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From wash <wash@ecn.org>
Date Tue, 25 Jul 2000 17:01:00 +0200
Subject globe_l: [Fwd: Bosnie: Entretien avec Safet Orucevic, maire de Mostar(Nezavisne Novine), 16-06-2000]



-------- Original Message --------
Objet: Bosnie: Entretien avec Safet Orucevic, maire de Mostar(Nezavisne
       Novine), 16-06-2000
 Date: Thu, 06 Jul 2000 11:47:25 +0200
   De: Le Courrier des Balkans <cdb@bok.net>
    A: balkans@cru.fr

Nezavisne Novine
16 juin 2000
(traduit par Persa Aligrudic)

ENTRETIEN AVEC SAFET ORUCEVIC, MAIRE DE MOSTAR

Du retrait díAlija Izetbegovic, de la situation au sein du Parti de
líaction dÈmocratique (SDA) et du retour des Serbes ý Mostar.

ìLe SDA a trop longtemps cachÈ ses erreurs et ses nÈgligences sous le
tapis: malheureusement, la frustration post-Èlectorale est maintenant la
seule plate-forme Èlectorale de ce partiî.

Propos recueillis par Miso Vidovic

Bien que certains mÈdias voient en Safet Orucevic líun des successeurs
Èventuels díAlija Izetbegovic, cet ancien haut fonctionnaire du SDA
canalise actuellement son inÈpuisable Ènergie politique vers la ville
dont il est le maire depuis dÈjý plusieurs annÈes. MalgrÈ cela, Orucevic
níesquive pas les questions concernant les ÈvÈnements politiques du
pays. En ce qui concerne le retrait annoncÈ díAlija Izetbegovic de la
prÈsidence de Bosnie-HerzÈgovine et de la possibilitÈ que ce soit lui
qui accËde ý la tÍte du SDA, il estime que ìle prÈsident essaie
apparemment de consolider le parti et de líorienter dans líintÈrÍt de sa
survie politique. Son geste de retrait est líaveu de certaines erreurs
stratÈgiques que le SDA a commises avant les Èlections.î

NEZAVISNE NOVINE: Selon les propres termes díIzetbegovic, son retrait
aurait pour cause son ’ge et son Ètat de santÈ? Est-ce que son retrait
provient de sa propre volontÈ ou est-il plutÙt commandÈ par certains?

ORUCEVIC: Sa santÈ est peut-Ítre líune des raisons, mais il síagit
essentiellement de la situation gÈnÈrale dans laquelle il se trouve. Il
est absolument conscient du fait quíune certaine morositÈ se fait sentir
au sommet de líŠtat, et quíil ne peut plus avoir díinfluence sur quoi
que ce soit; il souhaite que sa dÈcision provoque une certaine
ìsecousseî ý la suite de laquelle il essaiera de recoller quelques
piËces pour les Èlections díoctobre, et de consolider ainsi le SDA.

NN: Est-ce que le retrait díIzetbegovic des organes díŠtat lui laissera
plus de temps pour se consacrer au parti et mettre de líordre dans les
relations internes, aprËs les prochaines Èlections? En aura-t-il la
force?

O: Je pense quíil est actuellement difficile díavoir une influence
significative sur de nombreux ÈvÈnements, et il est temps díentreprendre
un grand mÈnage. Cependant, comme Izetbegovic nía pas rÈussi ý rÈaliser
certaines choses promises publiquement avant les Èlections, il risque
ainsi de perdre toute autoritÈ. Les erreurs et les nÈgligences de líŠtat
continueront en grande partie ý lui Ítre imputÈes.

NN: Le retrait díIzetbegovic peut-il Ítre mis en rapport avec les
rÈcents commentaires voulant que "on assiste ý des pressions concrËtes
et directes de líÈtranger pour quíIzetbegovic síen aille en douceur, car
les officiels amÈricains en Bosnie ont annoncÈ officieusement des
interpellations par le Tribunal pÈnal de La Haye (TPI) de Bosniaques
placÈs ý trËs haut niveau"?

O: Je ne pense pas que ce soit la raison. Le TPI a rÈcemment affirmÈ que
la partie bosniaque Ètait celle qui avait coopÈrÈ le plus efficacement
et quíelle avait remis au TPI des documents compromettants. Cela
confirme quíIzetbegovic a, díune maniËre concrËte, rÈitÈrÈ ses points de
vue en ce qui concerne la condamnation des crimes, peu importe ceux qui
les ont commis.

NN: Pourquoi avez-vous quittÈ le SDA?

