcÈration rÈpulsive, il me semble
inÈvitable de recourir ý un processus pÈdagogique pour se sortir de
l'aberration des mentalitÈs (29). Celui-ci ne peut que se fonder sur les
instincts humains les plus ÈloignÈs de la rÈification ambiante : la libertÈ,
la possession de soi, l’entraide.
J’aimerais encore jouer avec vous ý la question du Qui est le premier,
de l’œuf ou de la poule, de la propriÈtÈ ou du vol, de
l’abus de drogue ou du dÈsespoir existentiel, de la femme-objet ou de
la frustration sexuelle masculine, du crime ou de la sÈcuritÈ, de la rËgle
ou de sa transgression ? Ni le droit, ni le crime ne sont naturels (30).
Toute dÈviance naÓt de la sociÈtÈ qui la contient. Analyser, juger, accuser
un individu c’est nier ce rapport dialectique. Quel fautif de ceux qui
engendrent ou de celui qui commet ? Il ne saurait Ítre question que je me
rÈsolve ý me nier, tant bien mÍme je fus le seul ý vouloir vivre, ý dÈsirer,
ý croire aux rÍves, je resterais le bruit infernal dans le silence ouatÈ du
paradis isolatoire (31).
Je n’oublie pas.
Augustin Paillard
(32)
Notifications:
(1)PrÈliminaires : Mon texte est court mais nÈanmoins confus. Ceci n'est pas
qu'involontaire. Les ankylosÈs par l’universitÈ critiqueront le
bordel, les habituÈs du prÍt-ý-penser seront dÈsappointÈs. Les notes sont lý
pour complÈter par diffÈrents niveaux le texte central, dÈmontrant, si
besoin est, que rien n’est si compliquÈ que l’on ne le pense, ni
aussi simple que l’on ne le croit. Ceci est donc un avertissement et
une reconnaissance. Je tente ainsi de susciter plus de points
d'interrogation que de dogmes prÈfabriquÈs chez l’animal intelligent
qui me lit. Si c'est par une sorte de systËme ý tiroirs que je procËde,
c'est bien parce que, la sociÈtÈ actuelle n'est rien d'autre qu'un
coffre-fort isolant ces parties dans des sections hermÈtiques les unes aux
autres. En ouvrir plusieurs simultanÈment permet un peu de
s'apercevoir… Je ne puis Ítre exhaustif, tant sur le vÈcu des prisons,
que sur les consÈquences quotidiennes pour la sociÈtÈ de leurs existences,
ni en ce qui concerne les maniËres de dÈpasser cette plaie ouverte que
constitue l'enferment. A toi, ý nous, de trouver ý partir des pistes que je
propose, de nos expÈriences et de nos rÈflexions des voies et des rÈponses
communes.
(1bis)Pour les lecteurs non genevois. Champ-Dollon est la prison prÈventive
(moderne) du canton de GenËve. Ramseier est le chef du DÈpartement de
Justice et Police de l'Ètat de GenËve (canton), c'est un radical, aimant se
comparÈ ý NapolÈon (une psychanalyse de ce frustrÈ serait, ý coup sur, des
plus intÈressante, anecdote : dans son bureau se trouve une fausse plaque de
rue "Ramsy le 1er" (ou Áa sent le complexe d'œdipe ý plein nez !)). Et
mÍme si je ne le cite pas, Bertossa est le procureur gÈnÈral "socialiste".
Il a menÈ une campagne de condamnations ý la prison contre les squatters,
refuser de gracier des dÈtenus malades du Sida en phase finale (ce qui
revient donc ý la peine de mort), et couvre systÈmatiquement toutes les
violences policiËres. Le socialisme est une couverture dÈfinitivement bien
pratique ý l'instauration des politiques les plus rÈactionnaires (j'ai
entendu national-socialisme ? …). Christine Junod, que je ne cite pas
non plus, est la (jeune, environ 40 ans) doyenne des juges d'instruction de
GenËve. Elle est mariÈe ý un flic de la SšretÈ, vous pouvez imaginer leurs
conversations sur l'oreiller le soir (pas trËs Èrotique comme couple). Elle
se charge de toutes les affaires "politiques" (Èmeutes, anars, manifs
anti-OMC,... ). Elle vient de non-inculper un flic ayant tuÈ un jeune gitan,
alors que de nombreux tÈmoignages sont parus dans la presse pour mettre en
Èvidence "l'inutilitÈ" de ce meurtre (balle dans le dos, pas de mise en
danger, dÈlit mineur niÈ par le complice du mort,... ). Je Sais Tout est le
journal plus ou moins rÈgulier, et plus ou moins proche des squatters, et
plus ou moins anarcho-antagonisto-situ et Je Sais Pas Quoi genevois.
