From
|
wash <wash@ecn.org>
|
Date
|
Tue, 25 Jul 2000 16:39:08 +0200
|
Subject
|
globe_l: [Fwd: Kosovo: Rencontre avec Baton Haxhiu (CdB), 06-2000]
|
-------- Original Message --------
Objet: Kosovo: Rencontre avec Baton Haxhiu (CdB), 06-2000
Date: Wed, 28 Jun 2000 17:12:48 +0200
De: Le Courrier des Balkans <cdb@bok.net>
A: balkans@cru.fr
Le Courrier des Balkans
Juin 2000
RENCONTRE AVEC BATON HAXHIU, REDACTEUR EN CHEF ADJOINT DE KOHA DITORE
Par Emmanuelle RiviËre
Le Courrier des Balkans a rencontrÈ dÈbut juin Baton Haxhiu, rÈdacteur
en chef adjoint de Koha Ditore, quotidien indÈpendant albanais du
Kosovo.
Koha Ditore existe depuis 1990. A líÈpoque, le journal síappelait
uniquement Koha (ìLe Tempsî) et Ètait diffusÈ de faÁon hebdomadaire.
Principale publication en albanais, il a subi de nombreuses rÈpressions
- notamment sous forme díamendes, dont la derniËre, infligÈe
conformÈment ý la loi sur líInformation votÈe en octobre 1998 par le
parlement yougoslave, date du 20 mars 1999, soit quelques jours avant
que la premiËre bombe de líOtan tombe sur Pristina.
Avant líimplication de líalliance atlantique au Kosovo, Koha Ditore se
trouvait imbriquÈ entre la politique menÈe par M. Ibrahim Rugova et sa
Ligue dÈmocratique du Kosovo (LDK), quíil dÈnonÁait pour Ítre trop
ìmolleî, et les accusations de liens avec líArmÈe de libÈration du
Kosovo (UCK), aujourdíhui dissoute.
Le paysage mÈdiatique du Kosovo a bien sšr ÈtÈ totalement modifiÈ suite
aux bombardements de 1999. Les bureaux de Koha Ditore saccagÈs par les
forces de police serbe dËs le dÈbut de la guerre, ses journalistes ont
pour la plupart fui pour Skopje. De lý, et gr’ce ý des aides
internationales gÈnÈreuses, Koha Ditore a pu reparaÓtre. Il fut
distribuÈ dans les camps de rÈfugiÈs kosovars en MacÈdoine, et continua
longtemps aprËs la guerre díÍtre fabriquÈ ý Skopje.
Des deux rÈdacteurs en chef de Koha Ditore - MM. Veton Surroi et Baton
Haxhiu - líun resta pendant toute la guerre ý Pristina - Surroi -,
tandis que líautre parvenait ý fuir vers la MacÈdoine. Peu aprËs le
dÈbut des bombardements, le 29 mars 1999, Baton Haxhiu fut díailleurs
donnÈ pour mort par líOtan. CachÈ dans une cave ý Pristina, celui-ci
apprend sa propre mort ý la radio, et rÈussit ý fuir pour la MacÈdoine.
Líinformation aura pourtant ÈtÈ reprise dans tous les mÈdias
internationaux - elle continue ý poser díimportantes questions sur
líattitude communicative de líOtan durant la guerre.
La guerre terminÈe et les troupes de la Kfor postÈes au Kosovo, Koha
Ditore reparaÓt ý nouveau depuis Pristina. Et en aošt 1999, Veton Surroi
publie un Èditorial intitulÈ ìFascisme au Kosovo: la honte des
Albanaisî, dans lequel il síinsurge contre ìlíintimidation systÈmatiqueî
menÈe contre les Serbes et non-Albanais vivant au Kosovo.
Baton Haxhiu donne, quelques mois plus tard, un entretien au quotidien
allemand Der Spiegel, dans lequel il traite líUCK de mafia et cíest la
dÈferlante, avec une rÈaction violente de líagence de presse pro-UCK
Kosovapress, relayÈe par les quotidiens Rilindja, Bota Sot et Kosova
Sot, menaÁant Surroi et Haxhiu, les accusant díÍtre espions de Milosevic
et díavoir ìtrahi la cause nationale albanaiseî.
