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From "nath" <vallet.nathalie@wanadoo.fr>
Date Wed, 20 Oct 1999 11:27:03 +0200
Subject globe_l: LA GUERRE DES MEDIA KOSOVARS

Rapport sur la crise des Balkans Nƒ 82
8 octobre 1999
(traduit par CÈcile Fisler)

DISCOURS DE HAINE A PRISTINA
LA GUERRE DES MEDIA KOSOVARS POURRAIT BIEN COMMENCER ICI.

Une agence de presse proche de líArmÈe de LibÈration du Kosovo (UCK) a
provoquÈ
une tempÍte en lanÁant une attaque brutale contre un important Èditeur
indÈpendant qui est aussi une personnalitÈ politique. Au Kosovo, la guerre
qui
fait rage au sein des mÈdia vient peut-Ítre de commencer.

Par Anthony Borden ý Pristina (directeur exÈcutif de l'IWPR)

Au Kosovo, le dÈbat politique a pris cette semaine un tour potentiellement
dangereux suite ý la dÈnonciation fÈroce díun Èditeur indÈpendant important
par
une agence de presse proche du gouvernement intÈrimaire officieux du Kosovo
et
de líUCK.

Dans un long article diffusÈ le 2 octobre, Kosovapress a attaquÈ Veton
Surroi,
personnalitÈ albanaise de premier plan et Èditeur indÈpendant, lía qualifiÈ
de
traÓtre ý la cause des Albanais du Kosovo et lía averti quíil risquait ìune
vengeance trËs comprÈhensibleî. Líarticle concluait díun ton menaÁant: ìCes
criminels et esprits asservis níont pas leur place dans le Kosovo libreî.

Líarticle a provoquÈ une tempÍte ý Pristina et donnÈ lieu ý des Èditoriaux
dans
Koha Ditore, ý une critique publique de ìlíabus de la libertÈ dí
expressionÖpar
le biais de menaces et díincitations ý la violenceî de la part des Nations
Unies et ý une prise de distance du gouvernement intÈrimaire vis-ý-vis de
líagence de presse qui, durant la guerre, Ètait le porte-parole direct de
líÈtat major de líUCK.

ìLe langage (de líarticle) est tout ý fait choquantî, a dÈclarÈ William
Houwen,
coordinateur du dÈveloppement des mÈdia de líOrganisation pour la SÈcuritÈ
et
la CoopÈration en Europe (OSCE). ìGoebbels níaurait pas fait mieuxî.

Suite aux nombreux actes de vengeance perpÈtrÈs contre des minoritÈs, aux
coups
donnÈs en public aux personnes qui parlent le serbe et aux diverses formes
díintimidation contre des Ètrangers et des Albanais exprimant des idÈes
diffÈrentes, de nombreux journalistes et autres personnes de Pristina ont
considÈrÈ cette attaque comme un recul supplÈmentaire face ý un dÈbat ouvert
et
responsable au Kosovo.

Cette attaque cinglante est la rÈponse ý un Èditorial remarquable de Surroi
,
díabord publiÈ en aošt dans son journal Koha Ditore,  dans lequel il
accusait
certains ÈlÈments albanais du Kosovo de síenfoncer dans  le ìfascismeî.

Critiquant ý la fois les actes de vengeance gÈnÈralisÈs contre les Serbes au
Kosovo et le refus des dirigeants albanais du Kosovo de les condamner,
Surroi
soutenait que cette ìintimidation systÈmatique de tous les Serbesî ý cause
de
leur caractËre ethnique, Ètait similaire ý la politique raciste du rÈgime de
Belgrade. Il dÈclarait que les prochaines victimes seraient les Albanais
dissidents. Dans une mise en garde plaintive, il demandait: ìEst-ce vraiment
pour cela que nous nous sommes battus?î.

Líarticle a largement ÈtÈ diffusÈ sur le plan rÈgional et international
(voir
ìLe fascisme du Kosovo, la honte des Albanais, dans le rapport sur la crise
des
Balkans Nƒ 69, du 25 aošt 1999 ) ou sur le site de IWPR:

http://www.iwpr.net/balkans/news/bcr210599 1 ser.htm.)

Cet article a soulevÈ une vague de controverses au Kosovo.

Mais comme cíest souvent le cas dans le dÈbat albanais, il est restÈ sous la
surface. Certains observateurs ont suggÈrÈ que les commentaires de Surroi,
aussi francs quíils soient, reflÈtaient une opinion trËs rÈpandue parmi les
Albanais du Kosovo qui veulent síÈloigner du radicalisme politique du temps
de
guerre et commencer ý se reconstruire une vie normale.

Díautres ont rÈagi avec colËre. Un Albanais du Kosovo est arrivÈ au bureau
du
journal et a expliquÈ que toute sa famille avait ÈtÈ tuÈe pendant la guerre
et
demandÈ comment Surroi pouvait critiquer les Albanais.

