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Date Wed, 29 Sep 1999 13:17:05 +0200
Subject globe_l: No Pasaran - Vigipirate au pays des ex-soviets 

RUSSIE : VIGIPIRATE AU PAYS DES EX-SOVIETS


Dans la premiËre quinzaine de septembre, une sÈrie d¹attentats a 
ensanglantÈ plusieurs villes de Russie dont Moscou. La dÈliquescence et la 
corruption du pouvoir sont telles que toutes les hypothËses sont envisagÈes 
sur les raisons et les auteurs de ces derniers. Mais quelle que soit la 
nationalitÈ des terroristes, c¹est de vÈritables scËnes de racisme et de 
dÈlation  auxquelles on assiste dans ce que l¹Occident continue d¹appeler 
une dÈmocratie...

Le 31 aošt, une bombe explose dans un centre commercial, place du ManËge, 
c¹est ý dire en face du Kremlin. Elle fait un mort et une quarantaine de 
blessÈs. Ensuite c¹est l¹escalade, une bombe de 300 kg explose ý Bouinakx 
au Dagestan, faisant 62 morts. Elle visait un immeuble d¹habitations de 4 
Ètages. Le 8 septembre ý minuit c¹est un immeuble de 8 Ètages d¹un quartier 
populaire du sud-est de Moscou qui explose, la bombe de 350 kg tue 92 
personnes, quatre jours plus tard dans le mÍme genre de quartier, une bombe 
de 250 kg fait 117 victimes. Le 16 septembre, c¹est dans le sud de la 
Russie, ý Volgadonsk qu¹une bombe explose tuant 17 personnes. Volgadonsk 
est ý 200 km de Rostov-sur-Don, qui est la porte d¹entrÈe dans le Caucase.
Ces attentats ont ÈtÈ attribuÈs par la presse et les autoritÈs russes aux 
intÈgristes islamistes tchÈtchËnes qui mËnent une offensive militaire dans 
le Dagestan. Ils seraient une riposte aux bombardements meurtriers de 
l¹armÈe russe contre des villages dagestanais. Cette hypothËse qui semble 
plausible  ne satisfait pas tout le monde, certains remarquant que cette 
sÈrie d¹attentats arrive au bon moment pour le pouvoir central. En effet 
les Èlections lÈgislatives ont lieu en dÈcembre, les prÈsidentielles en 
juin 2000 et la "famille Eltsine" est en passe de les perdre ; Le candidat 
officiel d¹Eltsine,  le premier ministre Vladimir Poutine est crÈditÈ de 2% 
des voix. Depuis l¹ÈtÈ, Moscou bruisse de rumeurs qui annonceraient un Ètat 
d¹urgence, permettant ý Eltsine et aux oligarques qui le soutiennent de 
conserver le pouvoir. En plus 1¹actualitÈ tragique de ces derniËres 
semaines a fait oublier les rÈvÈlations quotidiennes sur les scandales 
financiers de la "famille" Eltsine.
La derniËre rumeur qui a trouvÈ un Ècho favorable dans les mÈdias attribue 
cette vague d¹attentats ý un complot dirigÈ par Boris Berezovsky. Ce 
multimilliardaire russe, qui possËde la premiËre chaÓne de tÈlÈvision ORT, 
le quotidien Èconomique KommerÁant et de nombreuses affaires, entre autres 
dans le pÈtrole (Lukoil), l¹aviation (AÈroflot), l¹automobile (Logogaz) est 
rÈguliËrement accusÈ de tous les maux. C¹est aussi un proche d¹Eltsine. Le 
but de ce complot aurait ÈtÈ de discrÈditer les opposants de la prÈsidence 
(dont le maire de Moscou) afin de permettre ý Poutine de conserver le 
pouvoir, et donc de protÈger ses intÈrÍts. Le journal populaire et 
populiste Moskovsky Komosomolets posait la question "Pourquoi Berezovsky a-
t-il besoin d¹une guerre au Dagestan ?" avant d¹y rÈpondre "Parce que avec 
un changement de pouvoir, lui et ses associÈs dans le crime seraient 
envoyÈs en prison". Ce qui est loin d¹Ítre Èvident. Le journal, pour 
accrÈditer sa thËse, rappelait que Berezovskiy a des contacts proches en 
TchÈtchÈnie, qu¹il a briËvement ÈtÈ secrÈtaire adjoint du Conseil de 
sÈcuritÈ ce qui l¹a mis en contact avec des sÈparatistes tchËtchËnes, et 
qu¹il possËde des intÈrÍts dans le pÈtrole et que la TchÈtchÈnie est sur 
une route clÈ pour le transport du pÈtrole. Rien de trËs concluant en 
vÈritÈ.
Cette sÈrie d¹attentats a bien Èvidemment ÈtÈ instrumentalisÈe par les 
diffÈrentes factions politiques russes. DËs le premier attentat ý Moscou, 
on pouvait voir le maire de Moscou Youri Loujkov, candidat lui aussi ý la 
prÈsidentielle, sur les lieux de l¹attentat, annonÁant des mesures 
Ènergiques devant tous les mÈdias. Eltsine lui rÈpond dËs le lendemain en 
