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From Pedro <pedrito@samizdat.net>
Date Fri, 31 Mar 2000 16:24:05 +0200
Subject globe_l: un guerrier en cage - entretien avec leonard peletier (1)


Paris, le 30 mars 2000,

Bonjour ý toutes et ý tous,

Les derniËres nouvelles qui nous sont parvenues concernant la situation de
santÈ du prisonnier politique amÈrindien Leonard Peltier font Ètat de son
sÈjour prolongÈ en observation ý la clinique Mayo de Rochester (Minnesota)
o˜ il rÈcupËre progressivement des forces aprËs l'intervention chirurgicale
rÈussie pratiquÈe par le Dr. Keller le 21 mars dernier.

Pendant ce temps, son comitÈ de dÈfense et ses avocats se prÈparent pour
la prochaine comparution de Leonard devant la Commission des libÈrations
sur parole prÈvue le 12 juin prochain. Des modËles de lettre de soutien
sont disponibles ý cet effet, vous pouvez nous les demander par email via
<LPSG-France@wanadoo.fr.

Voici ci-dessous la traduction franÁaise de l'article de Ben Corbett,
journaliste amÈricain pour l'hebdomadaire Boulder Weekly (Colorado), qui a
rÈalisÈ rÈcemment cet entretien avec Leonard. Nous pensons qu'il restitue
bien le contexte et les circonstances qui sont ý l'origine de la
condamnation et l'incarcÈration arbitraires de Leonard. Nous avons mis des
annotations [NDT] lý o˜ des ÈlÈments d'informations semblaient faire
dÈfaut.

Nous espÈrons que le volume important de cet email n'encombrera pas votre
messagerie et que vous apprÈcierez la lecture de l'article de Ben Corbett.

Merci.

CÈline Vaquer-Nos
pour le LPSG-France

==========

Un guerrier en cage
Entretien avec Leonard Peltier rÈalisÈ par Ben Corbett
Boulder Weekly - semaine du 9-15 mars 2000

La rÈserve indienne de Pine Ridge [NDT: dans l'Štat du Dakota du Sud] est
bien connue pour Ítre un des endroits les plus pauvres Èconomiquement sur
l'ensemble de l'AmÈrique du Nord. L'alcoolisme y est souvent le seul moyen
de rÈsistance ý la dÈpression. Cette rÈgion a un des taux de mortalitÈ
infantile les plus ÈlevÈs de la zone occidentale, accompagnÈ de la plus
faible espÈrance de vie concernant l'homme et la femme. Le chÙmage approche
le taux des 75%. L'eau courante et le tout ý l'Ègout y sont un luxe. Le
rÈconfort y est une chose inconnue. Une rÈgion mise ý l'ombre et livrÈe ý
toutes sortes de statistiques. La honte de l'AmÈrique, enfouie derriËre les
gros titres, aujourd'hui derriËre Clinton et le Kosovo, hier, derriËre
Nixon et le Vietnam.

Dans les annÈes 1973-75, la situation sur Pine Ridge Ètait la mÍme, sauf
que cette rÈserve avait alors un taux d'homicides par habitant encore plus
ÈlevÈ que n'importe quelle grande mÈgapole amÈricaine. L'aggresseur Ètait
le nouveau prÈsident tribal oglala-lakota, Dick Wilson, un ancien plombier
qui fut investi ý la tÍte de ce gouvernement fantoche ý l'issue d'Èlections
truquÈes. Wilson dÈtourna les fonds destinÈs aux indiens traditionalistes,
plaÁa les membres de sa famille Èlargie aux diffÈrentes fonctions du
gouvernement tribal, leur distribua des salaires Ènormes, escroqua la
communautÈ en cÈdant une portion de territoire riche en uranium au
gouvernement amÈricain en Èchange de dessous de table. L'ampleur de cette
corruption a laissÈ un gouffre. Lorsque les indiens traditionalistes
s'opposËrent au rÈgime de Wilson, une sÈrie de morts mystÈrieuses
s'ensuivit. Des corps de traditionalistes oglala-lakotas Ètaient retrouvÈs
dans des caniveaux ou chez eux, portant des traces de tortures, d'impacts
de balles et de mutilations infligÈes par la milice privÈe de Wilson, les
GOONs, les Gardiens de la Nation Oglala lakota. Les traditionalistes
oglala-lakotas, dÈsespÈrÈs, vivant dans la terreur et voyant leurs enfants
et personnes ’gÈes menacÈs ý tout instant par la mort et les tirs d'armes
des escadrons mobiles, ont demandÈ de l'aide auprËs du rÈcemment constituÈ
American Indian Movement (AIM).

