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From "nath" <nath@samizdat.net>
Date Fri, 12 May 2000 20:59:18 +0200
Subject globe_l: Anniversaire de l'arrestation de Flora Brovina

Alternativna informativna mreza (AIM)
2 mai 2000 Podgorica
(traduit par Emmanuelle Riviere)

Anniversaire de l'arrestation de Flora Brovina

UNE INNOCENTE EMPRISONNEE

Parmi les dictatures du monde entier, qu'elles soient africaines, asiatiques ou
europeennes, la Serbie peut se vanter de detenir la prisonniere politique la
plus celebre du monde. Aujourd'hui, plus d'un an s'est ecoule depuis son
arrestation, et pres de six mois sont passes depuis son incarceration.
Pediatre, elle defendait avec passion les droits humains (notamment feminins)
et elle s'opposait fermement a la repression du regime serbe contre les
Albanais du Kosovo. Elle ecrivait aussi des poemes. Les syndicats d'ecrivains
et de medecins du monde entier, de Paris a Washington, demandent sa liberation.

Par Vladimir Milovanovic a Belgrade

A 50 ans, cette femme se distingue du lot d'Albanais du Kosovo arrete et
incarcere a la veille, pendant et apres les bombardements de l'Organisation du
traite de l'Atlantique nord (OTAN) contre la Yougoslavie de par la peine
draconienne qu'on lui a infligee: 12 annees de prison.

L'affaire de la docteure Flora Brovina, arretee le 20 avril 1999 devant chez
elle a Pristina, est arrivee a la Cour supreme de Serbie, qui pourrait decider
de liberer Flora Brovina a sa session du 16 mai.

Mme Biljana Kovacevic-Vuco, presidente du Comite yougoslave des avocats des
droits humains, estime que la soi-disant culpabilite de Mme Brovina ne repose
sur aucune preuve. Pourtant elle explique: "il n'y a pratiquement aucune chance
pour que la Cour se libere du joug politique sous lequel elle se trouve, et
qu'elle agisse comme de droit: c'est a dire qu'elle delibere et conclue que
Flora Brovina est innocente."

Officiellement, Flora Brovina a ete condamnee a 12 annees de prison pour avoir
"commis l'acte criminel d'"association de malfaiteur" en lien avec l'acte
criminel de "terrorisme" a un moment o˜ pesait une menace directe de guerre sur
le pays, ainsi que pendant la guerre" - faute passible d'un minimum de 10 ans
de prison.

Mais l'avocate Kovacavic-Vuco voit d'un tout autre oil l'arrestation et la
condamnation de Flora Brovina: "Brovina a ete condamnee pour rien. Elle etait
l'ennemie du regime serbe parce qu'elle militait dans une ONG humanitaire et
parce qu'elle ecrivait des poemes. Elle detruisait ainsi le stereotype fixant
dans les esprits les Albanais comme une "race inferieure", ce dont un grand
nombre de Serbes est persuade."

Lorsque sa condamnation fut enterinee au tribunal de Nis, Flora Brovina
prononÁa ces derniers mots: "Je suis l'une des militantes des droits humains
originaires du Kosovo les plus connues au monde. J'ai sacrifie ma propre sante
pour venir en aide a des femmes et des enfants. Et si aujourd'hui on me
liberait, j'aurais encore beaucoup a faire, j'aiderais ceux qui sont
actuellement menaces." Poete et pediatre, elle est egalement fondatrice de la
Ligue des femmes albanaises.

Lors d'une rencontre organisee fin avril par le Centre pour la decontamination
culturelle de Belgrade, Vojin Dimitrijevic, president du Centre de Belgrade
pour les droits humains, a declare que si Mme Brovina etait libre et se
trouvait actuellement au Kosovo, elle "eleverait la voix contre les Albanais,
membres de son propre groupe ethnique, pour denoncer la violence commise contre
les Serbes et autres non Albanais de la province serbe du sud."

Or les tribunaux serbes ont considere les activites de Flora Brovina tout a
fait differemment. Dr. Brovina a ete accusee d'avoir fonde la Ligue des femmes
albanaises avec une trentaine d'autres femmes "qui s'etaient donne pour t’che
d'organiser des manifestations hostiles, de recolter des medicaments et de la
nourriture pour alimenter les separatistes de l'Armee de liberation du Kosovo
(UCK) et de preparer des actions terroristes". Elle est egalement inculpee pour
avoir ete ministre de la Sante dans le gouvernement parallele des Albanais du
Kosovo,et accusee d'avoir maintenu des contacts permanents avec le haut
commandement de l'UCK.

Lors de son proces, Flora Brovina avait ecoute toutes ces accusations avec
attention. Elle n'avait fait preuve d'aucun acces d'emotion, meme lorsque les
pleurs etouffees de ses sours avaient retenti dans la salle d'audience du
tribunal. La police s'etait promptement emparee de l'accusee, lui interdisant
un dernier contact avec son mari, ses sours et ses amis presents dans la salle
d'audience.

Le proces de Flora Brovina fut repousse par deux fois. Depuis son arrestation,
l'etat de sante de Mme Brovina n'a cesse de se deteriorer, ce qui aurait dš
suffire pour que les autorites comprennent qu'il ne fallait pas la transferer
constamment d'une prison a l'autre.