Les Èditeurs ont reÁu des appels tÈlÈphoniques anonymes les menaÁant. Mais
la
controverse a ÈclatÈ ouvertement suite ý une interview accordÈe, fin
septembre,
par líÈditeur de Koha Ditore, Baton Haxhiu, ý líhebdomadaire allemand ìDer
Spiegelî. IntitulÈ ìLauter Gorillasî (ìGorilles bruyantsî), líarticle cite
Haxhiu  se rÈfËrant ý líUCK en la traitant de ìmafiaî. Maintenant, a-t-il
dÈclarÈ ìnous avons des gorilles bruyants au sommetî.

Le but de cet article Ètait de prÈsenter Koha Ditore comme Ètant la seule
voix
en faveur de la ìlibertÈ socialeî contre ce qui Ètait auparavant lí
oppression
serbe et est dÈsormais ce que Haxhiu appelle ìle manque de morale des
Albanaisî.

Cela souligne quíil ne síagissait pas seulement díune bataille
intellectuelle,
mais en fin de compte díune lutte pour le vrai pouvoir. Líarticle mettait
Ègalement líaccent sur la contradiction qui existe entre líUCK, líÈditeur et
le
rÈdacteur en chef de Koha Ditore. ConsidÈrant líÈventuel avenir politique de
Surroi, il citait le ministre des Affaires EtrangËres allemandJoschka
Fischer
qui aurait dÈclarÈ: ìFaites attention ý cet hommeî. Puis, en rÈponse, il
citait
les paroles de Haxhiu: ìNous avons un journal, mais nous níavons pas de
place
en politique. Cíest pourquoi nous ne pouvons pas gagner. Pas encoreî.

Les commentaires de Haxhiu dans ìDer Spiegelî ont servi de dÈtonateur.
LíÈditorial de Surroi au sujet du ìfascismeî Ètait particuliËrement mesurÈ,
et
ne mentionnait directement aucun parti ou homme politique. Mais les
commentaires de Haxhiu semblaient porter des accusations gÈnÈrales contre un
mouvement pour lequel de nombreux Albanais Èprouvent des sentiments Èmus,
surtout si peu de temps aprËs la guerre.

La rÈaction de Kosovapress a ÈtÈ virulente et dÈmesurÈe. Traitant Surroi et
Haxhiu de ìcrapules corrompuesî, de ìbandits ordinairesî et  de ìrebuts de
líhistoireî, líarticle Ècrit par un de ses collaborateurs, Marxhan Avdyli,
prÈtend avoir la preuve que les deux hommes ont ÈtÈ soutenus par des
paramilitaires serbes pendant la guerre et quíils sont actuellement des
espions
au service de la communautÈ internationale.

Avdyli condamne les actes de vengeance, ìsíils existentî,  mais suggËre que
certains díentre eux ont pu Ítre accomplis par des amis de líÈditeur et du
rÈdacteur en chef de Koha Ditore dans le but de compromettre la nouvelle
classe
politique du Kosovo et líaile nationale des Albanais kosovars. Il fait
allusion
au ìdÈlire idiotî de Haxhiu et ý la ìstupiditÈ seseljienneî de Surroi. Il
dÈclare que leur place est ý La Haye avec le prÈsident yougoslave Slobodan
Milosevic quíils soutiennent.

Líarticle raille constamment les deux hommes au sujet de leur appartenance
ethnique, les traitant ostensiblement de ìgospodinî (terme honorifique serbe
pour ìMonsieurî) en indiquant ìquíils puent le slaveî, mÍme si
ìmalheureusement, ils ont du sang albanais ou du moins cíest ce qui est dit
ý
leur sujet, parce quíen fait vous ne connaissez jamais líorigine des
pro-Serbesî.

La rÈponse de Koha Ditore  a ÈtÈ vive, mais plus courtoise. En republiant le
texte complet de líarticle dans ses propres pages, le journal souligne dans
un
Èditorial qui accompagne líarticle que: ìLe commentaire de líagence de
presse
du gouvernement intÈrimaire du Kosovo entrera dans líhistoire du journalisme
kosovar, non seulement ý cause de ses limitations mentales, mais aussi comme
le
premier commentaire appelant au meurtreî.

Etant donnÈ les liens Ètroits existant entre Kosovopress et líadministration
albanaise intÈrimaire du Kosovo - líagence a ÈtÈ crÈÈe par líUCK -  lí
Èditorial
indique que de telles dÈclarations vont au-delý du discours de haine. Son
vocabulaire et sa faÁon de penser reflËtent celles du gouvernement
intÈrimaire
et ne peuvent Ítre considÈrÈs que comme ìun appel ý líactionî.

Reprenant líÈditorial prÈcÈdent de Surroi, líarticle souligne que ìla
persÈcution systÈmatique díun Ítre humain ý cause de son appartenance
raciale
ou ethnique est du fascisme et que la nation albanaise, elle-mÍme victime du
fascisme, ne devrait pas tolÈrer le commentaire qui tente de persÈcuter ceux
qui pensent diffÈremmentî. Cela nÈcessite une explication de la part de
líadministration intÈrimaire du Kosovo.