Dans l'orientation du dispositif du COINTELPRO [NDT: Counter-Intelligence
Program, soit programme de contre-espionnage], les exÈcutants du FBI de J.
Edgar Hoover avaient pour mission de briser tous les mouvements considÈrÈs
comme subversifs, en utilisant des tactiques du "diviser pour mieux
contrÙler", en introduisant des drogues dures dans les quartiers populaires
des centre-villes, en les neutralisant par des arrestations et des procËs
truquÈs et en se rendant les complices de traitements infligÈs au moyen de
la cruautÈ et de la torture. Les principales cibles de ces attaques
brutales Ètaient les Blacks Panthers et l'AIM, ÈtiquetÈs comme des groupes
communistes. En 1975, le FBI a financÈ, assistÈ et ÈquippÈ Dick Wilson et
sa milice des GOONs en leur distribuant de l'armement et des munitions
sophistiquÈs, transformant Pine Ridge en un champ de bataille destinÈ ý
anÈantir l'AIM.

La tension fut ý son comble le 26 juin 1975, lorsque deux agents spÈciaux
du FBI pÈnÍtrËrent sur la propriÈtÈ de la famille des Jumping Bull qui
Ètait une place forte de l'AIM. Les deux agents, Coler et Williams,
suivirent un vÈhicule conduit par un suspect, Jimmy Eagle, jusqu'au terrain
o˜ ils stationnËrent dans une zone encerclÈe par des dÈfenseurs de l'AIM
armÈs [NDT: il est important de noter que c'est le gouvernement amÈricain
qui dÈfend la version trËs controversÈe de ce vÈhicule pour faire croire ý
une embuscade prÈparÈe par l'AIM, une thËse qui a volÈ en Èclat lors du
procËs de Peltier du fait de la multitude de contradictions et incohÈrences
prÈsentÈes par les tÈmoins introduits par l'accusation]. Aujourd'hui
encore, les tÈmoins insistent que ce sont les agents qui ont fait feu sur
l'AIM en premier ý l'aide de leurs revolvers et fusils d'assaut de service
dissimulÈs dans leurs voitures. Les agents, dÈpassÈs en nombre et en arme,
ont tout deux ÈtÈ blessÈs dans les Èchanges de coups de feu et peu aprËs
exÈcutÈs ý bout portant par un assaillant non-identifiÈ. Chacun a d'abord
pu fuir la propriÈtÈ, puis la rÈserve et enfin l'Štat [du Dakota du Sud].
Peltier, tout comme Sitting Bull avant lui, s'est enfui au Canada.

Plus tard, Jimmy Eagle, Bob Robideau, Darrell Butler et Leonard Peltier
ont ÈtÈ accusÈs de charges liÈes ý la mort des deux agents. Jimmy Eagle a
ÈtÈ acquittÈ [NDT: les charges ont ÈtÈ abandonnÈes]. Robideau et Butler ont
ÈtÈ acquittÈs lors de leur propre procËs sur la base de la justification de
l'auto-dÈfense. Ils ont fait le serment devant les jurÈs qu'ils ne savaient
pas que les deux hommes Ètaient des agents du FBI et ont expliquÈ le "rËgne
de terreur" instaurÈ par Dick Wilson sur Pine Ridge entrainant des meurtres
et des fusillades par les escadrons mobiles. Les vÈhicules des agents ne
prÈsentaient aucun indice particulier pouvant aider ý leur identification.
Deux Ètrangers ont fait irruption et ont ouvert le feu en direction du
campement de l'AIM, en consÈquence de quoi l'AIM a ripostÈ. Il n'existait
aucune preuve Ètablissant un lien entre les deux accusÈs et l'exÈcution.
Ils ont ÈtÈ acquittÈs. Auto-dÈfense. Peltier Ètait la derniËre chance pour
l'accusation d'obtenir une condamnation. Une certaine Myrtle Poor Bear fit
une entrÈe trËs ý propos dans l'affaire, alors que personne n'avait jamais
vu ou entendu parler de cette femme sur la propriÈtÈ des Jumping Bull, en
prÈtendant Ítre la petite amie de Peltier et dÈclarant sous serment l'avoir
vu tirer sur les deux agents. Gr’ce ý ses dÈpositions -trois au total et
toutes contradictioires- l'extradition du Canada Ètait scellÈe.