(2)L'invisible ligne de couleur. DÈcembre 1998. " Dans les KKKamps de la
mort du Michigan, et c'est probablement vrai dans les autres KKKamps de la
mort des autres Ètats, il y a une ligne invisible de couleur dans la
cantine. Il y a une rangÈe vers laquelle les noirs se rendent et une pour
les blancs, une large majoritÈ de latinos, d'amÈrindiens et d'asiatiques
attendent dans la file "blanche" et mangent du cotÈ "blancs" de la cantine."
Ali Khalid Abdullah "Textes de prison", publiÈ par ABC Dijon. Ce texte
reflËte parfaitement d'une part l'intÈriorisation par tous, des murs ÈrigÈs
par le systËme pour nous sÈparÈs, et l'aspiration des opprimÈs ý atteindre
l'image idÈale de leurs oppresseurs.
(3)Le panoptisme appliquÈ ý l'urbanisme provient des thÈories
architecturales de bentham. Celui-ci au 18Ëme ý dÈveloppÈ le concept de tout
voir depuis un point, tandis que les observÈs ne se voient pas entre eux.
C'est la nÈgation de la rÈciprocitÈ. L'isolement mis en pratique de faÁon
systÈmatique. Son champ d'expÈrience fut Èvidemment les taules (lire
absolument Foucault M. "surveiller et punir"). De ce schÈma d'encadrement de
population dÈcoule le mode de construction (voir le blockhaus de l'UBS ý la
praille (GenËve) ou la citÈ HLM "La carcel d'El pueblo" ý Madrid (voir le
film de FÈnia et LÈa)), le mode d'urbanisme (les boulevard Hausmann ý Paris:
rectilignes pour amÈliorer les charges de cavalerie contre les insurgÈs), la
vidÈo-surveillance gÈnÈralisÈe (magasins, rues, …), … En fait,
le panoptisme est prÈsent dans tout le champ de l'espace collectif. C'est le
signe indÈniable du carcÈlisme ambiant, de la prÈdominance d'une
systÈmatique des rapports humains par la mÈfiance, caractËre tout
pÈnitentiaire. (Il y a un excellent numÈro de Tic-Tac sur le sujet du
contrÙle).
(4)La mauvaise conscience engendre une banalisation. Pour moins se sentir
coupable de cette atrocitÈ, on l'amoindrit. La peur peut susciter le mÍme
effet pour la dÈmystifier. C'est plutÙt sain, bien qu'extrÍmement naÔf quant
ý la puissance du choc dÈstructurant de l'enfermement. Les rÈvolutionnaires
les plus dÈterminÈs ý prendre le risque de l'incarcÈration, l'ont supportÈe
difficilement. Il est vrai, que par exemple pour les prisonniers d'Action
Directe, ce sont 12 ans d'isolement qu'ils ont du subir (pas de contact avec
d'autres prisonniers, lumiËre artificielle constante et constamment, visites
extrÍmement restreintes, 1/2h de promenade seul en cage, restriction du
courrier, interdiction d'activitÈs…). Georges Cipriani ý sombrer dans
la folie (internÈ depuis juin 93 ý l'hÙpital psychiatrique de Villejuif).
Nathalie MÈnigon ý eu un accident cardio-vasculaire en dÈcembre 96. Son Ètat
de santÈ est prÈoccupant. JoÎlle Aubron et Jean-Marc Rouillan vont "bien".
RÈcemment l'Ètat franÁais a accordÈ un adoucissement des conditions de
dÈtention des prisonniers d'Action Directe. AprËs avoir brisÈ
psychologiquement, physiquement et socialement ces personnes, le
gouvernement socialiste (beurk !) ne fait pas preuve d'une humanitÈ
dÈbordante.
