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wash <wash@ecn.org>
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Date
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Tue, 25 Jul 2000 15:15:06 +0200
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Subject
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globe_l: [Fwd: Serbie: Une censure classique qui ne dit pas son nom (MediaPlan),29-05-2000]
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-------- Original Message --------
Objet: Serbie: Une censure classique qui ne dit pas son nom
(MediaPlan),29-05-2000
Date: Tue, 30 May 2000 19:04:21 +0200
De: Le Courrier des Balkans <cdb@bok.net>
A: balkans@cru.fr
MediaPlan
29 mai 2000
(traduit par Emmanuelle RiviËre)
UNE CENSURE CLASSIQUE QUI NE DIT PAS SON NOM
LA Serbie est entrÈe dans une nuit mÈdiatique de plus en plus noire.
DÈjý, Studio B et Radio B92 ne peuvent plus diffuser depuis leur studio.
La radio estudiantine Index ne rÈussit, elle, ý diffuser des
informations quíune fois par heure. Et cíest avec difficultÈ que les
journaux indÈpendants Blic et Glas Javnosti sortent une Èdition deux
fois moins Èpaisse que leur ancienne publication. La vie des journaux
indÈpendants de Serbie est encore plus difficile depuis que la coalition
au pouvoir a interdit aux grands imprimeurs du pays de collaborer avec
ces ìterroristes antipatriotiques ý la solde de líOtanî.
Par Djordje Zorkic, journaliste de líagence Beta ý Belgrade.
La Serbie síapproche peu ý peu díune vÈritable censure. Mais celle-ci ne
dira pas son nom. La coalition rouge-brun de Marjanovic, Bojic et Seselj
opËre depuis longtemps selon les principes des juntes latino-amÈricaines
des annÈes 70. Les journalistes indÈpendants sont traitÈs presque
ouvertement de terroristes par les mÈdias Èlectroniques díEtat. Ainsi,
on a fermÈ Studio B en expliquant brillamment que la chaÓne ìpoussait ý
un renversement violent des autoritÈs lÈgalement au pouvoirî.
Le rÈgime de Slobodan Milosevic entre dans le ìneuviËme roundî de sa
lutte contre tous les mÈdias libres et indÈpendants; il tire son ÈpÈe
dans tous les sens, cherchant ý ìlibÈrer le pays de ses traÓtresî qui
ìrendent impossibles les gigantesques efforts menÈs par les autoritÈs
pour rÈhabiliter et relancer líÈconomie du paysî. A Belgrade, on est
encore plus assoiffÈ díinformation que dans díautres rÈgions du pays.
Les voyous de la police, dÈguisÈs en civils, ne sont pas encore passÈs
partout, pour mener leurs opÈrations nocturnes destinÈes ý ìdisciplinerî
les journalistes en les arrÍtant, en les frappant de matraques ou en les
menaÁant.
De surcroÓt, les membres - de plus en plus nombreux - du mouvement
national Otpor (ìRÈsistanceî) sont victimes des rÈpressions les plus
violentes. Ils rÈpondent aux coups reÁus par des actions de plus en plus
violentes, mais souvent sages et Èloquentes, et par leur rÈsistance
stoÔque.
Papiers et punaises
Les Ètudiants de líuniversitÈ de Belgrade ont rÈagi immÈdiatement aprËs
la prise en main des mÈdias libres par le gouvernement; ils ont organisÈ
des manifestations pour dÈmontrer la rÈsistance díÈtudiants ordinaires;
et ils se sont rapidement mis ý afficher sur les murs de la facultÈ de
philosophie des feuilles punaisÈes reproduisant les derniËres
informations concernant les ìmissions de minuitî des forces
parapoliciËres et le nombre de Ètudiants arrÍtÈs.
La vague díinterdictions des mÈdias a entraÓnÈ de violentes
protestations chez les Ètudiants de la facultÈ ìde sciences naturelles
et de mathÈmatiquesî (sic), ý laquelle les cours de sociologie sont
toujours assurÈs par ìla femme ý la fleur dans les cheveuxî, Dr Mira
Markovic [Èpouse de Slobodan Milosevic, NDLT]. Cela ne fait díailleurs
aucun doute: il faut rendre hommage ý cette femme pour avoir instiguÈ
les nombreuses rÈformes - publiques ou secrËtes - conduites par le
rÈgime de son mari. En premiËre ligne des commandos de persÈcution des
mÈdias se trouvent les ìcombattantsî de la Gauche yougoslave unie (JUL),
flanquÈs des amis du ìducî Seselj, líun des partisans de la dÈcision du
gouvernement de reprendre en main Studio B et díempÍcher Radio B92 de
travailler plus avant.