Et voilý qu'un fusil de type AR-15 fait soudainement son apparition comme
l'arme du crime, accompagnÈ d'une mystÈrieuse douille retrouvÈe dans le
coffre de la voiture de l'un des deux agents morts. Alors qu'il y avait
plusieurs AR-15 sur la propriÈtÈ des Jumping Bull lors de ce 26 juin,
celui-ci a ÈtÈ dÈsignÈ comme appartenant ý Peltier. Comment ont-ils pu
prouver qu'il appartenait ý Peltier? Il n'y avait aucune empreinte sur cet
AR-15 car cette arme avait partiellement fondu et ÈtÈ carbonisÈe sous
l'effet de l'incendie d'un vÈhicule survenu dans l'Štat du Kansas, ý
quelques 4.500 kms de l'endroit o˜ se cachait Peltier. Ainsi, les avocats
reprÈsentant le gouvernement ont Ètabli un lien entre la douille et l'arme
par un test balistique assez confus. Mais comment Ètablir un lien entre ces
fragments de preuve et Peltier? ¿ en juger, Peltier aurait dš Ítre acquittÈ
pour la simple raison qu'ils ne pouvaient pas mettre cette arme entre ses
mains pendant le dÈroulement de la fusillade. Il n'existait aucune preuve
le liant ý cette arme, en admettant seulement qu'elle fut l'arme qui servit
ý tuer les agents. Cependant, par une manipulation flagrante de la justice,
le gouvernement Ètablit le lien entre l'arme et Peltier. La maniËre avec
laquelle ils y sont parvenus dans une cour de justice est dÈconcertante.
N'importe qui peut consulter les dossiers et voir que c'est chose
impossible. Jusqu'ý maintenant, il n'a pas ÈtÈ prouvÈ que Peltier Ètait
plus coupable que Robideau et Butler de la mort des agents. Il avait
seulement tirÈ dans la direction de deux Ètrangers par auto-dÈfense.
Pourtant, il est encore en prison depuis 24 ans.

Leonard Peltier s'est posÈ cette question jour et nuit pendant plus de 24
ans. Pendant plus de 288 mois. Pendant plus de 8.760 jours. Pendant plus de
21.240 heures. Pendant les plus de 12.614.400 minutes qui ont ÈtÈ arrachÈes
ý sa vie.

"Pourquoi?"

La question est en suspension dans l'atmosphËre dense du pÈnitencier
fÈdÈral de Leavenworth. Elle fait Ècho aux murs de bÈton froids et
monolithiques et aux regards morts des gardes. Elle rÈsonne dans
l'imposante porte en acier de la cellule de Leonard, qui conduit vers une
cage plus vaste o˜ se trouve la population gÈnÈrale de la prison,
conduisant vers deux rangÈes de haie de barbelÈs hautes de prËs de 4
mËtres, conduisant vers la cage du gouvernement o˜ sont emprisonnÈs tous
les AmÈrindiens, conduisant vers les prisons mentales des geoliers, les
morts qui marchent. La sentence pour Leonard? Deux peines de prison ý vie
consÈcutives. La sentence pour les AmÈrindiens? Deux peines de prison ý vie
consÈcutives. La sentence pour ceux qui ont condamnÈ, les Štats-Unis? Deux
peines de prison ý vie consÈcutives. La sentence pour l'humanitÈ qui reste
passive? Deux peines de prison ý vie consÈcutives.

"Pourquoi?"

Le FBI dit que c'est une mesure de sÈcuritÈ nationale. Ils ont rÈussi ý
avoir leur homme et ils s'acharnent ý le garder. Pour eux, il est un
symbole leur rappelant la haine qu'ils ont d'eux-mÍmes. Un bouc-Èmissaire
sur lequel se projette la honte du gouvernement. Pour les AmÈrindiens
traditionalistes, Leonard est devenu un martyr sacrifiÈ pour la libertÈ des
Peuples IndigËnes dans le monde entier. Un natif catalysant l'unitÈ de la
lutte dans la guerre qui se poursuit contre le gÈnocide. Pour Peltier? "Je
suis emprisonnÈ pour deux peines de prison ý vie consÈcutives parce que je
suis Indien".

