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wash <wash@ecn.org>
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Date
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Wed, 02 Aug 2000 02:58:31 +0200
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Subject
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globe_l: [Fwd: Serbie: Affaire Filipovic: Le silence est brisÈ (IWPR), 27-07-2000]
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-------- Original Message --------
Objet: Serbie: Affaire Filipovic: Le silence est brisÈ (IWPR),
27-07-2000
Date: Tue, 01 Aug 2000 17:42:17 +0200
De: Le Courrier des Balkans <cdb@bok.net>
A: balkans@cru.fr
The Institute for War & Peace Reporting
27 juillet 2000
(traduit par Emmanuelle RiviËre)
LE SILENCE EST BRISŠ
La condamnation de Filipovic a criminalisÈ la vÈritÈ. Pourtant son
procËs aura aussi permis d'ouvrir - de force - un dÈbat sur les crimes
de guerre en Serbie. Et au bout du compte, la libertÈ d'expression ne
perd jamais.
Par Anthony Borden, directeur de l'Institute for War & Peace Reporting
C'est un verdict vengeur et couard. Par cette condamnation ý sept ans de
prison portÈe contre un journaliste serbe, les autoritÈs yougoslaves
criminalisent officiellement la vÈritÈ.
Miroslav Filipovic est aujourd'hui le premier journaliste connu pour
avoir ÈtÈ accusÈ d'espionnage pour des reportages publiÈs sur Internet.
Sa condamnation, draconienne, est un grand coup portÈ ý sa famille, ses
amis, ses collËgues et ses admirateurs. Et dans le contexte actuel de
rÈpression massive et permanente contre tous les secteurs de la sociÈtÈ
civile en Serbie, ce verdict doit se comprendre Ègalement comme un
avertissement explicite aux journalistes locaux qui peuvent dÈsormais
craindre une tel traitement.
Le jugement rendu par le tribunal militaire est rempli de
contradictions. Et il ne reprÈsente rien de plus que le "lynchage du
messager". Selon le juge lui-mÍme, les informations fournies par la
plupart des articles de Filipovic Ètaient "correctes et vraies". Le
procËs n'a mÍme pas cherchÈ ý faire croire que Filipovic avait publiÈ
des documents secrets ou erronÈs, voire obtenu des informations de
maniËre illÈgale ou suspecte.
Le crime principal de Filipovic aura donc ÈtÈ d'avoir envoyÈ (ou mÍme
d'avoir eu l'intention d'envoyer) des informations sur la mobilisation
militaire ý des organisations ÈtrangËres, l'Institute for War & Peace
Reporting et l'Agence France-Presse. On n'a mÍme pas essayÈ de prouver
que ces organisations Ètaient espionnes: elles sont ÈtrangËres, c'est
dÈjý beaucoup.
Mais cette distinction n'est pas recevable: dans le monde de l'internet,
les mÈdias locaux ont des capacitÈs de diffusion de l'information dans
le monde entier et par consÈquent, la position de l'IWPR en tant
qu'organisation ÈtrangËre ne veut absolument rien dire. Le juge n'a pas
vu la contradiction lorsqu'il a condamnÈ Filipovic pour avoir soi-disant
voulu gÈnÈrer du "mÈcontentement" parmi la population locale en
diffusant des reportages via des organisations ÈtrangËres.
C'est prÈcisÈment lý que se trouve le pouvoir des nouveaux Samizdats
Èlectroniques. Et le fait est que la libertÈ d'expression est
vÈritablement indivisible. Les mÈdias indÈpendants locaux - qui
dÈpendent tous de contacts et de soutien internationaux - viennent
d'Ítre prÈvenus de ce qui les attend, et la communautÈ mÈdiatique de
Serbie se trouve devant un nouveau dilemme.