L'isolement (total, partiel, mitard, mise au secret, peine de sšretÈ,
l'incarcÈration simple Ètant dÈjý un isolement…) est une torture
blanche, qui ne laisse pas d'hÈmatomes imputables aux bourreaux. C'est
l'esprit du dÈtenu qui est niÈ, dÈconstruit, broyÈ. Le physique est touchÈ
par le malaise inhÈrent ý la perte des repËres spatiaux, auditifs,
affectifs. Stefen Zweig dÈcrit parfaitement la cruautÈ de l'isolement dans
"Le joueur d'Èchec".
(5)Bien souvent aprËs avoir dit cette "fanfaronnade", l'ex-detenu va
"avouer" ses peines de la peine vÈcue. Ne pas rabaisser une pÈriode intense
de sa vie est une dÈfense de son Ítre, le refus du meurtre de soi qu'est en
soi l'incarcÈration. L'intensitÈ de la peine donne ý la fois un handicap
social et une ampleur vÈcue au dÈtenu. Il y a lý une dualitÈ entre mort et
vie, aplatissement et profondeur de l'individu.
(6)L'abstinence et la sÈdentaritÈ complËte sont les deux privations
spÈcifiques des prisonniers. Mais cela engendre aussi une restriction des
possibilitÈs et des choix d'activitÈs. Ils ont en commun avec les
travailleurs, mais de faÁon permanente, l'impossibilitÈ de gÈrer leur temps.
Aussi pertinente que peut Ítre la critique de la rÈification de l'Ítre et la
falsification de ses plaisirs par la consommation, il n'en reste pas moins
que le besoin de cette substitution des manques affectifs est intÈriorisÈ
par tous. Son refus est vÈcu comme une autre privation de plaisir.
(7)Il y a, suivant les nuances de chaque personnalitÈ, trois Ètapes de
dÈveloppement psychologique des dÈtenus. Une premiËre phase de quelques
semaines de forte angoisse, suit une pÈriode de rÈvolte se transformant
rapidement en une rÈsignation s'identifiant souvent aux "valeurs morales" du
systËme penito-judiciaire (heureusement par pour tous), et enfin une
clairvoyance des brisures de la dÈtention (due en grande partie au
dÈdoublement de la personnalitÈ du dÈtenu, ý sa propre mise en observation).
Voir "Paroles de gardiens, paroles de dÈtenus" de B Crettaz, voir Ègalement
Bruno Bettelheim sur les Èvolutions psychologiques en camp de concentration
"Le cœur conscient"
Je n'ai ÈtÈ pour ma part que quelques semaines ý Champ-Dollon.
(8)L'espace restreint engendre la profondeur intÈrieure. De maniËre, un peu
similaire qu'un ermitage rÈflexif, mais sans la libertÈ de casser la
solitude ni dans des conditions dignes d'une rÈflexion prenant en compte les
ÈlÈments de vie, puisque nous sommes bien lý dans des tombeaux. Il n'empÍche
que l'enfermement accroÓt l'ampleur de la pensÈe des dÈtenus. Le grotesque
n'est toujours lý que la loupe de la beautÈ. Celle-ci ne peut s'apprÈcier
que par le dÈcalage avec ce frËre ennemi. Le contraste Èclaircit la lumiËre
face aux tÈnËbres.
(9) Les peintres utilisent cette astuce de l'inversion des perspectives pour
donner l'impression de relief. Le fond du tableau est ÈclairÈ par la droite,
tandis que l'objet mis en relief, l'est par la gauche.
(10)La sociÈtÈ actuelle est basÈe sur le paraÓtre, on est ce qu'on est au
regard des autres. C'est l'existence par soi. Il est nÈcessaire pour se
possÈder soi-mÍme de vivre pour soi. Le par soi et le pour soi sont liÈs
comme dans un jeu de miroir. Le rapport est dialectique. Accepter d'Ítre
pour autrui et se saisir soi-mÍme, la relation est rÈciproque et intÈrieure,
intÈrieure et rÈciproque.
La prison est un espace expÈrimental des relations. On n'existe plus dans le
monde social qu'au niveau de sa reprÈsentation de justiciable. En
l'occurrence, le prisonnier est rÈifiÈ ý un rÙle de coupable, jugÈ sur des
aspects extÈrieurs ý ce qu'il est vÈritablement et complËtement.
