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Date Wed, 31 Jan 2001 07:04:53 +0100
Subject globe_l: Des colombien-ne-s du PCN a Dijon

Des colombien-ne-s du PCN ý Dijon
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Le dimanche 21 janvier dernier, l'Espace autogÈrÈ des Tanneries de Dijon
accueillait un colombien et une colombienne du PCN (Processus des
CommunautÈs Noires) venu-e-s prÈsenter la situation dramatique de leur pays
et de leurs communautÈs, menacÈ-e-s par un programme militaire orchestrÈ
par les Štats-Unis avec l'aide de l'Europe: le "Plan Colombia". Vous
trouverez ci-dessous le texte d'un 4-pages rÈalisÈ par Maloka pour
prÈsenter la question, incluant une dÈclaration du PCN faite ý Prague ý
l'occasion des manifestations contre le FMI et la Banque Mondiale le 26
septembre 2000.

Note: la venue en Europe de ces deux individus du PCN a non seulement pour
but d'exposer le danger que reprÈsente le Plan Colombie, mais aussi de
tisser des liens avec d'autres espaces autogÈrÈs, d'autres formes de
rÈsistance dÈveloppÈes en Europe. Une tournÈe de confÈrences-dÈbat a donc
ÈtÈ organisÈe avec des dates dans diffÈrentes villes franÁaises: du 20 au
22 janvier ý Dijon, puis ý Nantes du 23 au 26, du 27 au 30 ý Toulouse, du
31 janvier au 3 fÈvrier ý Lyon et St-Etienne, du 4 au 7 mars ý Longo MaÔ
(Forcalquier), le 8 ý Montpellier et enfin les 9 et 10 sur le plateau du
Larzac (Millau).

Comme il y a peu d'Ètapes et que c'est une rare occasion de rencontrer ces
militant-e-s dans une situation o˜ il est urgent de rÈagir, nous vous
invitons grandement ý faire le dÈplacement.

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"Un monde o˜ il y a la place pour beaucoup de mondes"
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Les communautÈs reprÈsentÈes par le rÈseau Proceso de Communidades Negras
(en Colombie comme ailleurs en AmÈrique Latine) constituent un excellent
exemple de ces multiples mondes dont parlent les zapatistes, et qui
affirment leur richesse et leur spÈcificitÈ face ý la monoculture sociale
et au capitalisme. FondÈes dans la forÍt par des esclaves en fuite, la
libertÈ et l'autonomie ont ÈtÈ de ce fait leurs valeurs centrales. (Les
communautÈs de Colombie ont ÈtÈ en fait la premiËre entitÈ politique des
AmÈriques ý arracher la reconnaissance de leur autonomie ý la couronne
espagnole.)

Un groupe de six reprÈsentant-e-s du Processus de CommunautÈs Noires de
Colombie sera prÈsent en Europe entre la fin janvier et le dÈbut mars pour
Ètablir des liens avec des interlocuteurs/trices soucieux/ses d'initier un
processus de communication et de coopÈration approfondies entre celles/ceux
qui, partout dans le monde, fondent ou veulent fonder des alternatives
collectives, autonomes, en rÈponse au pouvoir Èconomique, politique et
culturel du systËme capitaliste.

Alternatives articulÈes horizontalement et de maniËre participative, qui
revendiquent et pratiquent le droit ý la diffÈrence et ý l'identitÈ propre;
qui retrouvent et renforcent une capacitÈ collective pour l'autogestion et
l'auto-organisation, de maniËre ý crÈer un espace de libertÈ Èmancipatrice,
s'affranchissant des structures Ètatiques.

Les camarades du PCN tourneront en Europe avec une palette d'objectifs et
d'espoirs diversifiÈs. D'un cÙtÈ ils espËrent informer sur leur faÁon de
s'organiser, sur l'histoire de leur rÈsistance, sur les alternatives qu'ils
mettent en place. Ils veulent faire connaÓtre leur point de vue sur la
situation de la Colombie. Mais ils souhaitent Ègalement nouer des relations
humaines directes, prendre connaissance des luttes et des pratiques
d'organisation europÈennes, discuter d'interventions communes possibles
face au cas concret que constitue le Plan Colombia et en faveur de
l'autonomie des communautÈs noires, indigËnes et paysannes.

Les ancÍtres des communautÈs noires leur ont transmis le dicton, "Je suis
parce que nous sommes", qui implique qu'une personne n'atteint la libertÈ
que lorsque ses voisins sont libres aussi. Ce principe fut l'un des
principes fondateurs de la lutte contre l'esclavage et, ultÈrieurement, de
la construction du PCN. Aujourd'hui, les camarades disent que leur lutte
pour la libertÈ n'avancera que sur la base d'une avancÈe collective des
luttes.

