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Date Thu, 1 Jun 2000 08:17:00 +0200
Subject globe_l: Senegal - Des energies sociales en mouvement

SÈnÈgal - Des Ènergies sociales en mouvement

Au SÈnÈgal, la vie quotidienne est structurÈe par la religion. Tivaouane,
ville sainte du tidjanisme n'Èchappe pas ý la rËgle. Le maraboutisme est la
rËgle d'or qui chapeaute la vie politique, sociale et syndicale.

Bien que composÈe de musulmans pratiquants, par esprit d'indÈpendance,
l'association Actions Utiles Pour l'Enfance et la Jeunesse (AUPEJ) a
toujours refusÈ un partenariat avec les confrÈries. Il n'y a donc pas
d'Èducation religieuse ý AUPEJ qui ne reÁoit aucun subside de l'Štat ou des
marabouts. Elle n'a pas participÈ ý la construction d'une colossale mosquÈe
(ý l'allure nÈo-stalinienne, construite ý partir de fonds trouvÈs, en
quelques jours, suite ý des appels publics du marabout). N'oublions pas que
l'Ècole coranique est gratuite alors que les activitÈs scolaires d'AUPEJ
requiËrent une participation financiËre des familles (garderie 5 ff
mensuels et soutien scolaire 7,50 ff par mois).

Les SÈnÈgalais sont connus dans toute l'Afrique de l'Ouest pour leur
extrÍme politesse, il Ètait donc urgent qu'AUPEJ ait un local pour abriter
ses activitÈs enfantines. En effet, quand les enfants et les animateurs
travaillent dans la rue, l'obligation des salutations devient un empÍcheur
d'Èduquer en rond.

Les conditions de vie sont extrÍmement difficiles. Il faut compter une
vingtaine de personnes ý chaque repas (une femme sÈnÈgalaise passe ý peu
prËs 7 heures par jour dans sa cuisine pour nourrir la maisonnÈe !), le
cošt de l'eau, de l'ÈlectricitÈ, des loyers n'a fait qu'augmenter ces
derniËres annÈes suite aux privatisations des services publics. La
scolaritÈ des enfants devient de plus en plus onÈreuse. ¿ Tivaouane, dans
la journÈe les hommes sont absents (travail dans les champs, aux mines de
phosphate ou emploi durant toute la semaine ý Dakar). La vie quotidienne
est donc organisÈe par les femmes.

Une vie associative ancrÈe dans le quartier

AUPEJ, nÈe du secteur social informel a tirÈ profit de ses fondations. Elle
s'appuie sur un rÈseau communautaire. Elle n'a pas prÈsentÈ des outils
sociaux et culturels clÈ en main aux habitants mais les a construits avec
eux. Ce travail prÈparatoire est Èmancipateur dans la mesure o˜ les
populations apprennent ý lire leur environnement, s'approprient des besoins
rÈels et tentent d'y rÈpondre de faÁon autonome. Štant complËtement
indÈpendante des autoritÈs religieuses, Ètatiques, elle s'organise
librement et Ètablit des autonomies collectives. En effet, AUPEJ coordonne
la vie associative alternative et participe ý l'Èclosion de pratiques
sociales ou Èconomiques Èmancipatrices. ¿ la fois but et moyen, cette
autonomie demande du temps, dÈcoule de t’tonnements, de mise en synergie
trËs Èprouvantes pour la collectivitÈ et les personnes. Cela explique, en
partie, la reproduction immÈdiate de relations formelles dans les espaces
alternatifs. CrÈer dans la prÈcaritÈ Èpuise les expÈrimentateurs sociaux.
Ce qui devrait Ítre un simple prÈalable ý la crÈativitÈ culturelle devient
un parcours du combattant. Les problËmes sociaux sont tels que la
rÈinvention pÈdagogique devient un luxe ! La lutte pour imaginer des
solutions ý des problËmes sociaux urgents est entravÈe par les difficultÈs
Èconomiques, les lourdeurs administratives.