(11) La sexualitÈ est interdite en prison. Une certaine tolÈrance existe
concernant l'onanisme discret. L'homosexualitÈ, bien que pratiquÈe par
certains, est rejetÈe verbalement par les prisonniers. La femme est en
gÈnÈral dÈprÈciÈe par les dÈtenus qui se parent ainsi de l'arrogance face ý
ce qui leur est refusÈ. Les tentatives de suicide en se coupant les veines
du poignet (coupable de la masturbation), les troubles urinaires, la
dÈprÈciation de la femme et de l'homo-passif illustrent une souffrance
d'autant plus intÈriorisÈe que ce sujet est un des tabou majeur de notre
sociÈtÈ. Voir Simone Buffard "Le froid pÈnitentiaire".
(12)Il y a recrÈation d'une hiÈrarchie et de comportements normÈs dans cette
sociÈtÈ expÈrimentale et contraignante qu'est la prison.
(13)Le suicide est avant tout une violence faite ý soi-mÍme. Comme toute
violence c'est une revendication d'existence propre (en soi), aussi
paradoxale et ultime qu'elle soit.
(14) La schizophrÈnie qui est la "maladie" mentale la plus rÈpandue (les æ
des internÈs en HP) n'a aucune dÈfinition mÈdicale viable. Ce n'est
Èvidemment pas une maladie, mais une rÈaction face ý un milieu oppressant
(la famille bien souvent). NiÈ par des normes, l'individu va tenter de
naÓtre en tant que lui-mÍme, en prenant le contre-pied de ces normes. Les
psychiatres appelle cela Ítre fou, c'est bien plutÙt le premier pas en
dehors de l'aliÈnation. La sociÈtÈ pathologise cette rÈaction (et avec
quelle violence le fait-elle : par l'enfermement, la drogue abrutissante, la
culpabilisation) afin de ne pas rÈpondre au terrible questionnement que pose
par son existence le fou.
Il va de mÍme des dÈtenus. La justice est mÍme l'exemple le plus accompli de
ce qui s'appelle la double-contrainte. La double-contrainte est la
contradiction entre le signifiÈ et le signifiant (p.ex je te fais sentir par
des attitudes que je t'aime et je te dis que je ne t'aime pas, tu perds la
tÍte.). En gÈnÈral les messages contradictoires se situent ý des niveaux
diffÈrents (toujours le mÍme ex. Je t'aime mais une peur personnelle me
pousse ý te dire que non). La justice dit au condamnÈ "deviens bon", et
elle-mÍme pratique la cruautÈ de l'enfermement, nie la bontÈ. DerriËre le
paravent de la dette du fautif se cache le niveau politique de l'oppression
d'une classe.
Il est significatif de s'apercevoir que la sociÈtÈ est passÈe du rejet du
fou ý son traitement, reportant ainsi tout le poids de la nÈcessaire
culpabilisation d'un bouc-Èmissaire sur les condamnÈs. Voir D. Cooper
"Psychiatrie et antipsychiatrie"
(15)La solidaritÈ spontanÈe est ce qui Ètonne le plus ý l'arrivÈe en prison.
C'est trËs loin de la mythologie de violences et de persÈcutions vÈhiculÈe
par les mÈdias. Le rÈflexe est humain, face au sort commun du tourment de
l'incarcÈration. C'est Ègalement une nÈcessitÈ d'entraide en milieu hostile.
Si en rÈaction ý l'inhumanitÈ, les prisonniers dÈveloppe plus d'humanitÈ,
ceci n'est en rien un "bonus" ý cette aberration qu'est la prison. Cette
humanitÈ est contenue en chacun et ne demande qu'a Èclore. Ce sont bien les
conditions d'Èpanouissement de chacun qu'il faut rechercher.
(16)Il y a, Èpileptiquement, des soubresauts des corps meurtris en prison.
Une prisonniËre met ý plein tube de la salsa, un bloc explose de cris lors
d'un but durant un quelconque match de foot… Il y a aussi les
rÈvoltes. Ces moments de rÈapropriation de la force collective dans un
espace qui, par-dessus tout, veut sÈparer, maintenir le silence et annihiler
la puissance de l'Ítre vivant. L'inhumaine efficacitÈ de la prison n'arrive
que difficilement ý tuer les Ítres enfermÈs. L'idÈe, la pulsion et la
nÈcessitÈ de la vie ont la vie dure.