O: ¿ cause de certaines actions qui ont mis en lumiËre le renoncement
des dirigeants du SDA au front pro-bosniaque, et parce que certains
actes politiques ont ralenti le progrËs et causÈ des erreurs
catastrophiques dans la FÈdÈration. La derniËre plate-forme Èlectorale
du parti reprÈsentait une lutte exclusivement orientÈe vers la conquÍte
du pouvoir, et ce dans une seule partie de la FÈdÈration. Cíest líun des
ÈlÈments o˜ le SDA, dans la pÈriode díaprËs-guerre, ne se distingue pas
des autres partis nationalistes. Cíest la principale raison de mon
dÈpart de cette organisation politique.

NN: Un haut fonctionnaire du SDA a rÈcemment dÈclarÈ officieusement
quíil aurait mieux valu exclure du parti Edhem Bicakcic plutÙt quíEjup
Ganic. Quíen pensez-vous?

O: Il síest avÈrÈ que le SDA a trop longtemps cachÈ ses erreurs et ses
nÈgligences sous le tapis. Le SDA nía pas rÈussi, en pratique, ý faire
une seule destitution-clÈ. Certaines personnes auraient dš Ítre
destituÈes il y a deux ou trois ans, lorsquíil est devenu clair que la
FÈdÈration Ètait composÈe de facto de deux entitÈs sÈparÈes; il níaurait
pas fallu dÈvelopper une collaboration irrÈflÈchie avec les extrÈmistes
de la CommunautÈ dÈmocrate croate (HDZ). Rappelez-vous la position que
le SDA avait en 1996 auprËs de la communautÈ internationale et celle
quíil a aujourdíhui. Le parti est aujourdíhui presque autant responsable
que le HDZ pour le mauvais fonctionnement de la FÈdÈration, pour les
privatisations ratÈes, pour les problËmes de corruption, pour les
politiques Èconomiques nationalistesÖ Le SDA paye aujourdíhui pour
toutes ces fautes commises en 1997: líÈconomie stagnante, le retour des
rÈfugiÈs, la construction des logements, le rapport envers la
privatisation. Le SDA nía pas eu de vision personnelle du dÈveloppement
Èconomique, mais au contraire on a permis que ce dÈveloppement soit ad
hoc et que les dons de la communautÈ internationale dictent la stratÈgie
de dÈveloppement. Je pense mÍme que líon níaurait pas dš en finir ainsi
avec Ganic, Bicakcic et les autres candidats aux Èlections. Les
changements auraient dš avoir lieu plus tÙt, mais il est Èvident que
cela níÈtait pas possible en raison de la crise existant au sommet.

NN: Suite aux derniËres Èlections, certains - parmi lesquels Omer Behmen
- affirment que le SDA est le parti díun seul homme, quíil a perdu la
confiance des militants de la premiËre heure. Quíen est-il aujourdíhui?

O: Je ne suis pas sšr quíil síagisse díune question de confiance ou non:
Behmen et Izetbegovic sont de grands amis. Je pense seulement quíils ont
des regards diffÈrents sur le rÙle de líŠtat. Les premiers objectifs du
parti ont ÈtÈ atteints, et il est maintenant temps de passer ý autre
chose. Il aurait fallu crÈer un climat permettant que le retour des
rÈfugiÈs soit une question technique et non pas une question quasi
militaire. Nous aurions dš ouvrir le processus de rÈconciliation avec le
peuple serbe beaucoup plus rapidement. Ce níest pas de tentes dont nous
avons besoin pour le retour, car cela prolonge líagonie et líanimositÈ
entre les Serbes et les Bosniaques. Nous avons besoin de construire de
nouveaux logements et díamasser des fonds pour la reconstruction.
Demandez ý níimporte quel Serbe, Croate ou Bosniaque síil prÈfÈrerait
vivre dans une maison ou un logement appartenant ý autrui ou bien síil
prÈfÈrerait acheter un nouvel appartement sur un crÈdit ý long termeÖ
Pourquoi ne leur donne-t-on pas cette possibilitÈ? Pourquoi personne
jusquíý maintenant, aprËs tant díaide internationale, ne lía fait? Il y
a trop longtemps que les choses restent complËtement ìvissÈesî.

NN: AprËs tout cela, ý quoi le SDA peut-il síattendre aux Èlections
gÈnÈrales de novembre?

O: Ce ne sera plus un parti incontournable. Le SDA nía pas úuvrÈ ý
changer la plate-forme Èlectorale qui lía menÈ ý la dÈfaite lors des
derniËres Èlections: le parti nía pas renoncÈ aux personnes responsables
de la dÈfaite díavril, et il a promu le parti social-dÈmocrate (SDP)
comme son principal rival sans raison, il lía confrontÈ alors que le SDP
obtenait du succËs dans une seule partie du pays: le SDA a renoncÈ seul
ý la coalition et il est Èvident quíý líavenir les coalitions seront des
clÈs de rÈussite. Celui qui aura une stratÈgie perspicace et qui saura
síattirer les formations politiques prometteuses pourra gagner les
Èlections. Pour quíun parti rÈussisse, il doit avoir une nouvelle vision
et non pas capitaliser sur de vieilles frustrations accumulÈes. La
derniËre rÈussite du SDA reste les Accords de Dayton. Or, cette rÈussite
síest lentement transformÈe en dÈfaite pour le parti, et a donnÈ des
arguments de poids ý ceux qui síopposent au maintien d'une
Bosnie-HerzÈgovine unifiÈe.