Dr. Brovina fut pourtant incarceree tout d'abord a Lipljan, d'o˜ elle fut
evacuee le 10 juin, avec d'autres prisonniers, lors du retrait des forces de
securite yougoslaves du territoire kosovar. Elle arriva a la prison de
Prozarevac dans un etat de sante deplorable. Elle souffre d'une angine de
poitrine chronique qui menaÁait alors de s'aggraver serieusement faute de
traitement medical approprie - et par manque de medicaments. Flora Brovina
etait paralysee du cote droit, elle en perdit meme la faculte de parler pendant
quelque temps. Aujourd'hui, sa sante est un peu meilleure parce que les
autorites finirent par autoriser ses avocats et son mari a lui rendre visite
dans la prison de Prozarevac pour lui apporter des medicaments. Au moment de
son proces, sa sante etait plus ou moins stabilisee. Cependant, depuis
Prozarevac on l'a transferee a la prison de Nis o˜ elle se trouve depuis le 10
novembre dernier, suite a la decision du tribunal regional de Nis de traiter
les proces incombant autrefois au district de Pristina. Lorsque la juge Marina
Milanovic, egalement originaire du Kosovo, a demande a Mme Brovina si elle
avait des critiques a apporter concernant le traitement reÁu en prison, Flora
Brovina a repondu: "On me traite correctement, on ne m'a frappee a la tete
qu'une seule fois."

Gradimir Nalic, du Comite des avocats des droits humains, considere que Flora
Brovina est maltraitee en prison. Selon lui, elle a ete interrogee 18 fois,
mais pas toujours en prison. Apres ces interrogatoires epuisants, souvent
conduits sans permission de manger ou de boire, "Brovina a dit elle-meme
qu'elle finissait par avouer tout ce qu'on voulait lui faire dire, elle aurait
meme jure qu'elle s'etait transformee en girafe."

Au debut de son incarceration, a Lipljan, elle avait signe une declaration sans
l'avoir ne serait-ce que lue auparavant, selon son avocate Husnija Bitic.
D'ailleurs personne ne l'aurait lue. " Ils lui ont ordonne de signer sa
declaration. Brovina etait persuadee de signer une feuille reproduisant ses
propres mots."

Elle ne s'imaginait pas etre en train de signer sa propre condamnation;
pourtant ce papier fut utilise par l'accusation comme l'une des principales
pieces a conviction de sa condamnation. De plus, on utilisa une simple
photocopie, papier qui ne peut en aucun cas constituer une preuve valable au
tribunal. L'accusation insista pour lire la declaration de Flora Brovina au
tribunal, ses avocats s'y opposerent, mais elle acceda elle-meme a la demande.
Des le debut de la lecture, Brovina secoua la tete et interrompit le procureur:
"Je n'ai jamais dit Áa, ces paroles ne sont pas les miennes."

Pour repondre aux accusations mettant en cause la clinique polyvalente qu'elle
avait fondee - on y soignait "des terroristes, des membres de l'UCK" - et lui
reprochant d'avoir fourni des vetements a ces memes terroristes, Brovina
repondit que pendant les bombardements de l'OTAN, elle etait gravement malade.
Une de ses mains etait paralysee et elle ne travaillait pas, meme dans sa
propre clinique privee. Pour prouver que la Ligue de Brovina avait tricote des
pulls pour les combattants de l'UCK, de la laine confisquee dans un atelier de
Pristina fut exhibee. Brovina expliqua que son ONG avait reÁu la laine d'une
organisation humanitaire anglaise nommee Oxfam. "Cela faisait partie d'un
projet au cours duquel les femmes, traumatisees par le conflit du Kosovo, se
mettraient a tricoter - une sorte de traitement therapeutique par le travail
manuel", expliqua l'avocat Bitic. "La moitie des echeveaux etait offerte aux
femmes, et l'autre moitie etait rendue a Oxfam, sous forme de vetements, pour
etre distribuee en tant qu'aide humanitaire. Brovina avait deja participe a de
tels projets avec d'autres ONG similaires a Pristina", explique Bitic.

A l'heure ou le regime de Belgrade et les tribunaux liberent, sans doute sous
l'effet d'un accord secret, un certain nombre de prisonniers albanais, les
defenseurs des droits humains agissant au Kosovo sont plutot pessimistes quant
au cas de Flora Brovina. On s'inquiete aussi parce que la plupart des partis
d'opposition et meme des organisations non gouvernementales passent sous
silence et son arrestation et sa condamnation scandaleuses. Les seuls groupes
ayant eleve la voix sont le Comite Helsinki des droits humains, le Fond pour la
loi humanitaire, et un certain nombre d'avocats rassembles autour du Comite des
avocats des droits humains et du Syndicat parallele des ecrivains de Serbie. La
Chambre des medecins et le Syndicat officiel des ecrivains de Serbie n'ont rien
dit.

Biljana Kovacevic-Vuco explique que l'opposition et les partis democratiques de
Serbie ont estime qu'il n'etait pas politiquement opportun de se battre pour
Brovina, et sont donc restes cois - honte sur eux. Actuellement des petitions
reclamant sa liberation sont signees par des ecrivains, des poetes, des
journalistes et des medecins dans le monde entier, et Flora Brovina a reÁu,
derriere les portes de sa prison, plusieurs prix litteraires d'eminence. Selon
ses avocats, Brovina est victime du regime de Belgrade, "qui a detruit tout ce
a quoi il a touche, meme le systeme judiciaire." Et Vojin Dimitrijevic conclut:
"Les laches qui se taisent collaborent volontairement au crime commis contre
Flora Brovina."

AIM: http://www.aimpress.org/

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