lui ordonnant de faire fouiller tous les immeubles collectifs de Moscou 
(environ 30 000) par la police. Une partie de la police dÈpendant de la 
Mairie, ce fut fait en quelques jours. On a assistÈ ý une mobilisation 
inimaginable des services de sÈcuritÈ et d¹une partie de la population.
En quelques heures, la milice, les diffÈrents services de police, puis 
l¹armÈe se sont mis ý fouiller les immeubles, ý patrouiller dans les rues, 
dans le mÈtro, ý contrÙler la population dans la ville et aux entrÈes de la 
ville. Dans les immeubles des consignes de sÈcuritÈ ont ÈtÈ distribuÈes, 
les locataires se sont rÈunis et ont mÍme mis dans certains cas des tours 
de garde pour surveiller les allÈes et venues. La police avait demandÈ 
d¹avoir des correspondants dans chacun des immeubles et il semble qu¹elle 
les ait obtenus. Cette mobili- sation a bien Èvidemment entraÓnÈ des 
dÈrapages qui rappellent des temps pas si anciens que cela. Tous les 
Ètrangers devenant des suspects en puissance dans la tÍte de zÈlÈs 
auxiliaires de police. La police a enregistrÈ des milliers d¹appels 
indiquant des activitÈs suspectes dans les immeubles collectifs. Les 
miliciens sont mobilisÈs 18 ý 20 heures par jour et s¹enorgueillissent 
d¹avoir dÈcouvert 6 caches d¹armes et d¹explosifs.
Les victimes de cette suspicion sont en premier lieu les Caucasiens en 
particulier mais aussi tous les non-slaves. 100 000 TchÈtchËnes vivent ý 
Moscou et selon les responsables de la communautÈ plus de 500 ont ÈtÈ 
arrÈtÈs sous des motifs divers : dÈtentions de drogues ou d¹armes. Il faut 
rappeler que la police a l¹habitude d¹apporter avec elle et de dÈposer "les 
preuves" de ce genre d¹accusation : absence d¹enregistrement dans la ville 
(chaque habitant de Moscou doit possÈder une autorisation de sÈjour dans la 
ville, la propiska ou doit se faire enregistrer sur une liste dÈtenue par 
l¹administration).
La chaÓne de tÈlÈvision russe NTV a indiquÈ qu¹en une semaine 20 000 
personnes avait ÈtÈ arrÍtÈes lors des contrÙles d¹identitÈ. Par exemple, la 
police a fait une descente dans un marchÈ du nord de Moscou et a arrÍtÈ 540 
personnes qui ne s¹Ètaient pas faites enregistrer. D¹autres tÈmoignages 
rapportÈs par le quotidien anglophone Moscou Times indiquent que dans deux 
marchÈs de la capitale la police a violemment frappÈ les Caucasiens, qui 
sont souvent marchands de fruits et lÈgumes. La paranoÔa prend des tours 
parfois tragi-comiques, des habitants d¹un immeuble se sont mis dans la 
tÍte qu¹on pouvait cacher des bombes dans les pastËques et se sont mis ý 
les surveiller. Or, on est ý Moscou en plein dans la saison de la pastËque 
qu¹on trouve vendue par les Caucasiens, empilÈes par centaines dans les 
avenues de la ville.
L¹extrÍme droite a Èvidemment tenter d¹utiliser cette vague d¹attentats 
distribuant des tracts contre les Caucasiens ou organisant des 
rassemblements. Mais un des responsables principaux de cette hystÈrie 
contre  les Caucasiens (appelÈs en argot les Noirs) est le maire, soi-
disant dÈmocrate de la ville, Youri Loujkov. Il a indiquÈ aux journalistes 
le 13 septembre qu¹il voulait imposer un " rÈgime spÈcial "  dans la 
capitale, c¹es- ý-dire "renforcer les contrÙles" des personnes qui entrent 
dans la ville, "un contrÙle des marchÈs" et "un nouvel enregistrement de 
tous nos invitÈs, en analysant pourquoi ils veulent venir dans la ville et 
pourquoi ils ont besoin de rester si longtemps". Les "invitÈs" de la ville 
sont toutes les personnes ne disposant pas du permis de sÈjour permanent ý 
Moscou, ce qui fait au bas mot des centaines de milliers de personnes. 
Trois millions de personnes se rendent chaque jour ý Moscou. Un autre 
dÈputÈ voulait que toutes les personnes "illÈgalement" prÈsentes ý Moscou 
soient rassemblÈes dans des camps et il proposait d¹utiliser les anciens 
camps de prisonniers. Les traditions ont la vie dure...

Jean Raymond ý Moscou





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Article ý paraÓtre dans "No Pasaran !", numÈro 70, octobre 1999
http://www.ecn.org/nopasaran
e-mail : nopasaran@ecn;org






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