"Pourquoi?"

Nous espÈrons que les propres paroles de Leonard rÈpondront en partie ý
cette question difficile. Mais plus encore, nous espÈrons qu'elles mettront
au dÈfi le lecteur de s'en poser des plus hardues. Des questions sur ce
qu'est la responsabilitÈ. Sur la valeur de la justice. Sur la lutte pour
les droits, les droits de Leonard, les droits humains, les droits naturels,
nos droits. Sur le sens ý donner au terme "LibertÈ" et sur ce qu'il en
cošte lorsqu'on la perd ý quelque niveau que ce soit.

---

Boulder Weekly (BW): Vous avez eu une semaine assez chargÈe.

Leonard : Oui, Rigoberta Menchu est venue, ce qui fut un grand honneur.
Cela a ÈtÈ une visite trËs fructueuse. Je ne savais pas que les Prix Nobels
de la Paix pouvaient avoir autant de poids. Beaucoup de gens lui prÍtent
une attention toute particuliËre. Elle s'est rendue rÈcemment au
DÈpartement de la Justice en ma faveur. Je connais Rigoberta depuis le
dÈbut des annÈes 80, alors qu'elle travaillait avec le Conseil
International des TraitÈs Indiens (IITC). Cela a ÈtÈ agrÈable de pouvoir
enfin la rencontrer en personne. Je n'avais eu jusque lý que des entretiens
par tÈlÈphone avec elle. C'est une femme gÈnÈreuse. Elle a beaucoup
souffert.

BW: De quoi avez-vous discutÈ?

Leonard : Ils se demandaient quelle stratÈgie ils pourraient utiliser pour
m'aider ý sortir de lý. Poursuivre les efforts en vue d'Ètablir des
coalitions. ¿ Washington, aprËs qu'ils se soient rendus au DÈpartement de
la Justice, ils ont tenu une confÈrence de presse et plus de 300
organisations nationales se sont rangÈes derriËre elle, pour soutenir ses
efforts pour me libÈrer. Cela a ÈtÈ un grand plus pour nous. Un gain majeur
pour essayer de rÈunir plus de tribus derriËre moi, en les amenant ý signer
des lettres en faveur de la gr’ce prÈsidentielle et mÍme davantage.

BW: Que ressentez-vous par rapport ý la maniËre dont les ÈvËnements se
dÈroulent?

Leonard : Bon... Je ne vois toujours pas la lumiËre au fond du tunnel. Ces
politiciens sont de tels guignols que vous ne savez jamais. Vous ne pouvez
vraiment pas obtenir grand chose de la plupart d'entre eux une fois qu'ils
sont parvenus au pouvoir. Ils oublient complËtement tout de leurs
engagements. Les gens qui sont dÈmunis les Èlisent et ils oublient ces
gens. Lorsque Clinton Ètait en campagne Èlectorale il y a 7 ans, des
membres de son Èlectorat lui ont demandÈ: "Que ferez-vous pour Leonard?",
et il a rÈpondu: "Je m'en occuperai." Et 7 ans plus tard, il n'a toujours
rien fait. Nous savons que le Procureur fÈdÈral a fait des recommendations
sur le point de la gr’ce prÈsidentielle durant son premier mandat. Cela a
ÈtÈ transmis au bureau de Janet Reno. Et cela reste en souffrance lý-bas
depuis. Un grand nombre de gens ont rencontrÈ Clinton et il connait
l'affaire. Peter Matthiessen [NDT: auteur du livre "In the Spirit of Crazy
Horse", l'histoire de Leonard Peltier et de la guerre du FBI contre l'AIM]
l'a rencontrÈ, Thom White Wolf, le reprÈsentant de l'Šglise MÈthodiste
Unie, l'a rencontrÈ ý plusieurs reprises. Clinton est allÈe sur la rÈserve
de Pine Ridge l'annÈe derniËre et il a vu plusieurs de mes sympathisants
agiter ý son attention des pancartes exigeant ma libÈration. Mais Harold
Salway (le prÈsident tribal oglala-lakota) m'a dit que lorsque Clinton et
lui se sont trouvÈs que tous les deux, Clinton lui a demandÈ: "Qui est
Leonard Peltier?" Donc, ce n'est pas bon pour moi quand des gens en
arrivent ý dire de telles choses, vous voyez?