Aujourdíhui, le rÈgime de Belgrade est surpris de cette rÈsistance des
Ètudiants de Belgrade. Dernier recours, il a dÈcidÈ jeudi dernier [le 25
mai, NDLT] de couper court ý líannÈe universitaire, cherchant ainsi ý
faire oublier les Ètudiants. En rÈalitÈ, il est clair que le
gouvernement souhaite fermer líuniversitÈ car elle pourrait reprÈsenter
líun des centre nerveux díune dÈsobÈissance civile qui síÈtendrait ý
toutes les villes de Serbie. Plus de 3 000 Ètudiants ont manifestÈ ý Nis
contre la fermeture des mÈdias, scandant le slogan: ìcíest la derniËre
chanceî et menaÁant de nouvelles manifestations. La police níest pas
intervenue. Elle rÈserve sans doute ses forces pour prÍter main forte ý
ses collËgues de la capitale, au cas o˜ la rÈbellion y prendrait un tour
incontrÙlable.
Cíest bien sšr la fatale loi sur líInformation du mois díoctobre 1998
qui a entraÓnÈ toutes ces punitions portÈes contre les mÈdias
indÈpendants et libres. Ceux-ci ont presque tous reÁu des amendes,
aboutissant ý un total de prËs de 5 millions de deutschemarks, selon le
taux officiel. Pourtant cette loi nía pas atteint son but: elle nía pas
ÈtouffÈ toutes les voix des militants aux tendances politiques
divergentes du rÈgime. Et par consÈquent, les mÈdias indÈpendants se
retrouvent en premiËre ligne de front: ils reprÈsentent le dernier
ÈlÈment ý Èliminer, physiquement síil le faut. Leurs journalistes sont
des ìterroristesî: leur travail síen trouve donc discrÈditÈ. Et une fois
les mÈdias indÈpendants ÈliminÈs, on pourra fixer une date pour ces
Èlections que líopposition rÈclame depuis longtemps lors de ses
manifestations quotidiennes. Le rÈgime síattend ý ce que la machine
propagandiste de la RTS [La radio-tÈlÈvision serbe, díEtat, NDLT] lui
fasse remporter brillamment les Èlections. Pour ce faire, il síaide
aussi de plusieurs autres chaÓnes de tÈlÈvision et du Studio B nouvelle
formule, devenu un mÈdia díEtat dont le nouveau personnel, ancien de la
RTS, connaÓt bien les mÈcanismes de propagande.
PlutÙt des pages blanches que des dictÈes
La coalition díEtat la plus active dans le travail de ìnettoyageî des
mÈdias libres - la JUL de Mira Markovic - a rÈcemment annoncÈ quíelle
avait dÈposÈ une proposition de loi sur le terrorisme ý líAssemblÈe. Il
faut síattendre ý ce que la loi soit adoptÈe ìunanimementî, conformÈment
ý une procÈdure ìexpressÈment sommaireî. Selon les journalistes de
Belgrade, cette loi va Ítre utilisÈe par Milosevic de maniËre ý
instaurer une censure des plus strictes, mais qui ne dira pas son nom.
Le rÈdacteur en chef du magazine de Belgrade Vreme, Dragoljub Zarkovic,
explique quíil est tout ý fait possible quíon emploie chez les
imprimeurs des censeurs chargÈs, ciseaux en main, de retirer des
passages de certains textes. ìSíils nous demandent de publier des pages
blanches, nous sortirons nos journaux ainsi, mais síils exigent que nous
modifiions le ton de nos articles, nous fermerons boutiqueî, a menacÈ
Zarkovic.
Ses prÈvisions seront, semble-t-il, confirmÈes: le directeur des
imprimeries Borba a rÈcemment exhortÈ vivement les journalistes du
magazine Blic de ìmodifier [leur] politique Èditoriale, de maniËre que
la presse [pšt] vivreî. Mais en changeant quoi exactement? Borba fut
incapable de rÈpondre. Líimprimerie Borba Ètait la seule qui payait
encore ses ouvriers, gr’ce aux tirages des journaux indÈpendants.
Au mÍme moment, les autoritÈs fermaient líimprimerie ABC Produkt, en
faillite parce que ses directeurs avaient refusÈ díarrÍter la
publication du bulletin díopposition Promene (changements). La fermeture
de cette imprimerie a mis en danger la vie des publications Vreme, NIN
et Glas Javnosti. Les journalistes de ces revues ont aujourdíhui du mal
ý faire connaÓtre leurs articles. De faibles tirages sont imprimÈs ý des
prix mirobolants, dans des petites imprimeries privÈes.