NN: On parle beaucoup ces temps-ci de la succession díAlija Izetbegovic,
et le nom de Haris Silajdzic revient souvent; on dit de lui quíil est
ambitieux, vaniteux mais trËs capable.  tes-vous díaccord?

O: Les dÈfauts du SDA renforcent de plus en plus la position de
Silajdzic. Ce dernier remplit la position et líimage d'un homme
politique pragmatique, et cíest pour cela quíil est convaincant et
acceptÈ par la plupart du corps Èlectoral bosniaque. Silajdzic parle
publiquement de ce que les Èlecteurs reprochent au SDA, ý savoir ìse
taire en publicî. Il doit, de toute faÁon, dÈfinir sa stratÈgie pour
novembre, prendre position vis-ý-vis du SDA. Ainsi, son destin politique
sera dÈterminÈ ý líavenir ainsi que son rÙle dans la scËne politique
bosniaque. Il prÈtend Ítre au centre díun mouvement politique
multiethnique, mais il ne peut pas le crÈer tout seul et il devra
dÈcider rapidement des personnes qu'il compte impliquer.

NN: Comment Èvaluez-vous la situation actuelle ý Mostar? Ou en est le
retour des Serbes dans cette ville?

O: Jíai menÈ une politique franche avec les Serbes car je pense que
jouer avec le destin de níimporte quel peuple ne restera certainement
pas impuni. La question serbe Ètait et est restÈe pour moi un ÈlÈment
stratÈgique de Mostar. Sans mon engagement personnel, les Serbes
auraient disparus en tant que ìpionsî politiques ý Mostar. Si quelque
politicien serbe avait fait pour les Bosniaques en Republika Srpska (RS)
le cinquiËme de ce que je líai fait pour les Serbes de Mostar, il y a
longtemps quíon líaurait ÈlevÈ sur un piÈdestal international. Je pense
quíil y a un manque de franchise et que beaucoup de gens font semblant
de maintenir la continuitÈ de la politique du Parti socialiste serbe et
critiquent Milosevic uniquement parce quíil nía pas rÈussi son plan et
que les Serbes ont perdu une des grandes zones díintÈrÍts en
Yougoslavie. Jíai lu dans votre journal la dÈclaration de Mladen Ivanic,
un indubitable dÈmocrate, favori de la communautÈ internationale, qui
dÈclare que Silajdzic est difficilement acceptable car il appartient ý
un parti qui a fait la guerre. Mais en mÍme temps Prlic, qui a ÈtÈ le
leader du HDZ pendant la guerre, est ý son avis trËs acceptable alors
que lui-mÍme Ètait mandataire de Biljana Plavsic, elle aussi impliquÈe
directement dans la guerre. Quels sont donc ces jeux politiques? De quoi
síagit-il? Il dit quíil ìdoute que jíaie des chances en RSî. Alors que
moi je suis convaincu díobtenir plus de voix des Serbes dans la
FÈdÈration que lui des Bosniaques en RS. Naturellement, je le considËre
avec amitiÈ et jíattends sa visite ý Mostar o˜ je me ferai un plaisir de
líemmener ý la vieille Èglise orthodoxe que nous avons reconstruite;
nous rendrons visite au pope et ý líÈvÍque avec lequel jíentretiens de
bonnes relations. Je líinviterai lui et les autres dÈmocrates ý poser la
premiËre pierre de la mosquÈe dans níimporte quelle ville de la RS.
Jíattends des dÈmocrates de RS quíils se fassent entendre publiquement
et díune voix forte pour demander le retour des Croates et des
Bosniaques, comme je líai fait pour le retour des Serbes.

Je me rends dans chaque village serbe et jíapporte mon aide, je me rends
en RS plus que ne le font les nombreux leaders serbes et je sais que
beaucoup me font confiance. Parce que les gens veulent vivre sur la base
díactions concrËtes et de dÈmocratie pragmatique.

(Mis en forme par Alexandre Billette)
 _____________________________________© Tous droits rÈservÈs 2000 Le
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-(Le Courrier des Balkans n'est pas responsable des opinions formulÈes
par les auteurs des textes traduits)http://bok.net/balkans/cdb@bok.net




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