 BW: Je sais que vous l'avez rÈpÈtÈ des milliers de fois mais ý quoi
ressemblait la pression qui existait sur Pine Ridge en 1975?

Leonard : Je raconte cela sans discontinuer depuis 24 ans. Je ne peux que
rÈpondre comme je l'ai toujours fait. Il y avait un rËgne de terreur qui
Ètait imposÈ au peuple oglala lakota par son propre gouvernement tribal.
Nous savons maintenant qu'il y a un organisme [NDT: la Commission sur les
Droits Civiques des Štats-Unis] , au sein du gouvernement amÈricain qui a
menÈ des investigations et, qui, avant d'arriver ý ses conclusions, avait
dÈjý enquÍtÈ sur 64 dÈcËs qui ont ÈtÈ imputÈs ý la milice des GOONs de Dick
Wilson. Les gens vivaient dans la peur. Ils vivaient dans une terreur
constante. C'Ètait comme Áa.

BW: Quelle Ètait la principale raison de la prÈsence du FBI? Qui
protÈgeaient-ils?

Leonard : Des intÈrÍts particuliers. Dick Wilson, qui soutenait les
intÈrÍts particuliers de groupes, de compagnies miniËres et d'agences
gouvernementales en cÈdant la terre indienne pour l'ouvrir ý l'exploitation
miniËre. C'est un fait notoire que le FBI a toujours ÈtÈ du cÙtÈ des gros
bonnets du milieu des affaires et du gouvernement. Ils savaient qu'ils
approchaient de la fin de la politique de "Termination" qui Ètait prÈvue
pour 1985, et ils devaient dÈclencher des incidents de maniËre ý en
accÈlÈrer le processus [NDT: cette politique fut mise en place par le
CongrËs dans les annÈes 50 et avait pour objectif de mettre un teme ý la
situation dite de "tutelle assistÈe" des nations indiennes par le
gouvernement amÈricain. Elle s'est traduite par la suppression totale et
dÈfinitive -par des moyens gÈnÈralement frauduleux- du versement des
indemnitÈs pour un certain nombre de tribus, et ce en violation totale des
clauses des traitÈs signÈs entre le gouvernement amÈricain et ces nations
indiennes. Cette politique a ÈtÈ officiellement invalidÈe par le CongrËs
depuis. Officiellement...] Malheureusement pour eux, cela a produit des
ricochets. L'opinion publique a soutenu les Oglala-Lakotas.

BW: Comment est-ce que l'AIM s'est trouvÈ impliquÈ?

Leonard : L'AIM avait reÁu la demande des traditionalistes et du peuple
oglala-lakota [NDT: la Nation Ogla-Lakota IndÈpendante] de Pine Ridge de
venir les soutenir. Les aider dans leurs dÈmarches en vue d'obtenir gain de
cause ý travers le systËme judiciaire. ¿ combattre la discrimination, la
pauvretÈ et les activitÈs criminelles de leur prÈsident tribal. C'est pour
cela que l'AIM Ètait lý. ¿ leurs demandes. Personne au sein de l'AIM y est
allÈ et s'est imposÈ.

BW: Quel Ètait votre rÙle dans l'AIM ý cette Èpoque?

Leonard : J'assistais Dennis Banks [NDT: un des leaders et co-fondateurs
de l'AIM]. Garde du corps, si vous prÈfÈrez ce terme. J'Ètais uniquement un
parmi d'autres organisateurs, vraiment. Bien sšr, nous protÈgions Dennis.
Vous ne pouviez certainement pas l'approcher ni l'atteindre avec moi et
quelques autres types dans son entourage. Nous Ètions la sÈcuritÈ, mais ce
n'Ètait pas rÈellement notre fonction. Notre rÙle Ètait d'aider ý
l'organisation d'ÈvÈnements sur la rÈserve.

BW: Quand est-ce que le FBI a commencÈ ý mener des investigations sur
vous?