Les groupes locaux de partis díopposition font imprimer chez des petits
imprimeurs privÈs des prospectus donnant les informations les plus
rÈcentes possible. Les Belgradois connaissent dÈsormais líheure exacte ý
laquelle les stations de radio ÈtrangËres diffusent des informations sur
ìce qui síest rÈellement passÈî dans certains quartiers reculÈs de la
ville, parfois tout prËs de chez eux. Ces stations sont ÈcoutÈes comme
líÈtait Radio Londres durant la Seconde Guerre mondiale. On síattend ý
ce que le rÈgime annonce des amendes pour possession de transistorsÖ
ìAu moins, il nous reste líinternetî, estiment les Ètudiants de la
facultÈ de philosophie. Ils consultent rÈguliËrement les programmes de
la radio B292, les informations de líagence de presse Beta, et les
mÈdias indÈpendants tels que Danas, qui ont conservÈ une ìposition
rÈservÈeî sur leurs sites. Mais níoublions pas que le taux de
propriÈtaires díordinateurs ý Belgrade et en Serbie est plutÙt faibleÖ
Loi antiterroriste
Jeudi 25 mai 2000, la police serbe dÈtenait un vingtaine de journalistes
et de photo-reporters des mÈdias libres pour ìinterrogatoires
informatifsî. Tout avait commencÈ ý Pozarevac, lorsque des gardes du
corps du fils de Slobodan Milosevic, Marko, patron de la boÓte de nuit
Madonna, frappËrent trois membres du mouvement RÈsistance. La police les
arrÍta, et conclut que les victimes Ètaient coupables de líattaque. Le
ministre de líIntÈrieur ordonna immÈdiatement un blocus sans prÈcÈdent
de toutes les routes de Serbie menant vers la rÈgion et interdit aux
partis díopposition díappeler ý une manifestation de protestation contre
les arrestations de ces ìrebellesî et autres journalistes. Le
correspondant de Beta ý Pozarevac, Mile Veljkovic, ainsi que le
correspondant du journal belgradois Danas et de líAgence France Presse ý
Kraljevo, Miroslav Filipovic, furent tous deux arrÍtÈs ìdans le mÍme
lotî. Ce dernier est soupÁonnÈ díespionnage et díavoir divulguÈ de
fausses informations - il est aujourdíhui encore en prison ý Nis. Les
autoritÈs militaires mËnent líenquÍte.
ìLa dÈcontamination de líespace mÈdiatiqueî rÈclamÈe par la JUL líannÈe
derniËre est bel et bien en route. Milosevic a immÈdiatement donnÈ son
aval ý ces actions. Depuis cet appel de la JUL, le ministËre des
TÈlÈcommunications a imposÈ la fermeture ý de nombreuses stations de
radio et de tÈlÈvision ìen rËgleî dans toute la Serbie. A la mi-fÈvrier
dernier, le chef des radicaux, Ègalement vice-Premier ministre de
Serbie, Seselj, avait ìpromisî aux journalistes de les liquider, les
accusant de faÁon biaisÈe du meurtre du ministre fÈdÈral de la DÈfense,
Pavle Bulatovic. Depuis lors, tous les mÈdias indÈpendants boycottent
les confÈrences de presse donnÈes par le Parti radical ou ses leaders.
Milosevic a exaucÈ les dÈsirs de ìdÈcontamination de líespace
mÈdiatiqueî de son Èpouse Mira Markovic et de son parti. Il rÈpond
Ègalement aux initiatives agressives de Seselj de rÈduire les mÈdias
indÈpendants et libres au silence. Dans son discours du Nouvel An, il
concluait que la loi sur líInformation níavait ìpas ÈtÈ appliquÈe assez
strictementî.
Bref, non seulement la loi sur líInformation est insuffisante, mais le
rÈgime cherche aussi ý promulguer une nouvelle loi sur le Terrorisme,
qui pourrait Ítre votÈe dËs la fin du mois de mai. Et alors que les
mÈdias indÈpendants prÈparent une opÈration ìillÈgaleî, líopinion
publique serbe montre de plus en plus fermement son mÈcontentement
contre la rÈpression incessante du gouvernement. Pourtant, díaprËs le
nombre de personnes rÈunies aux manifestations organisÈes par
líopposition, on voit aussi que la population níest pas satisfaite des
rÈactions ìtiËdesî des partis díopposition devant le rÈgime. Cíest une
preuve que líabolition gÈnÈrale de la presse et des stations de radio et
de tÈlÈvision libres pourra se retourner contre le rÈgime de maniËre
encore plus vigoureuse que ne le croient les partis díopposition.
MediaPlan: http://www.mp-institut.com/
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