Aujourdíhui, alors que la rÈsolution 1244 des Nations unies (qui
prÈcisait la mission de líONU au Kosovo) vient díÍtre reconduite avec
Bernard Kouchner ý sa tÍte, Koha Ditore cherche, avec difficultÈs, ý se
sortir de ce type de problÈmatiques. Toutefois la rÈcente querelle
publique dans laquelle le journal síest lancÈ avec la radio
multiethnique du Kosovo Contact montre que la lutte contre la
publication de ìdiscours de haineî est ardue. Contact dÈnonÁait en
effet, dans un article publiÈ sur le site de líInstitute for War & Peace
Reporting le 28 avril 2000, la violence actuellement subie par les
non-Albanais de la province. RÈtorquant par un texte au
professionnalisme douteux, un journaliste de Koha Ditore Èvoquait la
ìfausse multiethnicitÈî de Contact, expliquant que líapp’t díargent
occidental en Ètait líunique moteur. Quelques mois aprËs cette dispute,
une journaliste de Contact vient pourtant díÍtre griËvement blessÈe par
balles dans une rue de Pristina (voir la protestation de Reporters sans
frontiËres, Ègalement publiÈe sur le site du Courrier des Balkans).
AprËs une annÈe de prÈsence dans la province, la mission des Nations
unies au Kosovo a rÈcemment interdit un journal albanais pendant une
semaine (Dita), pour avoir publiÈ un article accusant, en le nommant, un
employÈ local de la Minuk (un Serbe) díavoir participÈ ý des exactions
au Kosovo. Il fut retrouvÈ quelques jours plus tard, assassinÈ.
Le Courrier des Balkans síest entretenu avec Baton Haxhiu.
Courrier des Balkans: Il y a quelques semaines, la mission des Nations
unies au Kosovo (Unmik) dÈcidait díinterdire le journal albanais Dita
pour une semaine, pour marquer son dÈsaccord avec le ìdiscours de haineî
diffusÈ par ce journal. Avez-vous des commentaires?
Baton Haxhiu: Pour moi, cette interdiction est une mauvaise nouvelle.
Cíest un signe de mauvais augure et pour le Kosovo et pour les Nations
unies. En effet, je pense que les Nations unies se trompent tout
bonnement de cible. On interdit le journal, mais en attendant personne
ne sait qui a commis ce meurtre, personne níest en prisonÖ Le plus gros
problËme, cíest quíil níy a aucun systËme juridique, il níy a pas
díinstitutions. Dita a ÈtÈ interdit un mois et demi aprËs avoir publiÈ
son article accusateur. La cible visÈe par les Nations unies níest pas
la bonne, cela contrecarre mÍme le dÈveloppement díune sociÈtÈ libre au
Kosovo.
Cela dit, il est extrÍmement dangereux de nommer les gens ainsi, comme
lía fait Dita. Díaccord, Dita ne tire quíý cinq cents exemplaires, mais
la rÈdaction a publiÈ et le nom et la photo de líemployÈ de líUnmik!
CíÈtait facile de le retrouver. Líarticle a ÈtÈ publiÈ le 27 avril,
líUnmik nía rien dit. Díailleurs rares sont les gens qui líont lu. Le
corps a ÈtÈ retrouvÈ trois semaines plus tard, et lý, cíÈtait trop tard,
mais líUnmik a rÈagi! Les gens de líUnmik se sentaient coupables de ce
meurtre. Mais interdire un journal, ne serait-ce que pour une semaine,
níest pas la bonne solution, surtout parce que les gens vont
automatiquement faire le parallËle avec la politique de Milosevic en
Serbie, qui fait fermer des journaux ou des radiosÖ Cíest un symbole
mais il y aurait plein díautres choses ý faire.