La tempÍte grandissante a ÈclatÈ lorsque líÈchange entre Kosovapress et Koha
Ditore a ÈtÈ interceptÈ par le service de surveillance des mÈdia des Nations
Unies dío˜ proviennent les traductions citÈes dans cet article. Les
implications sur un dÈbat ouvert et la dÈmocratie au sein du Kosovo ont fait
naÓtre certaines inquiÈtudes et les Nations Unies ont diffusÈ, le mÍme jour,
une courte dÈclaration ý ce sujet.

ìQuelquíun considËre Veton (Surroi)  comme un rival politique trËs dangereux
et
ses idÈes comme profondÈment affligeantesî, a dÈclarÈ Dukadjin Gorani ,
rÈdacteur en chef de KD Times, líÈdition en anglais de Koha Ditore. ìCíest
une
des moyens utilisÈs pour entamer son Èlimination politique et cela a ÈtÈ
fait
de maniËre trËs primitiveî.

Cela implique, alors que le Kosovo commence ý se prÈparer pour les
Èlections,
que le niveau du dÈbat ne pourra que se dÈgrader.

Face ý ces difficultÈs,  il níexiste pas de remËde juridique au Kosovo.
Líadministration internationale ne prendra probablement pas de mesures
contre
líagence,  il níexiste pas de lois contre la calomnie ou la diffamation et
encore moins de systËme judiciaire, par le biais duquel les individus
pourraient demander rÈparation aux mÈdia irresponsables.

ìLíOSCE met en place des rËglements et peut-Ítre mÍme des sanctions
destinÈes
aux mÈdia Èlectroniques, mais elle ne touchera probablement pas ý la presseî
, a
dÈclarÈ Houwen de líOSCE. ìDans des circonstances normales, cette affaire
serait de la compÈtence du tribunal criminel. Mais rien níest encore en
place,
et donc,  la seule chose que les journalistes peuvent faire, cíest díÈcrire
ý
ce sujet et de dire que cela est inacceptableî.

En effet, alors que Reporters sans FrontiËres demandait une enquÍte
officielle,
les protagonistes semblaient reculer, au moins pour le moment.

Les reprÈsentants du gouvernement intÈrimaire ont dÈclarÈ quíils níÈtaient
en
rien responsables de ce texte offensant et quelques voix officielles ont
critiquÈ la sÈvÈritÈ des termes utilisÈs. Tout en confirmant son sentiment
que
Surroi et Haxhiu Ètaient des ìennemisî de la cause albanaise,  Kosovapress a
dÈclarÈ Ítre une agence ouverte, allant mÍme jusquíý republier des articles
de
Surroi et de Haxhiu. Líagence a Ègalement ajoutÈ que les textes ní
engageaient
que la responsabilitÈ de leurs auteurs,  y compris Avdyli.

Koha Ditore a publiÈ une clarification: il semble que dans líinterview de
ìDer
Spiegelî, Haxhiu níait pas ÈtÈ bien compris lorsquíil faisait  allusion aux
leaders albanais bruyants  le mot Ètait guÈrillas, et non gorilles.

Gorani,  le rÈdacteur en chef de Koha Ditore souligne que les dÈtails sont
importants et que Kosovapress et Koha Ditore vont tirer la leÁon des
articles
et des interviews quíils ont rÈalisÈs. Lors díune rÈunion rÈcente sur les
mÈdia
ý Pristina, marquÈe par des Èchanges vifs entre des reprÈsentants de Koha
Ditore et de Kosovapress, un consensus síest fait parmi des reprÈsentants
des
mÈdia kosovars pour mettre de cÙtÈ leurs rivalitÈs, dÈvelopper un code
díÈthique et des normes professionnelles, accroÓtre la formation et les
autres
efforts afin díaugmenter la qualitÈ et la responsabilitÈ des mÈdia.

Líindignation qui síest manifestÈe marque une nouvelle Ètape pour les mÈdia
díaprËs guerre au Kosovo. Dans un dÈbat ouvert ìtouchant au point national
le
plus sensibleî, selon Kosovapress, cette affaire pourrait commencer ý
exorciser
le traumatisme extraordinaire et les dilemmes que la sociÈtÈ toute entiËre a
vÈcu. Cependant, le procÈdÈ consistant ý dÈcrire quelquíun comme ìlíAutreî,
comme cela a ÈtÈ fait en dÈtail dans líarticle de Kosovapress, est une des
stratÈgies classiques utilisÈes par les  media avant toutes les crises qui
ont
eu lieu dans les Balkans.

Il reste ý voir si cet Èpisodes reprÈsente un nouveau moment de faiblesse ou
síil permettra de prendre un tournant. ìCe níest pas la premiËre fois quíun
dÈbat violent a lieu au Kosovoî, a dÈclarÈ Gorani. ìEt ce ne sera pas la
derniËreî.

Copyright (C) 1999 The Institute for War & Peace Reporting

© Tous droits rÈservÈs Le Courrier des Balkans





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