+ Plan Colombia

La situation colombienne, bien que dÈjý consternante, se dÈgrade
quotidiennement avec l'approche d'une intervention militaire de grande
Èchelle appelÈe Plan Colombia. Ce Plan est un programme de guerre agencÈ
par le gouvernement des Etats-Unis. Ceux-ci offrent $1,6 milliards en armes
(amÈricaines Èvidemment). L'Europe est sollicitÈ pour apporter $4 milliards
en aide "civile" (camps pour les populations dÈplacÈes, etc.). La part des
colombiens serait de $4 milliards. La Colombie Ètant dÈjý hautement
endettÈe, la somme sera prÍtÈe par le Fonds MonÈtaire International en
Èchange d'un nouveau "plan d'ajustement structurel" (privatisations, etc.)!
En vue de l'application de ce plan, l'armÈe des Etats-Unis a lancÈ la
construction de nouvelles bases militaires dans toute la rÈgion, dont la
plus grosse base amÈricaine de toute l'AmÈrique Latine, ý Manta, en
Equateur, ainsi que beaucoup d'autres bases dans des pays aussi ÈloignÈs
que le Salvador. Les militaires amÈricains ont Ègalement reÁu
l'autorisation du gouvernement hollandais d'utiliser les installations dans
les colonies hollandaises de CuraÁao et d'Aruba (au large du Venezuela) ý
des fins militaires. En outre, sous prÈtexte de s'attaquer ý la production
de drogues, ce plan s'appuie sur un usage massif d'armes biologiques,
gÈnÈtiquement modifiÈes qui vont s'attaquer ý la fertilitÈ des terres et
rendre l'agriculture vivriËre impossible. A noter que cette armada chimique
est fournie par le gÈant de l'industrie chimique  Monsanto, fameux
inventeurs de l'agent Orange pendant la guerre du ViÍt-Nam, du soja
gÈnÈtiquement modifiÈ ou encore du gËne Terminator.

On prÈdit dÈjý que cela pourrait Ítre le prochain ViÍt-nam, une longue et
sale guerre dans tous les pays andins. Le prÈtexte, c'est le narco-trafic.
En rÈalitÈ, il s'agit d'Ècraser les mouvements populaires qui rÈsistent -
souvent avec succËs - au programme nÈo-colonial des transnationales en
Colombie, Equateur, PÈrou et Bolivie. On veut extirper la guÈrilla
colombienne, bien sšr, mais tout autant les organisations de paysans,
indigËnes et noirs qui dans les campagnes refusent l'expulsion de leurs
terres, la destruction de leurs communautÈs, cultures et environnement,
ainsi que les syndicats de citadins qui refusent la rÈduction du pouvoir
d'achat et des budgets sociaux...

La guerre est dÈjý lý en Colombie. Il ne s'agit que d'intensifier un
conflit qui dure depuis 50 ans. L'imposition progressive du modËle libÈral
a abouti ý la plus grave crise Èconomique depuis le dÈbut du conflit.
ParallËlement, une puissante armÈe paramilitaire, agissant avec la
complicitÈ de l'Etat, s'attaquant quasi exclusivement aux civils, utilise
une terreur soigneusement mise en scËne - massacres, assassinats sÈlectifs,
tortures et disparitions - pour chasser les habitants des terres convoitÈes
par les gros propriÈtaires et transnationales (dÈjý 2 millions de
"dÈplacÈes"), ceci Ètant nÈcessaire, entre autre, ý la mise en place des
mesures de la  Banque Mondiale et du FMI. Il s'agit notamment d'Èradiquer
toutes formes de rÈsistances, d'achever la destruction de l'autonomie
alimentaire et de la petite paysannerie, dÈjý entamÈe par la "dÈrÈgulation"
et le "libre" Èchange.

+ Une guerre rÈgionale annoncÈe

Au-delý de la Colombie, les rÈsistances sont vives dans tout le Nord de
l'AmÈrique du Sud. Au PÈrou, le dictateur Fujimori est tombÈ. Au Venezuela,
un militaire populiste s'est fait Èlire ý la suite des Èmeutes spontanÈes
contre le FMI. La Bolivie est sur le fil du rasoir entre insurrection et
coup d'Etat. En avril, une rÈvolte populaire de paysans et citadins a
chassÈ la transnationale Baechtel du pays, bloquant ainsi le programme de
privatisation (en l'occurrence de l'eau) dictÈ par la Banque Mondiale. La
mobilisation a repris en septembre. Pendant plus de trois semaines les
organisations paysannes et les syndicats (notamment d'enseignants) ont
bloquÈ les routes et paralysÈ le pays, malgrÈ une rÈpression fÈroce (des
dizaines de morts par balles). En Equateur, les mouvements indigËnes
(CONAIE) et paysans (CONFEUNSSAC) avec des alliÈs syndicaux (notamment du
pÈtrole) bloquent depuis plus d'une annÈe le programme de privatisation et
d'austÈritÈ du FMI. En janvier, ils ont mÍme pris briËvement le pouvoir
dans un immense soulËvement non-armÈ.