(17)On peut saisir dans cette expression toute la charge productive contenue
dans l'emprisonnement. On ne dit que rarement "j'ai ÈtÈ en prison", on dit
en gÈnÈral "j'ai fait de la prison". Faire, produire, perpÈtuer…
L'industrie carcÈrale, l'Èconomie judiciaire ý besoin de "clients", pour
reprendre la formule nausÈabonde du directeur de Champ-Dollon, bien qu'en
fait les prisonniers soient de la matiËre premiËre ou tout au mieux de la
main d'œuvre bon marchÈ et facile. C'est sa reproduction qui intÈresse
avant tout l'appareil juridico-penitentiaire et policier. Sans criminel plus
de juge, plus de flics, plus de matons. La rentabilisation financiËre des
prisons arrive actuellement aux Etats-Unis ý un dÈveloppement incroyable.
L'institution carcÈrale est la premiËre entreprise de Californie. Voir
Foucault le chapitre de l'illÈgalisme ý la dÈlinquance, et L. Wacquant
articles dans le Monde diplo.
(18)La dialectique du maÓtre et de l'esclave. Ou dans une Èvolution rÈcente
toute helvÈtique, comment l'on devient ý la fois son geÙlier et le
prisonnier d'une cage dorÈe. Lire Durenmatt "discours pour V. Havel" et F.
Zorn "marrs"
(19)La peur nÈcessitÈ de sociÈtÈ. Les sociÈtÈs se cimentent autour de
menaces extÈrieures (rÈelles ou illusoires). DÈfinir un ennemi ou un danger
est une nÈcessitÈ pour l'existence d'un groupe en tant que groupe uni face ý
cette hostilitÈ. Lorsqu'un danger s'estompe, le groupe rÈinvente une peur
pour perdurer son serment, assurer sa permanence. L'obsession mono-maniaque
de la sociÈtÈ pour le sÈcuritaire trouve ses boucs-Èmissaires parmis les
suspects.
(20)Le silence est le signe du refus d'aborder les problËmes. Le refoulement
peut aussi s'opÈrer par l'exercice consistant ý en parler de la meilleure
faÁon qu'il soit pour ne pas se connaÓtre, ne pas s'y reconnaÓtre :
l'extÈrioriser de soi, ne pas s'impliquer. VW est Èloquent de silence durant
8 pages dans un texte ý "Je Sais Tout" sur la peur et la sexualitÈ(thËmes
qui concernaient les interviews qu'il a critiquÈes). Bon, cet exemple est
facile et il est possible d'en dÈbusquer des milliers d'autres, tant la
pratique est gÈnÈralisÈe, intÈgrÈe de se soustraire au champ de la critique.
"La sÈduction de l'esprit par le langage". Le moteur de l'Ècriture
s'alimente de la nÈcessitÈ d'Ítre visible des autres et du dÈpassement de sa
propre pensÈe. Construction (a) esthÈtique, logique et cohÈrente, le texte
tend ý revÍtir les habits de l'objectivitÈ, c'est ý dire se pense comme lu,
tout en honorant son amour propre. L'Ècrivain ý toujours un plaisir gustatif
de son pouvoir sur le lecteur. L'adoption d'un rÙle "rÈaliste" parce
qu'acceptable, m'exaspËre de sa vilenie manipulatrice, de sa
dÈpersonnalisation et de sa stupiditÈ volontaire. Le pouvoir d'exprimer sa
pensÈe se place au niveau du partage sans concession. L'esthÈtisme du texte
est par nature l'emballage de la pensÈe. C'est le tableau dÈformÈ de ma
subjectivitÈ, une expression de ma personne. Oublier que j'Ècris est ma
principale prÈoccupation. Et alors un parfum de libertÈ exalte du charme de
l'anonymat. Le problËme de la communication est bien l'un des problËmes
majeurs lorsqu'on est enfermÈ, et se pose dans les termes les plus opposÈs ý
ceux qui me sied pour Ècrire librement. Quoi Ècrire, comment faire
ressentir, comment oublier la lecture de son courrier par le juge
d'instruction, exister un tant soit peu par un noircissement de papier vis a
vis de ceux qu'on aime, des gens en gÈnÈral…(Comme quoi je ne m'Ègare
pas tant que Áa du sujet du texte…).