La stabilisation de ces espaces Èducatifs devient donc un enjeu social non
seulement pour l'Èmancipation prÈsente des participants mais pour la
pÈrÈnnisation d'espaces collectifs alternatifs. Pour crÈer, il faut du
temps et de l'avenir ! AUPEJ a travaillÈ, travaille et travaillera encore
et toujours dans l'urgence. Ce combat par et pour l'autonomie passe par
l'indÈpendance Èconomique, l'apprentissage de la prise d'initiatives et la
coopÈration individuelle et collective. Vaste programme qu'AUPEJ a
rÈellement concrÈtisÈ. Elle est ý l'initiative de la Caisse des femmes et
de l'ACAPES (collËge-lycÈe alternatif scolarisant des jeunes ÈvincÈs du
systËme scolaire traditionnel). Elle a prÈfÈrÈ tisser des liens
transversaux durables que de centraliser des initiatives sociales. Cette
synergie toute de partenariat multiple pose certainement des problËmes
d'efficacitÈ institutionnelle. Elle confronte des frilositÈs, oppose des
ÈgoÔsmes, concrÈtise l'acceptation des diffÈrences, organise la gestion
collective non pas dans un schÈma linÈaire mais centrifuge.

Se pose ý elle, maintenant, le problËme de la crÈation d'outils permanents
ý l'Èmancipation des personnes. Cela passe par la construction de locaux,
par un renforcement des structures, la formation des personnes, la crÈation
de relations pÈdagogiques et institutionnelles dÈmocratiques.

En fait il n'y a qu'une dizaine de volontaires pour animer cette
association. Les personnes-ressources travaillent en majoritÈ ý Dakar. La
crÈation de postes d'animateurs sociaux devient donc une urgence !

Gr’ce ý l'apport financier de la campagne de solidaritÈ internationale
organisÈe par l'Ècole libertaire Bonaventure d'OlÈron (France), les
premiers locaux ont ÈtÈ construits. Cela a permis de visibiliser et de
cadrer les espaces Èducatifs.

! La garderie (classe maternelle). Un groupe de vingt gamins est encadrÈ
par deux animatrices. Jusqu'ý l'an passÈ, des volontaires se relayaient
chaque heure pour assurer les sÈances Èducatives. Ce turn-over imposÈ par
des nÈcessitÈs Èconomiques Ètait prÈjudiciable au fonctionnement de la
classe. Suite ý un travail de regards croisÈs avec une animatrice et une
membre de Bonaventure, AUPEJ a dÈcidÈ de renforcer la structure scolaire au
dÈtriment de l'accueil quantitatif. Elle a donc demandÈ une participation
financiËre rÈelle des familles de l'ordre de cinq francs franÁais par mois.
Une chute de la moitiÈ des effectifs a suivi cette nouvelle politique. Les
animatrices sont les responsables pÈdagogiques du lieu : elles ont divisÈ
les enfants en deux groupes, elles Èlaborent le projet pÈdagogique et le
rËglement intÈrieur. La permanence des animatrices a permis de mener ý
terme les activitÈs : chant, dessin, collage, coloriage, contes, chansons,
exercices d'Ècriture...

L'Èducation physique, jeux, football, course, cacheBcache est assurÈe par
un jeune animateur collÈgien.

Les choix budgÈtaires sont du ressort du bureau des parents d'ÈlËves.
Malheureusement, les animatrices ne sont pas rÈtribuÈes pour ce travail. Il
est bon de rappeler qu'il n'y a pas d'Ècole maternelle au SÈnÈgal. La
plupart des Ècoles privÈes prÈpare les enfants ý l'entrÈe au primaire. Le
mÈrite de cette garderie est de valoriser les activitÈs artistiques,
sociales et la langue maternelle des enfants avec trËs peu de moyens
(quelques chaises, quelques bancs, un simple carton de matÈriel Èducatif).
Il est envisagÈ, suite ý des dÈbats collectifs occasionnÈs par la prÈsence
de la dÈlÈgation bonaventurienne de transformer le paiement de la scolaritÈ
pour les familles qui n'en n'ont pas la possibilitÈ en Èchange de
savoir-faire, en don de compÈtences.

