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From Wash <wash@ecn.org>
Date Thu, 22 Mar 2001 02:11:34 +0100
Subject globe_l: GrËce: 15 mois de prison pour avoir distribuÈ une carte des minoritÈs nationales (Eleftherotypia), 10-02-2001*


Eleftherotypia
10 fÈvrier 2001
(Traduit par Nicolas Triffon)

Diffusion de ´ vraies ª informations

MÍme ý l ëÈpoque de l'hystÈrie nationaliste de 1992-93 nous níavons ÈtÈ les
tÈmoins díun tel procËs. LíaccusÈ Ètait líarchitecte Sotiris Bletsas,
poursuivi pour ´ diffusion de fausse information ª (article 191 du code
pÈnal). Son dÈlit ? Le 1er juillet 1995, lors de la Rencontre panhellÈnique
annuelle des Vlachs, ý Naoussa, il a distribuÈ - en fait, il a remis ý
Fotios Kilipiris, le prÈsident de l'Union panhellÈnique des Vlachs - une
publication en langue anglaise du Bureau europÈen pour les langues moins
rÈpandues, dans laquelle il Ètait mentionnÈ que dans certaines rÈgions de
GrËce on parle, outre le grec, cinq autres langues. [En dehors de líaroumain
ou vlach, parlÈ dans les rÈgions montagneuses de Thessalie, díEpire et du
Pinde, le bulgare, le slave macÈdonien, líarvanite, et le turc figuraient
sur la carte proposÈe par cette brochure.] Cet ÈvÈnement a provoquÈ la
fureur d'Evgenios Haitidis, le responsable du parti Nouvelle DÈmocratie pour
la rÈgion de Serres, Ègalement prÈsent lors de cette rencontre. Le rÈsultat
fut l'arrestation de M. Bletsas et les charges retenues contre lui. AprËs
divers aller-retour judiciaires dans les deux sens, le cas Èchut finalement
devant la 10e cour de d'AthËnes le 2 fÈvrier [2001].

Le cas aurait dš Ítre considÈrÈ comme parfaitement ridicule, puisque le
texte contestÈ (provenant d'une organisation semi-officielle de l'Union
europÈenne) faisait rÈfÈrence non pas ý des notions politiques explicites,
telles que les minoritÈs, mais simplement ý des langues - dont l'usage parlÈ
n'a ÈtÈ jamais contestÈ. Cependant, car nous avons eu l'occasion de nous en
assurer nous-mÍme, en qualitÈ de tÈmoin de la dÈfense lors de ce procËs,
dans le systËme juridique grec mÍme ce qui va de soi peut relever du ´
secret d'Štat ª et doit Ítre puni cošte que cošte, y compris par des peines
d'emprisonnement.

En vain, la dÈfense a soumis ý la cour quantitÈ de documents - statistiques
du gouvernement grec, documents du ministËre des Affaires ÈtrangËres,
manuels d'universitÈ et thËses de doctorat, rapports díhommes politiques et
publications officielles ñ certifiant que ces langues sont parlÈes en GrËce.
En vain, la slaviste Alexandra Ioannidou, tÈmoin de la dÈfense, a expliquÈ
une Èvidence, ý savoir que toute forme de communication verbale entre des
personnes peut Ítre qualifiÈe de langue. En vain, enfin, líavocat de la
dÈfense Lambros Baltsiotis a prÈsentÈ des extraits des tÈmoignages de lí
accusation qui confirmaient le fait que les langues en question Ètaient bel
et bien parlÈes de nos jours en GrËce, y compris dans certains villages de
la prÈfecture de Serres qui avaient contribuÈ ý líÈlection de celui qui
Ètait ý líorigine de toutes ces procÈdures.

La dÈposition de M. Haitidis, principal tÈmoin de líaccusation, nía pas ÈtÈ
ý mÍme díÈclairer la cour sur líaffaire, sauf peut-Ítre sur le raisonnement
de censeur de son auteur. ´ Mes grands-parents ne parlaient pas un mot de
grec, seulement le turc ! ª, a-t-il dÈclarÈ pour ajouter fiËrement : ´ Mais
je níai pas appris un mot de cette langue, je ne parle que le grec. ª
Visiblement, líapprentissage des langues níest pas une aptitude humaine mais
un dÈfaut dont on devrait avoir honte.  Pour ce qui est de líaffaire
proprement dite, le parlementaire de la Nouvelle DÈmocratie a tout
embrouillÈ. En provoquant líhilaritÈ gÈnÈrale de ceux qui assistaient au
procËs, il a commencÈ par dÈclarer que ´ nulle part en GrËce on ne parle dí
autre langue que le grec ª, pour continuer en prÈcisant quí ´ il se peut que
ces langues soient parlÈes par quelques individus naÔfs mais pas par des
groupes organisÈs ª et finir par soutenir quí ´ il ne síagit, en lí
occurrence, pas de langues mais díidiomes ª. Ne souhaitant de toute Èvidence
síhumilier eux-mÍmes devant la cour, les deux autres tÈmoins de líaccusation
(Yeorgios Makris, maire de Prosotsani et d'Ioannis Zaparas, employÈ aux
tÈlÈcommunications nationales) ont concentrÈ leurs propres dÈpositions sur
ce dernier point : ce que líon parle en dehors du grec cíest simplement un
idiome. En effet, ils ne pouvaient aller trop loin dans les dÈnÈgations,
puisque dans les couloirs du tribunal, ý líextÈrieur de la salle díaudience,
on pouvait les entendre parler entre eux en vlach [aroumain].