(a)Plan, structure, dÈveloppement. Mise en chaÓne de caractËre sur le mode
sÈriel, de faÁon normative. La lecture est isolÈe. L'Èchange oral se
caractÈrise par le contact direct des sens entre le parleur (discoureur ou
lecteur) et les Ècoutants et la rÈciprocitÈ de cet Èchange par les organes
yeux, bouches, oreilles. De cette sensualitÈ du plaisir oral, l'imprimerie
nous a glissÈs ý la mÈdiatisation froide de l'expression univoque. La
bureaucratie se nourrit de ces ordres imprimÈs pour asseoir son pouvoir sur
les prisonniers contraints au mutisme dÈfinitif. La culture "Èlectro" (comme
Èlectronique, Èlectrique) se caractÈrise par le narcissisme de l'image, le
renforcement du panoptisme (ý la fois Personal Computer et impression de
pouvoir tout voir sans Ítre vu sur le Web), et la binaritÈ des choix (PS ou
Parti LibÈral, pour ou contre, la digitalisation en 0 ou 1). La prison reste
le lieu privilÈgiÈ des expÈrimentations technologiques totalitaires, tout en
maintenant les dÈtenus ý quelques gÈnÈrations des produits technologiques.
Le temps vient alors sÈparer aussi ceux qui subissent les appareils de
contrÙle les plus dÈveloppÈs.
(21)Ramseier, derniËrement, lors d'une allocution aux nouveaux matons de
Champ-Dollon, leur dÈclarait qu'ils Ètaient les garants du silence et du
calme entourant la prison, l'opinion publique ne voulant surtout ne rien
entendre ý ce propos (FAO dÈcembre99). Voilý un message clair. Ramseier est
un fils de chien qui a le mÈrite de l'assumer ouvertement. Cela nous change
des b’tards glapissants de gÙche.
Ceci dit, le silence est lý le garant du refoulement des problËmes, des
conflits. L'expression pathologique d'une sociÈtÈ qui ne se possËde pas et
qui s'isole en elle-mÍme.
Toujours ý propos de ce "Pasqua" genevois, il vient de dÈclarer, aprËs le
meurtre d'un jeune gitan par un de ses flics, : "Il a bien fait son travail
(…) J'aurais ÈtÈ dÈÁu qu'il se dise tant pis, il est parti" (Le temps,
samedi 26 fÈvrier 2000). L'incitation au meurtre ne semble pas Èmouvoir plus
que Áa, la gauche qui continue de gouverner avec ce salaud.
(22)MÈdiatisation: avoir recours ý, pour ne pas vivre cela : organisme
humanitaire, institutions, presse, dÈlÈguÈs… ou comment se distancier
de la vie. "Je ne suis pas derriËre ce que je fais." Une œuvre de Jojo,
artiste communiste genevois.
(23)Il est remarquable que cette pensÈe soit conditionnÈe par la disposition
spatiale du tribunal. Le public est dans le dos, du cotÈ, de l'accusÈ et par
consÈquent fait face au juge. Ceci est la marque claire de la possibilitÈ
pour tous d'Ítre juger, et du pouvoir de l'autoritÈ de juger tout un chacun
de son piÈdestal. Ce piÈdestal reprÈsente la grandeur de la moralitÈ. (Ne
riez pas, c'est un parjure, un dÈlit. Si, si, riez, le rire est l'arme qui
tourne au ridicule l'arrogance imbÈcile.)