Pour l'instant, aucun des articles clÈ de Filipovic n'est paru dans la
presse locale, et les publications locales ont peu ÈvoquÈ ses reportages
sur internet. Pourtant, ne serait-il pas plus efficace de continuer ý
faire preuve d'une vÈritable solidaritÈ avec Filipovic en publiant ý
nouveau ses textes, plutÙt que de faire de plus en plus attention et de
s'autocensurer? La question est valable pour l'opposition serbe. La
seule faÁon sšre de se battre contre les attaques ý la libertÈ
d'expression, c'est d'augmenter l'envergure de cette libertÈ
d'expression.
Cette question stratÈgique est d'ailleurs fortement liÈe au cúur mÍme de
cette affaire: la question de la guerre et des crimes de guerre.
Filipovic a aussi ÈtÈ condamnÈ pour "diffusion de fausses informations",
et bizarrement son cas a permis de vÈrifier en partie la vÈracitÈ de
certains de ses reportages sur le Kosovo, ainsi que sur la mobilisation
pour le MontÈnÈgro. Au lieu d'attaquer un journaliste, les autoritÈs
feraient beaucoup mieux de garder leur dignitÈ et des lois correctes en
Serbie en enquÍtant plus avant, ouvertement, sur les rÈvÈlations de
Filipovic concernant les atrocitÈs commises contre des jeunes citoyens
yougoslaves au Kosovo pendant la campagne de bombardements de l'Otan.
Certains sujets sont tabous en Serbie. Ils ont crÈÈ une vÈritable nappe
de silence que Filipovic a brisÈe de maniËre trËs professionnelle. On
peut presque tout dire sur Milosevic, mais il faut Èviter les vrais
sujets qui sont les fondations du rÈgime. Tel Zelko Kopanja, qui a perdu
ses jambes dans un attentat ý la voiture piÈgÈe ý Banja Luka en octobre
dernier aprËs avoir enquÍtÈ sur des atrocitÈs commises par des Serbes de
Bosnie, Filipovic prouve une nouvelle fois quel est le prix - exorbitant
- ý payer par ceux qui enquÍtent sur les crimes de guerre.
La Serbie tourne donc le dos, une fois de plus, au monde - isolant par
lý tous ses citoyens. Quelques jours avant le procËs, les autoritÈs
avaient refusÈ de rencontrer la prÈsidence de l'Union europÈenne ý
Belgrade, qui voulait lui proposer une Èventuelle marche ý suivre pour
l'affaire du journaliste. Depuis des semaines, le ministre des Affaires
ÈtrangËres refusait de rencontrer l'ancien prÈsident finlandais, Martti
Ahtisaari - l'homme qui avait nÈgociÈ la fin de la campagne de
bombardements l'an passÈ - qui voulait servir d'intermÈdiaire dans cette
affaire. Quant ý Freimut Duve, reprÈsentant pour les mÈdias de
l'Organisation pour la sÈcuritÈ et la coopÈration en Europe (OSCE), il
s'est vu accuser d'"agression mÈdiatique" sponsorisÈe par la CIA
lorsqu'il a ÈvoquÈ l'affaire.
Toutefois, cette stratÈgie d'enfermement finira bien par Èchouer. La
libertÈ d'expression ne perd jamais. Un journaliste professionnel serbe,
pas particuliËrement connu, et mÍme plutÙt loyal, est soudain devenu un
symbole international de courage et d'honnÍtetÈ - et un nouveau point
d'ancrage pour les diplomates et les militants des droits humains. Pour
chaque jour passÈ en prison, Filipovic reprÈsentera cette peur qui a
envahi les autoritÈs - une peur de son propre peuple; pas des Croates,
pas des Musulmans, pas des Albanais mais bien des Serbes.
Et jeter Filipovic en prison, c'est rappeler constamment que le silence
a ÈtÈ brisÈ. Une fois brisÈ, ce silence ne peut plus Ítre rÈtabli.
_____________________________________© Tous droits rÈservÈs 2000 Le
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