CdB: Pourtant, vous mÍme, et votre publication Koha Ditore,avez souffert
de ce discours de la haine perpÈtrÈ par certains mÈdias kosovarsÖ
BH: Oui, cíest un grand problËme au Kosovo. Cela fait un an que Bota Sot
diffuse un vÈritable discours de haine, mais líUnmik ne lía jamais
suspendu. Bota Sot est publiÈ par des Albanais, pas des Kosovars. Cela
fait cinq ans quíils existent, ils ont des bureaux en Suisse,
líimpression se fait en Allemagne. Certains de leurs journalistes níont
mÍme jamais mis les pieds au Kosovo! Leurs articles sont vraiment
mauvais, et díailleurs leur grande thÈorie, cíest celle du complot
grÈco-russe, contre les AlbanaisÖ Ce sont des nationalistes, mais qui ne
sont pas forcÈment liÈs ý Kosovapress, líagence qui avait accusÈ Koha
Ditore díÍtre espion de Milosevic il y a quelques mois.
Dans la situation du Kosovo actuellement, cíest vraiment trËs difficile
de parler de tolÈrance. Car en mÍme temps, on compte les mortsÖ Lorsque
Veton Surroi a publiÈ son Èditorial indiquant quíil avait ìhonteî du
ìfascismealbanaisî se dÈveloppant au Kosovo, les ventes de Koha Ditore
sont passÈes de 25 000 exemplaires ý 7 000, alors que Bota Sot a vu ses
chiffres augmenter de 5 000 ý 16 000!
CdB: Comment voyez-vous la situation au Kosovo, en Serbie, quelle va
Ítre, selon vous, líÈvolution?
BH: Le Kosovo a besoin de beaucoup de soutien. Les troupes de líONU se
trouvent prises en sandwich entre deux illusions: celle des Serbes
(quíils vont revenir) et celle des Albanais (quíils vont obtenir
líindÈpendance). la communautÈ internationale restera encore trËs
longtemps au Kosovo [voir ìLe rÍve irrÈalisable díun Kosovo
multiethniqueî, publiÈ par Le Courrier des Balkans le 7 juin 2000]. Le
Kosovo comme le reste des Balkans se trouve pris en otage par la
politique de Milosevic. Síil reste au pouvoir, les consÈquences seront
rudes. Cíest le rÈgime de Milosevic qui a produit la situation au
Kosovo.
Je pense que Milosevic restera encore longtemps. Aujourdíhui, il ne se
bat plus pour obtenir ou conserver le pouvoir, mais pour vivre, donc il
nía plus peur de rien. De plus, líopposition ne se bat contre lui que
parce quíil a perdu la guerreÖ Il faut clairement síattendre ý une
guerre civile pour la rentrÈe.
Bien sšr, la guerre est finie au Kosovo, mais la paix níest pas
finalisÈe. A líavenir, il faut que nous crÈions une nouvelle union des
Balkans la Yougoslavie, cíest terminÈ, mais nous devons former une
confÈdÈration de la Serbie, du Kosovo, de la MacÈdoine, du MontÈnÈgro,
Èventuellement avec la Croatie.
CdB: A líheure actuelle, de quoi a besoin le Kosovo, et notamment le
journalisme kosovar?
BH: Il faut que nous ouvrions des Ècoles de journalisme. Nous avons
besoin díenseigner aux jeunes journalistes ce quíest líÈthique
journalistique, le professionnalisme. Nous níavons pas de facultÈ
publique de journalisme. Les jeunes ont aussi besoin díapprendre les
nouvelles technologies de líinformation.
Par ailleurs, il faut que le Kosovo puisse síouvrir un peu plus sur les
cultures ÈtrangËres, il nous faudrait un centre culturel franÁais, plus
de traductions díouvrages franÁais, des magazines culturelsÖ Le Kosovo
est trËs renfermÈ, on est comme sur une ÓleÖ
_____________________________________© Tous droits rÈservÈs 2000 Le
Courrier des Balkans- La presse indÈpendante des Balkans en franÁais
-(Le Courrier des Balkans n'est pas responsable des opinions formulÈes
par les auteurs des textes traduits)http://bok.net/balkans/cdb@bok.net
-
-
G L O B E
- - - - - - - - - - - -
s a m i z d a t . n e t
european counter network
bureaucratie : bureaucratie@samizdat.net
messages sur la liste : globe_l@ecn.org
archives web : http://www.ecn.org/lists/globe_l
envois restreints aux abonnes
http://www.samizdat.net/infos