(24)"Mea culpa" est le cri de la morale vengeresse. C'est parce que nous
nous savons tous coupables que nous voulons nous affirmer innocents. Le
malfaiteur est lý, avant tout, pour donner une existence au mythe de
l'honnÍte citoyen. L'illusion optique du contraste donne corps aux images
manichÈennes mythologiques. Le condamnÈ est un monstre, car le citoyen est
un civilisÈ…
Et je ne puis, lý, rÈsister ý la tentation de vous citer R. Barthes dans
"Mythologies", que je lis alors que je commenÁais les corrections de ce
texte : "C'est lý un nouvel exemple de cette science policiËre illusoire,
qui s'est exercÈe avec rage sur le cas du vieux Dominici : toute entiËre
fondÈe sur une certaine tyrannie de la vraisemblance, elle Èdifie une vÈritÈ
circulaire, qui laisse soigneusement au dehors la rÈalitÈ de l'accusÈ ou du
problËme ; toute enquÍte policiËre de ce genre consiste ý rejoindre les
postulats que l'on a de soi-mÍme posÈs au dÈpart : Ítre coupable, pour le
vieux Dominici, c'Ètait coÔncider avec la "psychologie" que le procureur
gÈnÈral porte en lui, c'Ètait assumer, ý la faÁon d'un transfert magique, le
coupable qui est au fond des magistrats, c'Ètait se constituer en objet
Èmissaire, la vraisemblance n'Ètant qu'une disposition de l'accusÈ ý
ressembler ý ses juges."
(25)A la place ! Les anars le prÙnent, les squatters le pratiquent, le
bannissement. Remplacement stupide et dÈgueulasse, qui se fait fi de
l'individualitÈ. RÈgressant ý ne plus mesurer la dÈviance, ils rÈgressent
doublement par leur propre enfermement dans la nÈcessitÈ de se dÈbarrasser
des gÍneurs. Le bannissement est une fuite. La fuite ne rÈsout rien.
RÈgression, rÈgression, rÈpression! Tandis que le geste le plus simple
serait d'absorber, d'inclure. De l'avalement anthropologique, l'humanitÈ a
glissÈ au rejet anthropoiÈmique. Et les imbÈciles ordinaires continuent
leurs chasses, leurs exclusions.
(26)Le mot "pouvoir" ý deux sens, le pouvoir oppression, le pouvoir
capacitÈ. L'un est la falsification de l'autre, l'autre est le retournement
Èmancipateur de l'un. Le possible reste le cauchemar des salauds. "Celui qui
refuse d'Ítre un maÓtre ne sera jamais un esclave." Marco Camenisch,
prisonnier suisse en Italie pour avoir explosÈ des pilonnes d'ÈlectricitÈ
nuclÈaire.
(27)A ceux qui arguent de la prÈtendue utopie d'une ÈlÈvation spirituelle,
regardons les sociÈtÈs dites primitives (avec toute la suffisance d'une
civilisation de merde(au sens propre du terme)). B. Manser parle de vie sans
hiÈrarchie, sans violence sans oppression chez les PÈnans (IndonÈsie). S'il
est peut Ítre naÔf de croire telle quelle ý la rÈalitÈ du mythe du bon
sauvage, il est Èvident que d'autres approches de vie existent, ou plutÙt,
existaient vu l'extermination ý laquelle c'est adonnÈe la civilisation
moderne. Le "rÈalisme" des prisons n'a pas supprimÈ le crime mais l'a
amplifiÈ par la rÈcidive. S'aveugler ý ne regarder que notre exemple de
sociÈtÈ dÈgÈnÈrÈe est certes confortable ý l'entretien de la cÈcitÈ.
(28)Certains Ítres rÈsistent bien face ý l'appareil de coercition. C'est
tout le charme mystÈrieux de la prise de conscience, de la graine de
rÈvolte, de la rÈsistance des individus face ý la machine broyeuse.
(29)Le processus pÈdagogique a une certaine ressemblance avec l'idÈe
marxxxxxiste de la phase transitoire. Mais quelle triste idÈe que de
recourir ý la dictature pour aller sur le chemin de la libertÈ. Ce sont les
synergies actives de l'Èchanges qui permettront les maturations des
mentalitÈs. Que l'on doive en passer par une Èvolution ou une rÈvolution,
lentement ou par la tabula rasa ? Les rÈponses se trouveront ensemble, mais
pour ma part, je pense que le plus tÙt sera le mieux.
(30)Grotius=Gros tas. Cet imbÈcile ý fonder le droit positif sur la notion
de droits naturels (libertÈ, intÈgritÈ, ÈgalitÈ, propriÈtÈ), s'absolvant de
les justifier puisqu'ils sont naturels (finaud !) En dehors du fait, que,
certains comptent plus que d'autres, comment concevoir comme naturels des
constructions humaines ? Il est assez Èvident que ce subterfuge locutif
masque la domination d'une classe sur le reste de la population, et
l'intÈgration de ses intÈrÍts comme valeurs morales collectives.
