Meurtre en direct de la Palestine "Papa...c'est encore loin la
Pales..."
Kafr Kacem. Deir Yassin. La mort n'avait pas
de visage. Seuls les mots ont colpotÈ les cris et les souffrances des
suppliciÈs. Palestiniens et palestiniennes exÈcutÈs ý bout portant. Des
civils, sans armes... AssassinÈs froidement pour semer la terreur, pour
que leur supplice dÈracine un peuple. C'Ètait dans les annÈes
quarante. La mort n'avait pas de visage. Sabra, Chatila. Le massacre
fut perpÈtrÈ de nuit. Sans tÈmoins. Des centaines de femmes, d'enfants, de
vieux, des jeunes surpris dans leur sommeil froidement abatus. Le massacre
dura toute la nuit, ý l'arme blanche, ý coups de baillonnettes et d'armes
munies de silencieux. Sur la colline, il regardait avec ses jumelles. Lui,
le grand ordonnateur du massacre. Lui, le gÈnÈral ÈtoilÈ. Lui, le boucher
en chef. Il avait pour nom Sharon. La mort avait un visage. Visages
figÈs par la terreur, par l'incrÈdulitÈ, et surtout par l'impuissance. Puis,
ce fut le silence des agneaux. Dans le monde, quelques cris
d'indignation. En IsraÎl, une commission pour reconnaÓtre la responsabilitÈ
du boucher. Et le boucher peut vaquer ý ses occupations. Nul ne parla de
crime contre l'humanitÈ. Nul ne proclama qu'un tel boucher devait Ítre
traduit en justice. Puis, la mort en direct. L'exÈcution en
direct. L'enfant se blottit contre le pËre. Le pËre lËve la main. Une main
nue. La bouche s'ouvre, le pËre hurle. L'enfant s'agrippe au dernier rempart,
derniËres secondes de vie. La rafale retentit. Les balles fondent
l'air. Dans la tÍte de l'enfant, l'Èpouvante et un mince filet
d'espoir. Dans la tÍte du pËre, l'amour de son enfant. Dans ma tÍte, la
photo de la petite fille du Vietnam, courant nue... Photo qui a inflÈchi le
cours du conflit vietnamien. Celle de l'enfant palestinien aura t-elle le
mÍme impact? Photos, sceau de l'infamie, qui rÈveille les consciences. Le
silence s'installe pendant une fraction de seconde. Le silence de la mort.
L'ÈternitÈ. L'exÈcution en direct. Les suppliciÈs ont dÈsormais un
visage. Ceux de Dir Yassin, de Kafr Kacem, de Sabra, de Chatilla n'avaient ni
noms, ni prÈnoms. Ceux de Gaza ont dÈsormais un nom et un prÈnom, un
’ge. La mort identifiÈe. Il s'appelait Mohamed Addoura. Il avait 12
ans. Son pËre : Mohamed. Le lieu de l'exÈcution : nord de gaza, prËe de la
colonie juive de Netzarim. Des centaines de milliers ont suivi cette mort en
direct, cet assassinat. Nombre d'entre ces millions de spectateurs,
calfeutrÈs dans leurs fauteuils, devant leurs boites ý images, regardent
leurs mains, elles suintent de sang de honte. Du sang de ces
innocents. Aussi coupables que celui qui a appuyÈ sur la g’chette. Laver
l'opprobre, c'est briser le silence. C'est hurler non. Plus jamais
cela. En IsraÎl. L'indÈcence des gouvernants. Des regrets du bout des
lËvres et on accuse les suppliciÈs. Ils ont acceptÈ de servir de boucliers
humains. Un pËre et un fils clouÈs au mur, crucifiÈs par des
balles. Verra-t-on un jour le visage des assassins...? Une caricature de
Plantu. Un pËre portant dans ses bras son enfant dÈgoulinant de
sang. L'enfant interroge : "Papa...c'est encore loin la Pales...". En
arriËre plan, des soldats israÈliens et des hÈlico tirant des missiles. La
messe est dite. Khalid JamaÔ L'opinion, 4 octobre
2000.