Leonard : C'est difficile ý dire. Je n'ai pas rÈcupÈrÈ tous les dossiers
du FBI me concernant aprËs la requÍte dÈposÈe dans le cadre de la Loi sur
la LibertÈ d'Information [NDT: Freedom of Information Act (FOIA) votÈe en
1981. Sur les 18.000 pages du dossier concernant Leonard que le FBI devait
lÈgalement remettre ý ses avocats, 6.000 restent maintenues au secret pour
des raisons de sÈcuritÈ]. Mais ils me connaissent depuis Fort Lawton ý
Seattle (1970). J'ai aidÈ ý l'occupation de la base militaire du Fort
Lawton un an aprËs l'occupation de l'Óle d'Alcatraz [NDT: L'occupation de
Fort Lawton fut une victoire indienne car depuis, il existe un centre
culturel inter-communautaire]. Ceux d'entre nous qui ont ÈtÈ impliquÈs et
qui ont ÈtÈ arrÍtÈs ont eu des dossiers constituÈs par le FBI. Lý-bas,
j'Ètais trËs visible et j'Ètais Ègalement trËs visible en aidant la
communautÈ indienne ý s'organiser contre la guerre au Vietnam. Il y a des
documents qui prouvent que j'Ètais surveillÈ dËs cette pÈriode.

BW: Cela faisait partie intÈgrante de la campagne du FBI dirigÈe contre de
l'American Indian Movement?

Leonard : Oui. Mais pas seulement ý l'encontre de l'AIM. Il y avait
beaucoup d'autres organisations qui Ètaient toutes aussi actives. Les
"United Tribes of All Indians" dont j'Ètais l'un des fondateurs Ètait alors
une organisation puissante. Elle existe depuis 1970. C'est juste qu'elle
n'a pas engagÈ des actions de mÍme nature que celles que l'AIM a lancÈes.
L'AIM s'est retrouvÈ sous les projecteurs.

BW: AprËs la fusillade de 1975, pourquoi ont-ils eu besoin d'Èpingler les
meurtres sur vous?

Leonard : Nous avons dÈcouvert pendant les procËs qu'ils ne voulaient
sšrement pas accuser qui que ce soit originaire de la rÈserve de Pine
Ridge. Donc ils ont essayÈ d'inculper des individus qu'ils considÈraient
comme des agitateurs extÈrieurs, et ce fut moi, mon cousin Bob Robideau,
mon ami Darrell (Dino) Butler, et bien sšr Jimmy Eagle. Moi-mÍme et mon
cousin Bob avons du sang lakota dans nos veines. Nous ne sommes pas
vraiment des Ètrangers. Mais c'est comme Áa qu'ils tentaient de nous
dÈcrire. "Voici des agitateurs extÈrieurs membres de l'AIM, venus causer la
mort des agents." Ils nous ont donc inculpÈs. Et il s'est avÈrÈ que Darrell
et Bob ont ÈtÈ traduits en justice ý Cedar Rapids (Iowa) et qu'ils ont eu
beaucoup de chance d'avoir ý affaire ý un juge qui a respectÈ et honorÈ son
serment et qui a prÈsidÈ leur procËs de la maniËre la plus juste qu'il le
pouvait. Il y avait beaucoup plus de preuves dont il aurait pu autoriser
l'introduction, mais il a vu ý quel point cela aurait portÈ prÈjudice au
gouvernement. Mais il en a laissÈ passer certaines et c'Ètait suffisant.
Les jurÈs les ont entendues et ont dit: "Oh, attendez une minute, il y a
quelque chose qui ne va pas lý. Ils n'ont pas tuÈ ces agents."
Rappelez-vous qu'ils Ètaient accusÈs d'avoir tirÈ eux aussi. Et s'ils
avaient tirÈ, c'Ètait par auto-dÈfense. Les agents Coler et Williams
disaient Ítre dans le coin ý la recherche de Jimmy Eagle pour une histoire
de kidnapping et de cambriolage. C'est ce que le FBI a racontÈ aux mÈdias
et au reste du monde. Mais ý la base, lorsque l'accusation a ÈtÈ rÈvÈlÈe,
le seul motif pour lequel il Ètait pursuivi Ètait pour le dÈlit mineur du
vol d'une paire de bottes de cow-boy.
Mais ce que nous pensons, et je crois que c'est ce qui s'est rÈellement
passÈ, est qu'ils savaient que Dennis Banks se trouvait lý. Et nous avons
Ègalement appris de Duanne Brewer, qui Ètait un des leaders de la milice
des GOONs, qu'ils savaient que la propriÈtÈ des Jumping Bull Ètait une
place forte de l'AIM. Ils avaient programmÈ des assauts sur la propriÈtÈ et
aussi dans un autre endroit ý cÙtÈ de Kyle. Ils Ètaient partout sur la
rÈserve de Pine Ridge. Ils programmaient l'assaut de ces lieux avec la
logistique et l'assistance du FBI sous la forme de munitions anti-blindage,
d'armement sophistiquÈ et d'aide financiËre. Nous savons aussi qu'il y
avait une large mobilisation d'APC (Armored Personnel Carriers) dans
diffÈrentes zones ý la pÈriphÈrie de la rÈserve prÍts ý intervenir.