Si l'on gratte un peu plus cette rhÈtorique du "naturel" on arrive aux
arguments des "instincts". Les plus imbÈciles vont parler des mauvais
instincts des malfaiteurs. Les instincts se sont crÈÈs chez l'humain pour
survivre. Il ne saurait Ítre question de bons ou de mauvais instincts, on
peut parler par contre d'instincts inadaptÈs ý l'Èvolution de la sociÈtÈ. La
fainÈantise est par exemple un des premier instinct dÈveloppÈ chez l'humain.
En faire le moins possible Ètait une nÈcessitÈ de survie dans un milieu
hostile, ou il fallait conserver toutes ses forces pour se battre en cas de
danger et chasser afin de se nourrir. Que ce trait de caractËre soit jugÈ ý
prÈsent comme "mauvais", n'est que le reflet de l'Èvolution d'une sociÈtÈ
qui se base sur l'hyperactivisme en tant qu'Èloignement de son Ítre ý
travers sa fonction productive (ou travailler Èvite de penser ý sa misËre
existentielle).
Plus intÈressante est l'idÈe d'un instinct du bien et du mal, c'est ý dire
le sentiment de contrevenir ý la notion de vie. C'est une rÈalitÈ
indÈniable, fondant l'espoir mÍme de pouvoir se dÈbarrasser dÈfinitivement
de la morale, du jugement et de la punition, par l'acceptation consciente de
cet instinct par chacun. Il est tout aussi indÈniable, que les instincts ont
un rapport ý la fois ý la structure sociÈtale et au rationnel de chaque
individu. Ce qui signifie, d'une part, que cet instinct Èvolue sur la
pression de la morale et des lois. La dÈfaillance de cet instinct chez les
"malfaiteurs", est soit dÈterminÈe par l'absurditÈ des pratiques sociales,
soit conforme aux valeurs, ou la perte de ces valeurs, courantes dans la
sociÈtÈ. La sociÈtÈ a, de toute Èvidence, elle-mÍme refoulÈe cet instinct de
bien et de mal, professant l'apologie de la rÈussite sociale ý tout prix.
D'autre part, si la tyrannie de l'accaparation et de la domination faisaient
place ý une philosophie de la possession de soi, je suis persuadÈ de la
disparition libÈratrice de la punition.
(31) Je ne suis pas le seul, et cela me rÈconforte beaucoup.
(32) Cet article est donc fini (ouf !). Petit jeu : dans quel sens as-tu
pris le titre et le sous titre, avant la lecture ? Abolition aliÈnante ou
appel ý une amplification dÈvoilante de bruit ?
Un libÈrÈ c'est quoi ? Un ex-dÈtenu ? Un ÈmancipÈ sexuel ? Ou sera-ce ce que
nous serons tous, le jour bienheureux ou les geÙles vidÈes bršleront, quand
nos corps tournoieront de joie face aux flammes de la libÈration et qu'enfin
toutes les prisons abolies, nos peines n'auront plus de raison d'Ítre ?
Autre petit jeu, dÈcouvre-toi des amis et mettez en pratique les lignes
ci-dessus. Jeu assurÈ 100% rigolo.
"Refouler dans l'invisible de la taule et le spectacle falsifiÈ des
tribunaux, celui qui ne peut correspondre ý la norme, c'est sentir sans
vouloir le reconnaÓtre, un instinct brut de vie au fond de soi, ý la fois
inaliÈnable et irrÈductible au code pÈnal. C'est se cacher ý soi-mÍme, aussi
fortement que le nÈcessite ce refoulement, l'Èvidence du mensonge de son
innocence mise en relief par la culpabilitÈ de l'autre."
Augustin Paillard nous invite, dans ce texte, ý remettre en cause, non
seulement, le dogme omniprÈsent de l'incarcÈration, mais ý travers cet
Èbranlement a nous questionner sur les fondements mÍmes de la sociÈtÈ
occidentale, de ce que la bourgeoisie nous a imposÈ comme Ètant La
Civilisation.
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