L'AmÈrique Latine lutte pour son indÈpendance et veut librement dÈcider de
son avenir. Cependant, gr’ce ý la "guerre contre la drogue" les
"conseillers" militaires U.S. sont dÈjý ý pied d'úuvre partout, des
militaires de tous ces pays ont dÈjý reÁu leurs diplÙmes es tortures ý
"l'Ecole des AmÈriques" de l'armÈe yankee et les casernes poussent comme
des champignons.

Face ý cette grande guerre impÈriale, l'opposition en Europe et en AmÈrique
du Nord peut jouer un rÙle dÈcisif.

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+ La guerre en Colombie.
Massacre et deportation de la population noire
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Texte du PCN

"La Colombie est un pays de 37 millions d'habitant-e-s, parmi lesquel-le-s
30%, c'est-ý-dire 9,210,000 sont les descendant-e-s noir-e-s d'esclaves
africains qui avons, ý travers un processus de lutte et de rÈsistance de
plus de trois siËcles, rÈussi ý gagner notre libertÈ, nous retranchant dans
les montagnes, les vallÈes et les cÙtes o˜ le conquistador europÈen n'est
jamais parvenu. Durant des siËcles, des noir-e-s libres se sont adaptÈs ý
un monde inconnu pour survivre et nous avons ainsi crÈÈ notre propre monde,
notre propre culture.

Depuis cette pÈriode libertaire, l'exclusion et le racisme ont marquÈ
l'attitude des colombien-ne-s envers la population noire. Les ressources
que possËde notre territoire ont ÈtÈ saccagÈes par les grandes
multinationales. Nous avons connu l'aliÈnation culturelle, la soumission ý
des conditions de pauvretÈ absolue et la nÈgation de tout droit social,
Èconomique, politique ou culturel. Ce ne sont lý que quelques-unes unes des
formes de ladite exclusion.

Aujourd'hui, dans la guerre interne que connaÓt la Colombie depuis
plusieurs dÈcennies, nous avons ÈtÈ condamnÈs ý une extermination muette,
imposÈe par l'Etat et par les groupes Èconomiques. Nos droits individuels
et collectifs ont ÈtÈ bafouÈs (...) Les espaces desquelles la population
est violemment expulsÈe correspondent aux zones stratÈgiques de la guerre.
Un million de personnes noires ont ÈtÈ dÈportÈes ou dÈracinÈes des ses
terres (au 1er octobre 2000) (...) Le projet historique du peuple noir
possËde un enracinement culturel, territorial, environnemental et social.
Notre lutte consiste en la dÈfense des territoires o˜ nos ancÍtres ont
vÈcu; o˜ nous avons crÈÈ et recrÈÈ notre culture tout au long de l'histoire
de la Colombie et de l'AmÈrique. Elle exige que la communautÈ gouverne
collectivement; elle veut le renforcement de notre identitÈ et une
autonomie selon laquelle nous pourrons dÈterminer librement de nos propres
choix de vie en accord avec nos aspirations et notre identitÈ en tant que
peuple. L'Ètat capitaliste de la Colombie a transformÈ les communautÈs
noires organisÈes, qui luttent pour la dÈfense du territoire comme choix de
vie et pour des principes culturels comme l'identitÈ, en victimes de
racisme, de pauvretÈ, de marginalisation. Nous sommes devenus les objectifs
militaires de groupes armÈs qui dÈfendent des intÈrÍts politiques,
fonciers, narcotrafiquants et affairistes.

Ceux-ci visent l'exploitation irrationnelle des ressources minÈrales,
l'anÈantissement de la biodiversitÈ, l'Ètablissement de projets
touristiques, de routes, de ports et de canaux, d'entreprises
agro-industrielles, forestiËres ou ÈnergÈtiques...

Depuis l'esclavage, la dÈportation systÈmatique que nous connaissons
actuellement est l'agression la plus criminelle que nous ayons connu, nous
le noirs de Colombie et d'AmÈrique. La dÈportation est le rÈsultat d'un
processus d'intimidation, de massacres. Elle parfait notre invisibilitÈ.
Elle scelle la perte de nos terres et de l'accËs ý nos ressources
naturelles. Elle ÈcartËle les familles. Elle anÈantit la solidaritÈ,
l'amour-propre et le droit ý vivre en paix, selon nos traditions, nos
coutumes et nos aspirations culturelles.

Le peuple noir exige des acteurs de la guerre en Colombie qu'ils l'excluent
du conflit; qu'ils respectent son autonomie et ses droits fondamentaux et
qu'ils cessent de combattre sur ses terres. Nous en appelons ý la
communautÈ internationale de nous accompagner, de se solidariser avec nous
et de lutter avec nous pour consolider, dans ce monde capitaliste, les
espaces de vie de la communautÈ noire, en accord avec les enseignements de
nos ancÍtres: nos terres sont l'espace o˜ nous pouvons exister et survivre;
o˜ se situent nos idÈaux et notre histoire, o˜ doit rÈgner la vie et la
joie, l'espÈrance et la libertÈ."

Processus des CommunautÈs Noires - PCN
Prague, 26 septembre 2000

rÈzÙ-maloka
http://www.chez.com/maloka
maloka@chez.com








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