! Le soutien scolaire. Pour l'Èquivalent de 7,50 ff par mois, chaque soir,
une des animatrices anime des sÈances de soutien pÈdagogique pour les
enfants scolarisÈs dans les Ècoles du quartier (n'oublions pas qu'au
SÈnÈgal existe depuis quelques annÈes le systËme du double flux : il n'y a
pas assez d'Ècoles ou d'enseignants pour l'ensemble de la population
scolaire, les enfants vont donc ý tour de rÙle ý l'Ècole). Plus de trente
enfants suivent rÈguliËrement ces sÈances.

! La bibliothËque Bonaventure. Suite ý la dÈfection de l'ancien
bibliothÈcaire deux nouveaux venus en sont responsables. Ils ont d'Ènormes
difficultÈs ý l'animer, ý contacter les enfants du quartier. Le principe
d'une biblio-charette a ÈtÈ retenu au cours d'une rÈunion de coordination.
Le secteur informatique est en sommeil. MalgrÈ l'apport du matÈriel, AUPEJ
a du mal ý structurer cette activitÈ par manque de local et de
budgÈtisation. Pour autant elle a ý c¶ur d'organiser des formations
informatiques.

! La formation professionnelle. Les machines ý coudre dorment dans un coin.
Les animatrices recherchent de quoi payer les matiËres premiËres (fil et
tissus) en tricotant des vÍtements dont le bÈnÈfice de la vente sera
utilisÈ pour leur atelier. Les apprenties attendent. Il n'y a pas de local
ÈlectrifiÈ pour les accueillir. Ce secteur avait donnÈ naissance, il y a
quelques annÈes ý une coopÈrative de production !

DÈsenclaver les initiatives

Les Èchanges internationaux nÈs du hasard entre OlÈron et Tivaouane ont
vÈritablement ouvert AUPEJ au monde extÈrieur. D'une part, en accueillant
rÈguliËrement des invitÈs europÈens et d'autre part, en utilisant les
Èvaluations croisÈes entre ces deux structures si semblables et si
diffÈrentes. Bonaventure a imaginÈ de nouveaux liens sociaux et politiques
pour y crÈer de nouveaux liens sociaux et donner un sens collectif ý une
initiative particuliËre. AUPEJ s'est appuyÈe sur les rÈseaux existants pour
les dÈmocratiser et les valoriser. Bonaventure a contextualisÈ des
principes thÈoriques en les rÈinventant au fil de leur manipulation. AUPEJ
a inventÈ de nouveaux espaces sociaux sans pour autant y expÈrimenter de
nouvelles pÈdagogies. Deux systËmes Èquivalents et complÈmentaires : l'une
est le faire-valoir de l'autre. L'une est frileuse sur un plan
d'initiatives sociales, l'autre l'est sur un plan pÈdagogique. Ces regards
en miroir ont permis ý AUPEJ de mieux analyser ses possibilitÈs de
crÈativitÈ sociale. Des contacts rÈguliers sont maintenant crÈÈs avec
d'autres initiatives alternatives sÈnÈgalaises. Il fallut ces aller et
retour entre ex-colonisÈe et ex-colonisatrice pour crÈer un lien social
durable entre partenaires sÈnÈgalais : incroyable ! Cela symbolise tout ý
fait la reprÈsentation pyramidale des pouvoirs. Bonaventure aurait pu se
contenter de ce tiers-mondisme valorisant pour elle. Mais en s'appuyant ý
son tour sur les initiatives Èmancipatrices d'AUPEJ, elle donne un sens
social rÈel ý son projet politique.

Il nous reste donc ý approfondir ce nouveau partenariat international
alternatif entre secteur politique et social : chiche ?

David & Thyde

Oui, je soutiens AUPEJ !
et j'envoie .............. francs
que vous leur remettrez en mon nom
Mention AUPEJ sur les versements bancaires au compte 001-0536851-32
ChËques ý l'ordre d'Alternative Libertaire
BP 103 - 1050 Ixelles 1
Bruxelles - Belgique

Alternative Libertaire, numÈro 229, juin 2000
http://users.skynet.be/AL/archive/2000/229-jui/som-229.htm





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