Et pourtant cíest autour de cette distinction que la plupart des membres de
la cour ont dÈcidÈ de fonder leur jugement sur la non-existence des langues
autres que le grec. La question posÈe invariablement par le prÈsident de la
cour Zoe Kostoyanni aux tÈmoins Ètait : ´ Díaccord, toutes ces choses-lý
sont parlÈes. Mais le sont-elles comme langues ou comme idiomes ? ª Il y
avait aussi des questions moins ´ techniques ª et des avis ouvertement
politiques furent prononcÈs. Par exemple, le prÈsident insistait pour que
les tÈmoins disent si ´ notre pays a des problËmes avec les minoritÈs ª,
tandis que la question posÈe par la juge Maria Ralli-Katrivanou Ètait encore
plus Èloquente : ´ Díaccord, toutes ces choses-lý sont parlÈes. Mais doit-on
en parler ? Surtout si nous prenons en considÈration ce qui est arrivÈ ces
derniËres annÈes avec la crise macÈdonienne et qui nous a tant affectÈ en
tant que Grecs. Cíest du moins ce que nous avons dš ressentir, je pense. Jí
aimerais avoir votre opinion lý dessus. ª Dans ce contexte, certains dÈtails
concernant le reste du procËs, telle la tolÈrance manifestÈe par le
prÈsident pour les interventions ´ spontanÈes ª ridiculisant les tÈmoins de
la dÈfense, peuvent Ítre considÈrÈs comme Ètant de moindre signification.

Les questions posÈes par la cour ý líaccusÈ ont ÈtÈ, díautre part,
rÈvÈlatrices : ´ Combien de fois vous Ítes-vous rendu ý Bruxelles et ý quel
titre ? ª ´ Pour quelles affaires Ítes-vous allÈ ý Naussa ? ª ´ Vous Ítes un
homme instruit. Níavez-vous pas pensÈ quíen vous rendant chez des
compatriotes pour distribuer ce feuillet vous alliez provoquer des troubles
? NíÈtait-ce pas pour des troubles que vous avez ÈtÈ arrÍtÈ ?ª La
signification de cette journÈe a ÈtÈ rÈsumÈe par le procureur Nikolaus
Sentis : ´ Nous avons traitÈ díun problËme important qui peut Ítre rÈsumÈ
par les vers du poËte : Ma langue est le grec ! La question de la langue est
fondamentale. Nous sommes en train de parler díun facteur dÈcisif dans la
formation de la conscience nationale, díun critËre racial. LíaccusÈ aurait
dš faire davantage attention en distribuant ce feuillet. ª Il a ÈtÈ question
aussi dans ce discours du Bureau pour les langues moins rÈpandues, líÈditeur
du texte incriminÈ. ´ Peut-Ítre que les EuropÈens níont pas ÈtÈ bien
informÈs. La personne qui a rÈdigÈ le texte devrait Ítre identifiÈe et en
subir les consÈquences. Enfin, le prÈsident de la cour síest exprimÈ dans
les mÍmes termes pour Èvoquer la personne qui a dessinÈ la carte figurant
dans la brochure.

Líissue du procËs Ètait donc prÈvisible. Et le fait que líaccusÈ, pour sa
dÈfense, a fait acte de sa conscience nationale grecque tout en refusant de
condamner sa langue maternelle ? A líexception de la juge Stamata Petsali,
la 10e cour díAthËnes a dÈcidÈ que la rÈfÈrence aux langues autres que le
grec parlÈes en GrËce constitue un dÈlit criminel. On aurait pu renvoyer M.
Bletsas aux Ètudes, rÈviser ses connaissances de grec ; au lieu de cela, on
lía condamnÈ ý 15 mois de prison et 500 000 drachmes pour avoir fait
rÈfÈrence ý son ´ idiome ª maternel. De la mÍme maniËre que les cours
turques avaient estimÈ que la langue kurde ´ níexiste pas ª.

*Pour le texte original en grec, rendez-vous sur
http://www.iospress.gr/mikro2001/mikro20010210.htm

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