BW: Quelle Ètait l'histoire de Williams et Coler?

Leonard : Eh bien, nous savons que Williams Ètait probablement obsÈdÈ par
la haine qu'il nourrissait ý l'Ègard des Indiens, et plus particuliËrement
ý l'Ègard de l'AIM. Il avait ÈtÈ impliquÈ dans la  tentative d'Ètouffement
d'une affaire qui avait ÈtÈ finalement exposÈe et cela a Èvidemment fait du
tort ý ses Ètats de services. Donc il Ètait trËs motivÈ par la vengeance.
Les gens ne savent rien de tout Áa, et bien sšr les mÈdias refusent
d'imprimer ce fait, prÈfÈrant le dÈcrire comme un jeune homme amÈricain
bien clean et irrÈprochable. Ce sont des conneries. Si vous vous rappelez
de ce que lui et (l'agent) David Price ont fait au moment du procËs de
Means et Banks ý Minneapolis [NDT: Dennis Banks et Russel Means, leaders de
l'AIM], il vous reviendra en mÈmoire qu'ils ont tous les deux collaborÈ de
maniËre ý Ètouffer une affaire de viol et d'agression brutale commis par
leur tÈmoin vedette Louis Moves Camp. Ils l'avaient emmenÈ boire un verre
ce soir-lý. Louis Ètait un jeune toujours ý l'affut. Il a ramenÈ cette
fille et ils lui ont donnÈ une petite tape dans le dos en lui disant "ok, ý
demain", puis il a emmenÈ la fille dans sa chambre d'hÙtel o˜ il l'a
tabassÈe et violÈe. Et ces deux gars-lý ont ÈtouffÈ l'affaire.

BW: En quoi est-ce que le procËs de Robideau et Butler Ètait-il diffÈrent
du votre?

Leonard : Ils ont ÈtÈ autorisÈs ý prÈsenter un grand nombre de faits liÈs
ý la terreur, aux assassinats, ý la pauvretÈ et ý tout ce qui se passait
sur Pine Ridge. Et ils ont ÈtÈ acquittÈs et dÈclarÈs non coupables sur la
base de l'auto-dÈfense. Malheureusement pour moi, par une manoeuvre menÈe
dans le plus grand secret, ils ont ÈtÈ en mesure de soustraire mon cas ý la
Cour de justice de Cedar Rapids [NDT: o˜ Robideau et Butler avaient ÈtÈ
acquittÈs] et se sont mis en quÍte d'un nouveau juge. Nous savons d'o˜ Áa
vient; Áa vient du DÈpartement de la Justice. Mais nous ne savons pas de
qui c'est venu dans le DÈpartement de la Justice. Probablement quelqu'un de
haut placÈ. Beaucoup de juges ont refusÈ. Mais le Juge Benson Ètait
d'accord pour collaborer avec le gouvernement et pour obtenir une
condamnation.

BW: Et ceci Ètait votre premier procËs?

Leonard : C'Ètait mon premier procËs. J'ai eu un jury composÈ de citoyens
Blancs amÈricains ’gÈs entre 50 et 70 ans, tous originaires du Dakota du
Nord, et ayant ÈtÈ conditionnÈs toute leur vie ý croire que les Indiens
sont tous des ivrognes et des feignants qui ne valent pas grand chose. Je
devais forcÈment Ítre coupable, vous pensez, parce que sinon, le FBI ne
m'aurait pas arrÍtÈ. En plus, on est tous des ivrognes. Voilý en gros ý
quoi se rÈsumait le jury. Je n'ai pas ÈtÈ autorisÈ ý avancer quoi que ce
soit pour me dÈfendre. Le gouvernement a ÈtÈ autorisÈ ý disposer de 5
semaines pour prÈsenter ses tÈmoins. Ils ont pu fabriquer l'arme du crime.
Ils ont pu m'accuser illÈgalement d'Ítre le propriÈtaire de cette arme. Et
je n'ai eu droit qu'ý une seule journÈe et demie pour produire des
tÈmoignages. Tout le reste a ÈtÈ dÈclarÈ irrecevable. DËs que j'appelais un
tÈmoin, le juge le dÈclarait irrecevable. Myrtle Poor Bear Ètait cette
femme qu'ils avaient utilisÈe pour signer les dÈpositions pour m'extrader
du Canada. Nous avions le pËre de Myrtle Poor Bear, ainsi que sa soeur dans
la liste de nos tÈmoins. Ils Ètaient prÍts ý tÈmoigner qu'elle Ètait
handicapÈe mentalement, qu'elle mentait, qu'elle ne m'avait jamais approchÈ
ni connu de toute son existence. Sa soeur s'est levÈe et est allÈe
confirmer ces faits, ý un moment o˜ le jury s'Ètait retirÈ, Èvidemment.
Plus tard, Myrtle est venue nous voir et nous a racontÈ ce qui lui Ètait
arrivÈ. Elle nous a dit qu'elle avait ÈtÈ menacÈe de mort. Qu'elle avait
ÈtÈ terrorisÈe par des agents de police et du FBI la poussant ý Ítre
coopÈrante et ý tÈmoigner contre moi.

BW: Est-ce que ce sont les mÍmes tactiques qui ont ÈtÈ utilisÈes durant
les procÈdures de vos appels?

Leonard : La piËce ý conviction la plus critique contre moi Ètait la
preuve balistique. J'ai fait appel ý deux reprises. Lors du premier appel,
j'ai dÈnoncÈ 12 irrÈgularitÈs qui Ètaient automatiquement rÈversibles, des
questions constitutionnelles. Mon cas a ÈtÈ entendu par le Juge Gibson, le
Juge Ross, je crois, ma mÈmoire me joue des tours. Et... Qui Ètait ce
directeur du FBI? Webster. On ne le savait pas encore ý ce moment-lý, mais
il avait ÈtÈ demandÈ ý Webster s'il accepterait d'Ítre nommÈ ý la tÍte du
FBI. Et bien sšr, il a rÈpondu oui. C'est alors qu'il a mystÈrieusement ÈtÈ
dÈsignÈ pour entendre mon affaire. Donc il Ècoute tous nos arguments, et
tout d'un coup, on apprend par nos contacts ý Washington que Webster a eu
vent de cette possibilitÈ de promotion au top du FBI bien avant mon appel.
Nous avons alors protestÈ et demandÈ une nouvelle audience. Nous voulions
obtenir un tout nouveau panel de juges, mais ils ont uniquement remplacÈ un
juge, et Webster avait dÈjý manigancÈ. Il a dÈsignÈ le juge qui allait le
remplacer. Ils ont maintenu ma condamnation pour meurtre au premier degrÈ.
Ils ont dit: "vous Ítes coupable de meurtre au premier degrÈ en raison de
la piËce ý conviction qui vous accable le plus, ý savoir l'arme du crime."
 (a suivre ...)

(traduction et annotations: CÈline Vaquer-Nos)

En cas de reproduction partielle ou intÈgrale de cet article, priËre de
faire rÈfÈrence ý son auteur, au journal et la date de sa parution:

Un guerrier en cage (Caged Warrior) - Entretien avec Leonard Peltier
Par Ben Corbett
Boulder Weekly 
Semaine du 9-15 mars 2000

Groupe de Soutien ý Leonard Peltier - Leonard Peltier Support Group
LPSG-France
c/o CSIA
B.P 372 - 75526  Paris Cedex 11 - France
TÈl: 01.43.73.05.80
Fax: 01.43.72.15.77 (attn CSIA)
Email: LPSG-France@wanadoo.fr

Contact USA:
Leonard Peltier Defense Committee - LPDC
P.O Box 583, 
Lawrence, KS 66044, USA
TÈl: +001 (785) 842-5774
Fax: +001 (785) 842-5796
Site : http://www.freepeltier.org
Email: lpdc@idir.net

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